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Culture - Page 184

  • Eclat des années 30

    L’éclat des années 30, c’est le thème de « Flamboyant », l’exposition conçue par Louma Salamé, la directrice de la Villa Empain (construite de 1931 à 1934, mais quasi pas habitée par son propriétaire, Louis Empain). Après la grande guerre se manifeste alors une « soif d’amusement, de distraction et de loisirs » (Guide du visiteur, source des citations). Le sous-titre de l’exposition – « Un art de vivre dans les années trente » – renvoie aussi aux innovations artistiques de ces années-là.

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    Vues partielles du grand salon et de la salle à manger

    On découvre donc la Villa Empain meublée comme pour un collectionneur d’art (imaginaire), avec des objets et des œuvres des années 1920 et 1930. Au rez-de-chaussée, des meubles et du papier peint Art déco ornent les pièces côté jardin. Des peintures de Van de Woestijne et d’Anto Carte sont accrochées dans le grand salon. De l’autre côté, la table de la salle à manger est dressée dans le style de l’époque et au-dessus du buffet, je retrouve ce beau Portrait des enfants Y. Peters par Rodolphe Strebelle (admiré au musée d’Ixelles), près de meules de foin peintes par Spilliaert.

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    Lumière née de la lumière
    de Bang Hai Ja / Franz van Holder, Lumière

    J’ai déjà dit mon coup de cœur pour Lumière née de la lumière, l’œuvre de Bang Hai Ja, à la fenêtre de l’escalier ; cette fois, une grande toile de Franz van Holder, Lumière, y est associée – c’est beau. Il y a beaucoup à voir dans les différentes chambres à l’étage, en commençant par la chambre d’enfant remplie de jouets de l’entre-deux-guerres. Aux murs, Picabia, Strebelle et une gouache de Van de WoestyneLa petite Annonciation ; au sol, un tapis de Miró.

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    Chambre d’enfant / Rodolphe Strebelle, Portrait d'Olivier, s.d.,
    Province du Brabant wallon © Lola Pertsowsky

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    Van de Woestyne, La petite Annonciation

    Le fumoir, tapissé de motifs végétaux stylisés, est transformé en cabinet de curiosités : objets africains, faïences et céramiques… L’intérêt pour les contrées exotiques se manifeste aussi dans une peinture de Van Dongen, Femme debout dans le jardin, « une femme mystérieuse, à la fois parée et voilée, orientale et baudelairienne ».

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    Fumoir L'Oasis / Kees Van Dongen, Femme debout dans le jardin, 1912-13
    Huile sur toile. Private collection, Geneva © Lola Pertsowsky

    A côté de la salle de bain bleue, qui abrite deux vitraux du « Perroquet », un bar à vins qui était situé avenue de la Reine, le bureau restitue bien l’esthétique moderniste qui marque à cette époque le mobilier, l’architecture, avec des plans d’intérieurs et d’extérieurs. Une étonnante affiche du Palais des Beaux-Arts annonce une exposition sur Le bon goût et le mauvais goût (mars 1930). Dans la vitrine-bibliothèque, près d’une grande sculpture de serpent dressé, on peut admirer une collection de gracieux petits nus féminins en ivoire typiques de l’Art déco.

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    Vues partielles du bureau / Bahut d'Oscar Jespers (en haut)

    Au-dessus du lit dans la chambre à coucher, une Composition abstraite de Marthe Donas, qui signait alors Tour Donas, au masculin. La pièce est consacrée à la naissance de l’abstraction en Europe, avec entre autres une huile de Kandinsky, Contact (1924). Dans le boudoir, une coiffeuse basse Art déco au miroir rond invite à s’asseoir entre un beau Batelier d’Anto Carte et une peinture de Gustave De Smet – les artistes belges sont à l’honneur. Deux vitrines renferment de jolis accessoires de dames : minaudières, jumelles, réveil… Je craque pour une petite boîte turquoise d’inspiration japonaise.

