A J. V. (Charlotte, Caroline du Nord)
Au centre de Louvain-la-Neuve, Hergé a son musée depuis l’été 2009, un paquebot clair entre les arbres, auquel on accède du centre par une passerelle en bois. En ce début du mois de mars, à ses pieds, un de ces grands chantiers incessants dans la ville universitaire. Mais une fois à l’intérieur, on l’oublie, on s’abandonne au calme des volumes aux lignes obliques et aux couleurs pastel, reliés par de légères passerelles métalliques, des espaces très originaux et agréables à parcourir.
Ceci n’est pas une photo du musée Hergé (en haut, à droite).
Le ticket d’entrée, audioguide et badge « Tintin » compris dans le prix, vous ouvre la porte d’un ascenseur : on visite de haut en bas. La première salle présente Georges Remi dit Hergé par les grandes dates de sa vie, assorties de planches significatives.
Il y a peu à lire pour les visiteurs allergiques aux écouteurs : une brève présentation du thème, pour chaque espace, et quelques citations. « A croire mes parents, je n’étais vraiment sage que lorsque j’avais un crayon à la main et un bout de papier », confie le dessinateur dans un entretien pour la revue Libelle-Rosita en 1978. Des vitrines basses offrent un contenu plus personnel : des albums de photos d’Hergé boy-scout – « C’est avec le scoutisme que le monde a commencé à s’ouvrir à moi » ; Hergé l’homme qui aimait les chats, photos et croquis à l’appui, dont une belle feuille où il a dessiné Thaïke, un siamois, sur le vif ou sagement installé sur un coussin bleu.
Ensuite on découvre les différentes facettes de son talent. Le créateur de « Quick & Flupke, gamins de Bruxelles », a produit des dessins publicitaires très réussis, pour le rayon des jouets à l’Innovation, par exemple, ou pour des cigarettes turques Moldavan, que fume un homme en smoking coiffé d’un fez. Déjà la sobriété
légendaire d’Hergé : le dessin doit être avant tout « efficace ». De grandes photos montrent l’Atelier Hergé Publicité au travail. Nous ne sommes donc pas dans un
« musée Tintin », c’est clair, l’objectif, ici, est avant tout de faire connaître son créateur. Mais le célèbre reporter est tout de même omniprésent, avec toute sa famille de papier dont les noms traduits surprennent parfois : « Bobbie » ou « Snowie » pour Milou, les « Jansen & Janssen » ou « Thomson & Thompson » – l’audioguide précise que le frère jumeau du père d’Hergé a inspiré leur fameux « je dirais même plus » et propose une astuce pour les distinguer l’un de l’autre. Haddock reste Haddock dans presque toutes les langues. Pourquoi si peu de femmes, à part La Castafiore ? Pas par misogynie, dit Hergé, mais parce qu’il est plus délicat de tourner une femme en ridicule, à ses yeux.
Des rideaux en beau velours rouge d’autrefois s’ouvrent sur une salle de cinéma ; on y projette un documentaire sur la vie d’Hergé dans son époque puis une sélection de dessins, esquisses, traits, significatifs de son génie. On suit les différentes étapes du travail, on observe des variantes graphiques avant la forme définitive à donner même à un simple chiffre. Le grand écran met les détails en valeur, ce que ne permettent pas certaines planches présentées en vitrines trop basses.
Au musée Hergé, on découvre de belles photos de lui dans Bruxelles, par exemple avec Tchang au Cinquantenaire sous la neige ; on apprend les circonstances de leur rencontre, l’influence qu’elle a eue sur Hergé. Une exposition temporaire, au rez-de-chaussée, y est consacrée, dans le cadre d’Europalia Chine (prévue jusqu’au 28 février, elle était encore visible le 4 mars). On y découvre des sculptures de l’ami chinois, des citations de Lao-Tseu, la traduction des idéogrammes calligraphiés par Chang pour assurer la vraisemblance du décor dans Le Lotus bleu.
