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Peindre la forêt

Rendez-vous amoureux, promenades, jeux, pique-niques, bien des Bruxellois peuvent les associer avec le « Jardin de Bruxelles », son poumon principal, sa cathédrale de hêtres : la forêt de Soignes. Le musée d’Ixelles propose jusqu’au 10 janvier une exposition pour les amoureux de peinture et de nature, « Les peintres de la forêt de Soignes » de 1850 à 1950. Pour fêter le centenaire de leur association, les Amis de la Forêt de Soignes (aujourd’hui en péril) proposent aussi aux Halles Saint-Géry une exposition sur ce « patrimoine unique porteur d’avenir ». Comme la forêt de Fontainebleau a inspiré les peintres de Barbizon, cette magnifique forêt a attiré les pleinairistes. Leurs paysages sont regroupés autour de quatre artères qui la traversent : l’avenue de Tervueren avec l’école artistique du même nom, la chaussée de Wavre et le pittoresque Rouge-Cloître, la chaussée de la Hulpe et Boitsfort, les chaussées de Waterloo et d’Alsemberg à Uccle et Linkebeek. 

Affiche de l'expo.JPG


Si Avril à Tervueren de Lucien Frank offre une lumière printanière, les toiles du dix-neuvième siècle sont généralement plus sombres, comme Les cueilleurs de baies aux étangs de Robiano à Tervueren ou les élégantes d’Emile Jacques (Repos au parc
de Tervueren
). Un grand triptyque mélancolique de François Halkett, Dans la sapinière, montre deux femmes installées sur des chaises sous les arbres : l’une d’elles paraît souffrante, on lui ajuste un châle sur l’épaule.
Plus gaie, une étonnante Fête de nuit de Degouve de Nuncques, où des lampions japonais et des guirlandes électriques se reflètent dans un étang bordé de saules pleureurs au vert phosphorescent.
 

Halkett François, Dans la sapinière.JPG

 

Contraste de lumière – cette belle lumière de la forêt de Soignes attirait Rodin pendant son séjour en Belgique – mais aussi de matière picturale entre La mare aux grenouilles d’un Delvaux encore réaliste et Au jardin de Jan Brusselmans qui fragmente la touche. Bastien, « le peintre du Rouge-Cloître » (un ancien prieuré à l’orée de la forêt de Soignes devenu centre d’art), y a peint sa maison sous la pluie ;
sa matière rend bien l’atmosphère des lieux, comme dans La bergerie de Troisfontaines où les nuages se parent de couleurs orangées. Chaque peintre a son regard. Oleffe donne plus d’importance aux personnages qu’au décor (En août). Degreef, lui, s’immerge complètement dans le Sous-bois de Blankedelle ou peint une Paysagiste à son chevalet. Léon Houyoux peint à la manière impressionniste (La Woluwe à Val-Duchesse). Paul-Jean Martel, découvert ici, choisit des tons si clairs qu’il faut deviner les formes, par exemple, dans sa Terrasse au Rouge-Cloître.
 

Degreef, La paysagiste.JPG

 

Toutes les saisons attirent les peintres. Pour son Braconnier, Isidore Verheyden rend des tons d’automne, sous un ciel cuivré en écho aux feuilles mortes qui jonchent le sous-bois. Anne-Pierre de Kat, dans Le ravin, le tableau le plus rythmé de cette exposition, que j'ai eu plaisir à détailler, représente des patineurs sur un étang gelé, on y aperçoit aussi des cavaliers. Une petite toile de Vogels montre le peintre Pantazis peignant dans la neige, sa silhouette noire tranchant sur le blanc. Du côté de La Hulpe vivait un couple d’artistes réputés, Rodolphe et Juliette Wytsman. De celle-ci, j’ai aimé un paysage printanier tout en fleurs jaunes et ombres bleues (Verger à Linkebeek). Médard Verburgh rend à l’été tout son éclat dans Les toits rouges à Boitsfort, réjouissants, mais il ne peut cependant rivaliser avec Rik Wouters, le fauve brabançon, et sa grande Fenêtre ouverte sur Boitsfort. 