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    Chambre à coucher ou Chambre de Monsieur
    Marthe Donas, Composition abstraite, 1920, Huile sur bois
    Private collection, Gent © Lola Pertsowsky

    Le « salon intime de Madame », à l’angle, est souvent la pièce la plus envoûtante des expositions organisées à la Villa Empain. Tendue de rouge et or, éclairée de façon spectaculaire, elle contient deux œuvres très séduisantes : le Matisse au-dessus du canapé, Jeune fille à la Mauresque, robe verte, et un superbe paravent de Max Ingrand, le créateur de la Voie lactée au plafond du rez-de-chaussée : La naissance de Vénus. On y voit aussi une aquarelle où Spilliaert a peint sa chambre – draps blancs, lavis de noir pour les murs. Le dressing n’est pas en reste avec de jolis dessous, robes et chapeaux. « Flamboyant » offre une plongée dans l’ambiance et l’esthétique des années trente, avant que l’Europe ne sombre dans la seconde guerre mondiale.

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    Le salon intime de Madame / Max Ingrand, La naissance de Vénus (paravent, détail)

    La visite se prolonge au sous-sol avec Heliopolis. La ville du soleil, une seconde exposition. « Des liens historiques étroits lient la Villa Empain / Fondation Boghossian de Bruxelles à la « Villa hindoue », aussi appelée « The Hindou Palace » ou « Qasr al Baron » d’Héliopolis en Égypte. La première a été une demeure de Louis Empain (1908-1976) ; la seconde avait été voulue par son père, Édouard Empain (1852-1929), entrepreneur belge hors du commun, dans la ville qu’il a contribué à créer dans le désert au nord-est du Caire. » (Catalogue)

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    Couverture du catalogue (à télécharger en ligne

    Cette exposition très intéressante (photographies interdites) présente l’histoire du site égyptien depuis l’Antiquité jusqu’à la création de la Nouvelle Héliopolis au début du XXe siècle : plans, objets, photographies, sculptures, documents divers évoquent la cosmogonie du dieu solaire, la fuite de la Sainte Famille en Egypte, ainsi que « l’Héliopolis du baron Empain et du pacha Boghos Nubar », une incroyable affaire immobilière qui a vu naître dans le désert une nouvelle ville Art déco destinée aux habitants du Caire à la recherche de plus de confort et d’espace. Les deux expositions seront visibles à la Villa Empain jusqu’au mois d’août.

  • Reconquête

    tesson,sur les chemins noirs,récit,littérature française,marche,rééducation,traversée de la france,campagne,nature,culture« Gras marchait vite, je peinais derrière lui. Mais chaque jour pourvoyait à une amélioration de mes fonctions physiques. Parfois c’était la souplesse que je sentais revenir, un autre jour le souffle était moins court et aujourd’hui je n’avais pas souffert de la moindre douleur dans le dos. Pour l’instant la guérison me garantissait un sentiment contre-nature : l’impression d’une reconquête quotidienne, comme si le processus de démolition biologique de la vie s’était inversé et que j’allais rajeunir jusqu’au jour où, la guérison achevée, la mécanique se renverserait à nouveau et où je recommencerais à me sentir vieillir, signe que je serais parfaitement rétabli. »

    (Le 18 septembre, dans les Cévennes vivaraises)

    Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs

  • Voyage né d’une chute

    Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson raconte sa traversée de la France à pied, du Sud-Est jusqu’au Cotentin, du 24 août au 8 novembre 2015, une marche en guise de rééducation qu’il s’était promis d’entreprendre s’il s’en sortait. Le livre s’ouvre sur deux cartes – celle de la France « hyper-rurale », celle de son itinéraire (ci-dessous) – et un avant-propos qui résume deux chocs survenus dans sa famille où « la vie ressemblait à un tableau de Bonnard » : sa mère était morte – « et moi, pris de boisson, je m’étais cassé la gueule d’un toit où je faisais le pitre ».

    Tesson Itinéraire-sur-les-chemins-noirs.jpg

    Après quatre mois d’hôpital, il a réchappé d’une chute de huit mètres qui l’a abimé physiquement et a laissé intact son goût de la route buissonnière. « Pas n’importe quelle route : je voulais m’en aller par les chemins cachés, bordés de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. » Le train, à une allure qu’il juge folle (« la vitesse chassait le paysage »), l’amène à Nice puis à la gare de Tende, son point de départ.

