Première des trois « estivales » où j’ai pu m’inscrire, la visite guidée de la place Colignon et de ses alentours m’a permis, dimanche dernier, de découvrir d’autres curiosités du patrimoine schaerbeekois. La guide avait donné rendez-vous devant l’Hôtel communal où le vent fort s’amusait à relever sa visière. Chaque participant (masqué) a reçu un récepteur et des oreillettes – une nouveauté qui s’est avérée très pratique pour le respect des distances et pour le confort à l’audition.
L'Hôtel communal de Schaerbeek
Lorsque la Belgique devient indépendante en 1830, Schaerbeek ne compte que 1.800 habitants. Rien n’est construit là où nous nous tenions, au milieu des champs, mais la perspective de la rue Royale Sainte-Marie (dans l’axe entre l’église Sainte-Marie et la gare) était déjà en projet. La population augmentant (51.000 habitants en 1870), le besoin d’un hôtel communal s’impose et on projette de l’édifier sur ces terrains communaux. Le 21 juillet 1887, le roi Léopold II inaugure le tout nouvel hôtel de ville construit d’après les plans de Jules-Jacques Van Ysendyck. La place reçoit le nom du bourgmestre de l’époque (de 1879 à 1891), Achille Hyppolite Colignon.
La devise de Schaerbeek, en face de l'Hôtel communal
En 1911, un incendie criminel dévaste l’hôtel communal et c’est le fils de l’architecte qui va le reconstruire et l’agrandir en passant de 40 à 70 mètres de profondeur, dans ce style néo-Renaissance flamande très prisé à l’époque pour se démarquer des styles français : jeux de briques, frises colorées, décor imposant au-dessus de l’entrée monumentale… Une vue aérienne sur le site de l’IPA vous donnera une bonne idée du volume des bâtiments si vous ne connaissez pas l’hôtel communal de Schaerbeek.
Quelques maisons dans l'ovale de la place Colignon, en face de l'Hôtel communal
Celui-ci devient le noyau d’un nouveau quartier qu’on veut dynamique, mais les parcelles qui entourent la place tardent à trouver preneur. Alors on lance un concours d’architecture imposant un bâti de qualité pour les maisons qui y seront construites : elles auront au moins 7 mètres de large, 15 m de haut ; le rez-de-chaussée doit être au niveau du trottoir, pour favoriser l’installation de commerces ; chaque maison sera dotée d’un cartouche à son nom.
Vers la rue Royale Sainte-Marie, en face de l'Hôtel communal
Les deux immeubles identiques avec tourelle qui font face à l’hôtel communal, de part et d’autre de la rue Royale Sainte-Marie, ouvrent une enfilade cohérente dans le style néo-Renaissance ; ils sont nommés dans les deux langues, au n° 1 « In de Boogen » côté place et « Aux Arcades » côté rue, au n° 2 « In ‘t Zicht des Gemeentehuis » et « A la vue de la Maison communale ». Un peu plus loin dans la rue, côté impair, la guide montre une série de six maisons bourgeoises de style éclectique conçues par le même architecte, et, en haut d’une maison d’inspiration néo-gothique signée Albert Dankelman, elle nous fait remarquer les chats en pierre bleue de part et d’autre d’une lucarne surmontée d’une arcade.
Lucarne aux chats, rue Royale Sainte-Marie, 241
Sept artères partent de la place Colignon. Nous nous dirigeons d’abord vers la rue Verhas, du nom d’un des premiers peintres belges à peindre dans la nature à la fin du XIXe siècle. En face des numéros 38 et 40, elle fait remarquer côte à côte les deux styles les plus répandus dans ce quartier, alors « nouveaux » : néo-Renaissance et néo-classique. Ce dernier caractérise une enfilade de maisons rue Emmanuel Hiel, où la guide attire notre attention sur les hauteurs de porte impressionnantes.
Aux 35 et 37, l’architecte-entrepreneur Frans Van Ophem a choisi un style néogothique d’inspiration brugeoise pour sa demeure personnelle dotée d’écuries (aujourd’hui transformées en habitations). Les mascarons de la façade ont des expressions différentes, les blasons de la tourelle représentent divers métiers. N’hésitez pas à cliquer sur les liens vers l’Inventaire du patrimoine architectural (IPA), dont les notices sont bien illustrées.