VOGELS Guillaume, Pantazis peignant dans la neige, c. 1881.JPG

 

Dernière salle, consacrée à Uccle et Linkebeek, avec une lumineuse Grande ferme rose d’Adrien-Jean Le Mayeur, près de laquelle on a accroché un Intérieur de Louis Thévenet. De jolies vues de Linkebeek sont signées Roidot ou Charles Dehoy Le Langeveld de Jos Albert, en comparaison, est presque abstrait, fermement structuré par un tronc d’arbre à l’avant-plan. La plupart de ces noms parlent aux amateurs de peinture belge et aux habitués des salles de ventes bruxelloises, les œuvres présentées ici viennent de musées mais aussi de collections particulières.

Degouve de Nuncques, Etang de Boitsfort.JPG

 

Samedi matin, il n’y avait pas encore grand-monde à cette exposition qui n'ouvre ses portes qu'à onze heures trente, c’était très agréable pour y déambuler à l’aise. J’y ai flâné trop longtemps pour pouvoir regarder attentivement l’exposition principale du musée d’Ixelles en ce moment : les photos de la collection du diamantaire et bijoutier anversois Sylvio Perlstein sous le titre « La photographie n’est pas l’art », plus de deux cents tirages de 1920 à nos jours. C’est Man Ray qui affirmait cela avec humour. Il est présent avec bien d’autres noms célèbres dans ce parcours à travers l’histoire de la photographie au vingtième siècle.

  

Mais j’avais encore l’odeur des feuilles et de l’humus dans les narines, l’œil imprégné des feuillages et des écorces, des eaux dormantes sous la lune (Abatucci) ou des lumières d’un soir bleuté de Degouve de Nuncques, magique.

 

 

Commentaires

  • Vogel ? une peinture d'oiseau sans cage...
    A votre connaissance (qui époustoufle), où pourrait-on voir l'une ou l'autre de ses toiles peintes à Anseremme ?

  • La forêt de Soignes, ce poumon de Bruxelles, qui s’oxygène par « la plus belle hêtraie d’Europe » est en danger. Les hêtres ne supporteraient pas le climat adouci de nos régions. Pour être vigoureux, cet arbre a besoin « d’un coup de fouet climatique ». La réunion d’aujourd’hui va s’inquiéter de ce problème de réchauffement climatique …

  • Je ne suis jamais allée à Bruxelles, tu me fais donc découvrir l'existence de cette forêt et des artistes qu'elle a inspirés. Une très belle exposition visiblement.

  • La peinture que vous présentez ici n'a rien à voir avec celle dont il est question dans les blogs que j'ai épinglés dans le Vent des blogs de ce jour. Je dois dire que je préfère cette forme d'art.

  • Merci pour cette belle balade automne-hiver belge. Sauvez vos hêtres, por favor!

  • @ JEA : Vogels est présent dans les collections du musée d'art wallon à Liège, ai-je lu.

    @ Doulidelle : espérons, espérons...

    @ Aifelle : Bruxelles a perdu son cours d'eau, la Senne, au fil de son histoire, mais a heureusement gardé de beaux espaces verts.

    @ Zoë Lucider : ravie que cette peinture "naturelle" vous plaise.

    @ Colo : je te souhaite de pouvoir reprendre tes balades mallorquines dès que les astres seront plus cléments.

  • Je me promenais parfois dans cette belle forêt quand j'habitais à Uccle. Quels beaux tableaux!

  • Tania ce billet est vraiment sympathique, des peintres sans doute pas les plus prestigieux mais qui ont mis dans leurs tableaux tellement de lumière et de couleurs que l'on fait j'ai l'impression une bien belle balade en forêt
    j'aime particulièrement le paysage de neige

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