    Avant de monter vers le col de Tende, comme les Russes qui « s’asseyent quelques secondes » avant de partir en voyage, font le vide, pensent à ceux qu’ils quittent, il s’assied, puis se met en route. Les pins noirs sur la crête du Mercantour le font penser à la Chine, mais il se rappelle l’injonction de Pessoa : « De la plante, je dis « c’est une plante », / De moi je dis « c’est moi ». / Et je ne dis rien de plus. / Qu’y a-t-il à dire de plus ? » Résolution difficile à tenir : comment regarder les choses sans laisser monter les souvenirs, sans se rappeler ses peintres ou écrivains de prédilection ?

    « Je plaçais mon salut dans le mouvement. » En quelques pages journalières, Sylvain Tesson raconte sa progression, du concret et des rêveries, sa jouissance de revenir au « temps des bivouacs ». Au début, il se traîne, le dos souffre. Pour soulager son corps de la nuit sous tente, il cherche de temps à autre un gîte. Pas facile d’échapper à l’administration de la « ruralité » au sens du rapport Ayrault-Valls : « Ce que nous autres, pauvres cloches, tenions pour une clef du paradis sur Terre – l’ensauvagement, la préservation, l’isolement – était considéré dans ces pages comme des catégories du sous-développement. »  

    Sur les chemins noirs est le récit d’une marche forcée volontaire hors des sentiers battus, autant que possible à distance des aménagements du territoire, le temps d’une prise de conscience. Pourquoi passer sa vie à cavaler ? Comment font ces gens qui s’enracinent quelque part pour la vie ? Où vivre librement sans trop de pression sociale ? « L’évitement me paraissait le mariage de la force avec l’élégance. » Sylvain Tesson n’est ni ermite ni asocial. De temps à autre, un ami, une sœur viennent marcher un peu avec lui. Il parle avec ceux qu’il rencontre en chemin, partage son pain avec des chats maigres. Le silence est son allié. L’amélioration physique est notable, mais il doit composer avec les médicaments, les douleurs, les faiblesses, les réactions parfois étranges devant sa nouvelle apparence.

    Un livre court (170 pages) pour un long itinéraire à l’aide des merveilleuses cartes d’état-major de l’IGN. Les descriptions sont rapides, les paysages sentis plus que photographiés. Il y est question de « l’époque », la nôtre ; elle lui paraît tout sauf glorieuse, livrée aux bureaucrates et au commerce, envahissante. « Récemment, le chef de l’Etat français s’était piqué d’infléchir le climat mondial quand il n’était même pas capable de protéger sa faune d’abeilles et de papillons (Fabre en aurait pleuré). »

    « Certains hommes espéraient entrer dans l’Histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie. » L’écrivain a le goût de la formule, du calembour – « Oraison, funèbre endroit. » Il fait au lecteur le plaisir de ne pas s’appesantir. Les paysages ne lui sont pas simplement le « décor du passage », le marcheur va à leur rencontre, écoute leur histoire, découvre « le trésor des proximités ».

    En lisant Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson, j’ai aimé sa façon de partager cette traversée inédite faite d’efforts et de plaisirs, de questions sur le monde et sur soi. Un cadeau d’un écrivain-voyageur pour qui le voyage, même dans son propre pays, est toujours aussi cheminement intérieur et quête de lumière.

  • Château Delune

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    A l’angle de l’avenue Franklin Roosevelt et de l’avenue des Phalènes, cette superbe villa de style Art nouveau, attribuée à l’architecte Léon Delune, est surnommée le « Château Delune ». Bien restaurée, elle a retrouvé ses boiseries vert pâle et gris beige.

    Cette maison joue un rôle majeur dans le roman de Jacqueline Harpman, Le bonheur dans le crime (1993). Vous en trouverez l’histoire et la description sur le site de l’Inventaire du patrimoine architectural. Actuellement, elle abrite une ambassade.