En passant par la rue Rubens, où une maison très soigneusement restaurée attire notre attention au numéro 79 – elle est signée Ernest Delune, dont j’avais vu de magnifiques réalisations près des étangs d’Ixelles –, nous arrivons dans la rue Renkin. Nous y admirons au 33 l’ancienne maison-atelier de Frans Van Ophem, qui opte en 1897 pour une nouvelle habitation art nouveau en grès rose. Les arts et métiers sont illustrés dans une frise de sgraffites au-dessus des fenêtres de droite du rez-de-chaussée et dans un tympan, à gauche, la sculpture, avec un bas-relief où figurent une femme allongée et la coupole de l’église Sainte-Marie. En dessous de cette fenêtre, un remarquable graphisme art nouveau pour la signature de l’architecte et la boîte aux lettres.
Rue Renkin aussi, on peut admirer une belle enfilade néo-classique de huit maisons, où une seule comporte un étage ajouté (38). A côté de l’hôtel particulier de 1910 dû à l’architecte Paul Saintenoy que nous regarderons plus loin, au 76, de style Beaux-Arts et d’inspiration Louis XV, une petite porte a gardé son fronton classique indiquant l’entrée de l’atelier d’un peintre, symbolisé par sa palette.
rue Gallait, Ecole communale n° 2
Nous verrons aussi des écoles. A la rue Gallait, la façade néo-Renaissance de l’importante école communale n° 2 (1897) vaut la peine d’être détaillée, riche en ornements symboliques : lyre, globe terrestre, livre... Rue Verwée, la façade néo-classique de l’Athénée royal. Rue Rubens, Mariaschool, une école flamande, porte encore le nom de la paroisse Saint-Servais dans les deux langues, autour d’un bas-relief art déco montrant au pied de la croix un pélican nourrissant ses petits, entre alpha et oméga.
rue Verwée, Athénée royal Alfred Verwée
En laissant derrière nous la place du Pavillon, qui doit son nom au pavillon servant jadis d’embarcadère royal « implanté à l'ouest de la voie de chemin de fer en provenance de la gare du Nord » (IPA), nous empruntons la rue des Ailes, jadis petite rue du Moulin (à vent). Au 117, une des plus anciennes maisons de Schaerbeek, une ancienne étable-laiterie, est en restauration.
Un petit crochet par la rue Vondel nous fait découvrir, au 121, une maison d’architecte néo-Renaissance de 1897 qui a conservé une céramique très schaerbeekoise, un chérubin aux cerises – la griotte est comme l’âne un symbole communal. La guide nous fait remarquer que les maisons néo-classiques sont souvent dénaturées par des parements de briquettes ou par des couleurs plus marquées qu’à l’origine.
Retour à la rue des Ailes où la maison du 82 est joliment restaurée. Au 71, l’ancien atelier du sculpteur Godefroid Devreese, « conçu en 1894 par son ami et collaborateur l'architecte Victor Horta » a été profondément transformé à partir de 1965 en style dit « brutaliste » (l’IPA montre les plans d’origine).
Nous revenons vers l’hôtel communal par la rue Maréchal Foch où trois belles maisons art nouveau d’Henri Jacobs nous retiennent : l’élégante façade du 7 est en très bel état, elle date de 1905, construite après sa voisine de 1899, au 9, qui était son habitation personnelle avec atelier. Le décor est splendide, avec un immense sgraffite végétal de Privat Livemont sous la corniche et plein d’autres ornements remarquables, comme la grille d’aération aux initiales de l’architecte. Plusieurs fois vendue, elle est en restauration. A côté, le 11 abrite un foyer pour jeunes. L’IPA vous en montre de beaux détails.
Monument en hommage à Alfred Verwée
Les inscriptions à l’arrière et sur le côté de l’hôtel communal vaudraient des commentaires, mais nous irons terminer notre promenade guidée autour de la place Colignon à la maison Verwée, dont l’angle intègre un monument-fontaine sculpté par Charles Van der Stappen en l’honneur du peintre animalier Alfred Verwée, décédé en 1895 dans la commune. Le roi Albert Ier et la reine Elisabeth étaient venus à son inauguration en 1904 et avaient eu droit à la drache nationale !
