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Pouchkine à Martigny

De Courbet à Picasso, c’est la belle exposition d’été de la Fondation Gianadda à Martigny, un rendez-vous à ne pas manquer. Les œuvres prêtées par le Musée des Beaux-Arts Pouchkine, des peintures françaises des XIXe et XXe siècles – autour de l’impressionnisme – ne sont à nouveau visibles à Moscou que depuis 2006. La galerie d’art moderne occidental y a rouvert ses portes quelque soixante ans après la condamnation de cet art « bourgeois » acquis principalement par deux collectionneurs russes, Ivan Morozov (ingénieur) et Serguei Chtchoukine (magnat du textile, mécène pour qui Matisse a peint La Danse et La Musique).

 

Picasso Arlequin et sa compagne (les deux saltimbanques).jpg
  

L’exposition s’ouvre sur trois Corot, dont un merveilleux Char à foin : près d’un arbre au croisement d’une route de campagne, un cheval tire la charrette où deux personnes sont juchées sur le foin, un cavalier les accompagne. Des paysages de Courbet, un Bal à l’Opéra de Paris signé Forain, précèdent une grande toile de Dagnan-Bouveret, La bénédiction des jeunes époux. La lumière blonde et les blancs de cette composition réaliste fascinent : le vieux couple des parents tend un cierge aux mariés, agenouillés devant eux. Sur le sol jonché de pétales de roses, la mariée a posé son missel. Dans le fond, une grande table de fête couverte de nappes blanches, au bout de laquelle est posé un bouquet champêtre. On aperçoit des serviteurs dans un angle, près de la vaisselle blanche, et face à nous, la famille regroupée et attentive.
Aux fenêtres, des rideaux immaculés ajoutent encore de la clarté à la scène qu’un trait blanc, sur la nappe, souligne en oblique.

 

Degas Danseuse chez le photographe.jpg
 Edgar Degas, Dancer posing for a Photographer Danseuse chez le photographe, 1875, 65 x 50,
Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, © The State Pushkin Museum of Fine Art, Moscow

 

C’est le seul artiste peu connu dans le parcours. Renoir est là avec Au jardin, Sous la tonnelle au Moulin de la Galette – de dos, une jeune femme en robe blanche rayée de bleu rappelle le célèbre Moulin. Puis vient une Danseuse chez le photographe, le Degas qui a été choisi pour l’affiche : elle prend la pose devant un miroir, à travers de grandes vitres d’atelier on reconnaît des façades parisiennes. Dans Matin d’automne à Eragny, de Pissarro, on voit d’abord les arbres dorés du paysage, puis on devine une ferme, un cavalier qui tient son cheval par la bride. Deux Monet lui succèdent : des Nymphéas blancs, sous le pont japonais, puis Meules de foin à Giverny, devant une allée de jeunes peupliers qui vibrent sous le soleil. Et puis Cézanne, très bien représenté aussi, la fameuse Ronde des prisonniers de Van Gogh, les couleurs somptueuses des Gauguin (Matamoé (la mort), Paysage aux paons et Vaïraumati Tei Oa – Son nom est Vaïraumati). 

Gauguin Matamoé (la mort).jpg

Paul Gauguin, "Death. Landscape with PeacocksPaysage aux paons", Paysage aux paons, 1892, 115 x 86,
Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, © The State Pushkin Museum of Fine Art, Moscow

Comment rendre tant de beauté par l’énumération ? Une Femme à la fenêtre de Toulouse-Lautrec (carton, essence, céruse). Un Intérieur de Vuillard plein de charme. De grands Matisse, dont les Capucines devant La Danse. Le Vésuve par Marquet, un paysage d’or pâle où les coques des bateaux brillent d’un noir d’encre. Un Picasso à couper le souffle, Arlequin et sa compagne (les saltimbanques) : ils sont accoudés devant un verre, les yeux dans le vague, lui dans son costume bleu à losanges, de profil, elle de face, en jaune orange. Contraste du froid et du chaud sur le fond aussi, rouge de la banquette, bleu du mur. Un coup de cœur.
Le coq de Brancusi dans le parc de la Fondation Pierre Gianadda à Martigny.JPG