La huitième et dernière salle du musée illustre la gloire d’Hergé par les témoignages de différentes célébrités. Michel Serres, le grand philosophe tintinologue et ami d’Hergé, « un homme délicieux », lui rend hommage avec passion. Il raconte dans un document vidéo comment L’oreille cassée illustre à merveille son cours sur le fétichisme ; il place Hergé parmi les tout grands créateurs du XXe siècle, avec un enthousiasme communicatif. Il ne reste plus qu’à entrer dans la tour des couvertures
de Tintin dans toutes les langues : Tinéjo, Tinni, Tim, Tintim, Tantana et autres Kuifje, Kuifie, Kuifstje voire Keefke - ah well merci !
Au lendemain de la visite du musée Hergé, où l’on ne s’ennuie pas, moins passionnant que je ne l’espérais (pardon à mon amie tintinophile), que reste-t-il ? La belle architecture de Christian de Portzamparc, récemment primée, en parfaite adéquation avec l’univers d’Hergé et très bien intégré dans son cadre. La muséographie, un peu lisse, laisse parfois sur sa faim. Mais on sort de là avec l’envie de relire les bandes dessinées abandonnées depuis longtemps sur un rayonnage et de les regarder d’un autre œil, et de plus près. Avant une nouvelle visite, qui sait ?
Commentaires
Quick et Flupke, ça fait bien 30 ans que je n'entends plus leurs noms, ça fait plaisir!
Tintin est bien connu en Espagne, et les "je dirais même plus" s'appellent...Hernández y Fernández", oui.
Un monde bien masculin, en effet, en ce 8 mars..."Ah je ris...", chère Castafiore.
A (re)lire aussi, éventuellement, Pierre Assouline.
@ Colo : H & F, comme Homme & Femme, tiens, tiens ! "... de me voir si belle..."
@ JEA : je lirai sans doute cette biographie, malgré la polémique -
http://www.actuabd.com/Goddin-et-Peeters-contestent-les-propos-d-Assouline-sur-la-breve-paternite-d-Herge
Bonjour Tania,
Je viens avec un peu de retard vous remercier pour votre visite ainsi que pour votre gentil commentaire laissé sur mon blog.
J'ai visité de nombreuses fois votre joli pays ainsi que de nombreux musées, dont le musée de la BD qui se trouvait l'année dernière encore dans un très bel immeuble Arts déco, s'agit-il du même musée, et est-ce qu'il aurait déménagé?
Je vous souhaite un très belle après-midi
Hergé … ! Adolescent, j’ai lu Tintin quand il paraissait en feuilleton, pendant la guerre, dans le journal Le Soir publié sous le contrôle de l’ennemi ... un voisin gentil m’en découpait les dessins et me les coloriait … J’étais ravi … Plus tard, en 1945, quand j’avais 16 ans, en sana suisse, un de mes compagnons, intime de Hergé, nous passait ses albums (dédicacés, quelle valeur maintenant !) pour notre plus grand plaisir, … j’étais cependant très étonné de voir l’engouement de mes compagnons, adultes intellectuels, pour cette production … que mes maîtres alors traitaient d’enfantine …
@ Kenza : le Centre belge de la bande dessinée n'a pas déménagé de son bel écrin bruxellois, un chef-d'oeuvre art nouveau de Victor Horta, voir http://www.cbbd.be/fr/cbbd/en-bref - autre ville, autre musée.
@ Doulidelle : une destination de choix pour tes petits-enfants et toi ? Ah ces albums prêtés, transmis de génération en génération, pour le plus grand plaisir des lecteurs et sans souci de préserver des originaux désormais convoités !
Ma chere Tania,
Du fond coeur, tout simplement, un tres tres chaleureux merci.
J.V.(Charlotte, Caroline du Nord)
A lire : GEO ~ Tintin, grand voyageur du siecle.
: LE FIGARO Beaux Arts ~ magazine : Tintin a la decouverte des grandes civilisations.
A emporter dans la tombe : Tous les Tintin.
@ Jo : je te reconnais bien là - avec plaisir !
Moins consensuel :
- http://bibliobs.nouvelobs.com/20100311/18216/une-nouvelle-mesaventure-de-tintin
Bonsoir,
Merci pour ce conseil même si ce musée ne répond pas à toutes les attentes. Je suis fan de Tintin depuis l'âge de 8 ans (j'en ai 48). Bonne soirée.