(Mise à jour 11/7/2020 - merci à Cécile Dubois de m'avoir signalé quelques erreurs.)
Commentaires
Ca m'a passionnée; je connais un peu la Belgique vers la France: mais pas ce côté -ci, Bruxelles...j'ai bien l'intention d'y aller un jour, mais tant de projets...............Bon week-end tout proche!
La période n'est pas très drôle pour voyager dans l'insouciance, mais on peut découvrir ou redécouvrir son quartier, sa région, son pays... Bon week-end à toi.
c'est vrai qu'il faut un guide pour avoir tous ces détails et aider à voir les chats sur le toit :-)
superbe, tout ça, et formidable que tant soit conservé!
Absolument ! Sinon, pour qui dispose d'un accès internet sur son téléphone, l'Inventaire du patrimoine architectural est une mine d'informations avec ses descriptions précises.
C'est magnifique, ces maisons et constructions anciennes me plaisent énormément! Spécialement peut-être les deux immeubles identiques avec tourelle.
La prochaine fois que j'irai te voir, j'imprime ton billet et je me balade par là!
Merci.
C'est noté ! On peut même y aller à pied de chez moi. Bonne après-midi, Colo.
J'aime toujours autant tes promenades de l'été, si riches en découvertes architecturales et artistiques.
Merci, Aifelle, ces estivales sont particulièrement bienvenues cet été où je préfère les activités à l'extérieur.
Quelles belles photos : merci pour la visite guidée. Je ne suis allée qu'une fois à Bruxelles et dans les alentours, et j'ai aimé énormément l'esthétique de tous ces bâtiments. Je ressens cela comme une beauté "digne" (je ne sais pas mieux dire).
Bonjour, Ariane. Ravie que Bruxelles suscite de telles impressions ! Eclectisme et diversité y caractérisent l'architecture, parfois très différente d'une rue à l'autre, et c'est formidable quand un quartier, une avenue, une place a pu conserver son patrimoine de façon harmonieuse.
je profite de ton taxi pour faire une belle balade
Avec plaisir, Dominique. Bon dimanche.
C'est splendide chez toi ! Merci Tania pour cette visite guidée !
Heureusement que l'on fait tout maintenant pour conserver de tels trésors ! Belle semaine qui commence Tania ! Bises.
C'est splendide chez toi Tania ! Merci pour cette visite guidée !
Heureusement que l'on fait tout maintenant pour garder de tels trésors ! Belle semaine qui commence et Bises.
Oui, j'ai la chance d'habiter une commune riche en patrimoine remarquable et qui s'efforce de le conserver en bon état. Bonne semaine, Claudie.
Merci Tania pour le partage de ta magnifique visite guidée. J'aime infiniment ces immeubles. Quelle belle architecture et un patrimoine de toute beauté.
Bisous ♥
Désolée Tania pour les répétitions mais je ne voyais pas si mon commentaire était envoyé. Tu peux en supprimer 4.
Bisous.
Chère Denise, merci pour ton commentaire et désolée pour les doublons intempestifs sur mon blog. qui a connu de gros problèmes techniques lundi après-midi. Le message d'envoi tarde parfois à apparaître, en effet. J'ai supprimé les doublons. Bonne journée !
Quel patrimoine exceptionnel !!! Que de découvertes à faire, merci Tania. À tout bientôt. brigitte
Ces promenades guidées d'une heure et demie permettent chaque fois d'en découvrir d'autres facettes, c'est vrai. A bientôt, Brigitte.
j'avais fort envie de m'inscrire à ces balades guidées, mais je m'y suis évidemment prise trop tard - en tout cas, merci tania, grâce à toi c'est presque comme si j'y étais
En deux jours, tout était complet, même si on ne peut plus s'y inscrire qu'à trois visites maximum, d'autant plus que, vu les règles de distanciation, les groupes sont limités strictement à 15 personnes. Tant mieux si ce partage t'a plu, j'ai mis des liens vers l'Inventaire du patrimoine architectural pour qui a envie d'en voir ou d'en savoir plus. Bonne soirée, Niki.