 

Et ce n’est pas tout : voici Apollinaire et Marie Laurencin peints par Rousseau, et
aussi son étonnant Cheval attaqué par un jaguar. Des courbes graphiques sur fond noir d’Ozenfant. Il faudrait revenir pour mieux regarder les photographies en annexe et flâner à l’aise dans le parc de sculptures. Avec les années, les arbres de plus en plus beaux y jouent aussi des formes et des volumes, des couleurs et de la lumière.

 

 

 

Commentaires

  • Merci pour ce merveilleux billet. A défaut de pouvoir y aller, tu me donnes à rêver pour la journée.

  • Chaque fois que je suis de passage je ne manque pas une visite à la fondation Giannada à Martigny !! c'est un endroit magique,le choix des expos est rarement décevant et le parc qui s'enrichit régulièrement de nouvelles sculptures s'embellit d'année en année.
    Avez-vous fait le tour de la partie consacrée à Léonardo da vinci qui se situe dans un bâtiment au fond du parc ?? c'est super bien conçu et vous y découvrirez de magnifiques dessins, très bien expliqués.

  • @ Aifelle, les paysages que vous traversez et que nous pouvons apprécier sur votre blog valent tous les tableaux du monde!!

  • Martigny en été c'est un rituel familial, pendant des années j'ai habité Annecy et nous partions tôt le matin par Chamonix et le col des montets, puis le col de la forclaz, pique nique au bord d'un bisse ou à l'auberge du glacier du Trient, descente sur Martigny, musée l'après midi et retour avec une pause gaufre à Chamonix

    Des souvenirs bucoliques et artistiques parmi les meilleurs

  • Je suis épatée par ton extraordinaire culture générale, dont tu nous fais profiter merveilleusement...
    Bonne soirée

  • Bonjour,
    très bel article, très instructif. Ton site nous ouvre une porte personnel et original sur le monde de l'art. Je reviendrai,

    Bonne continuation,
    rafa

  • Cet article m'intéresse d'autant plus que je reviens de Russie et que j'ai pu visiter le musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg et à Moscou la galerie Trétiakov où se trouve la fameuse Trinité de Roublev et le musée Pouchkine où l'on voit, entre autres merveilles, les toiles provenant des collections Chtchoukine et Morozov qui furent nationalisées d'office par le pouvoir dans les années 1940. Alors qu'à Paris les impressionnistes étaient dédaignés, ces collectionneurs avertis faisaient preuve d'une grande intuition, sans compter d'un goût éclairé. Aujourd'hui ce musée se range parmi les meilleurs du monde et recèle plus d'un million d'oeuvres allant de la Préhistoire à nos jours. Quant à la peinture russe, trop méconnue en France, elle m'a agréablement éblouie, en particulier à la Galerie Trétiakov, où des peintres comme Sourikov, Perov, Chichkine ont su passer de l'art de l'icône à une peinture contemporaine de grande qualité qui n'a rien à envier à la nôtre.

  • J’ai été débordé ces derniers jours par de nombreuses tâches dont le « sauvetage urgent » d’un indépendant au bord de la faillite. Cette époque de crise est cruelle et dramatique pour beaucoup et nous les conseillers professionnels souffrons de notre impuissance à les aider à s’en sortir… On garde dans les yeux et dans le cœur la marque de cette détresse qui ressort de tout leur être face à des lendemains de misère…

    Je n’ai donc consulté que tardivement ce blog magnifique tant par la qualité de ses reproductions que par la finesse du commentaire des principales œuvres du musée Pouchkine… De Courbet à Picasso … : une époque qui restera un tournant majeur dans l’évolution de l’art …

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