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Passions - Page 367

  • Révélateur

    Stevenson Caillebotte.jpg« Le parapluie, comme le visage, est en quelque sorte révélateur de celui qui le porte ; il est même beaucoup plus susceptible de trahir sa confiance. Car, tandis qu’un visage nous est, à ce jour, donné tout fait et que notre seule façon d’agir sur lui est de froncer les sourcils, de grimacer et de rire pendant les quatre premières décennies de notre vie, le parapluie est choisi parmi des centaines d’autres dans une boutique spécialisée, comme convenant le mieux au caractère de l’acquéreur. Le Philosophe du Parapluie possède là un pouvoir de diagnostic indéniable. »

    Robert Louis Stevenson, La philosophie du parapluie (L’Esprit d’aventure)

    Gustave Caillebotte, Rue de Paris, temps de pluie, 1877 (Art Institute of Chicago)

  • L'esprit d'aventure

    L’Esprit d’aventure (traduit de l’anglais par Isabelle Py Balibar) rassemble des articles de Robert Louis Stevenson (1850-1894) publiés dans diverses revues, de 1870 jusque peu avant sa mort, à 44 ans. Henry James : « […] le lire voulait dire pour beaucoup de gens la même chose que le « rencontrer ». Comme s’il y parlait lui-même, directement, comme s’il se dressait à la surface de sa prose avec son allure et sa voix, sa vie et ses habitudes, ses affaires et ses secrets les plus intimes. »

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    Portrait de Stevenson par John Singer Sargent (1887)

    Michel Le Bris explique dans la préface qu’après avoir réuni les Essais sur l’art de la fiction de Stevenson, il rêvait de le compléter par ces essais sur « l’esprit d’aventure », qui donnent à lire un véritable « art de vivre ». Chaque article est présenté par ses soins : non seulement les références de sa parution, revue et date, mais aussi les circonstances dans lesquelles il a été écrit, combien il a été payé et le sort que l’auteur a réservé au texte par la suite.

    « Aes Triplex », en ouverture, affirme clairement un choix d’existence. L’observation des effets de la mort d’un proche sur son entourage, la brièveté de la vie – « le temps que flambe une allumette » – l’amènent à réfléchir sur la manière de conduire sa vie. A l’instar de Samuel Johnson déjà âgé, parti faire le tour des Highlands – « et son cœur cuirassé de triple airain  ne reculait pas devant ses vingt-sept tasses de thé quotidiennes » (d’où le titre, tiré d’Horace) – Stevenson prône « un comportement ouvert et légèrement irréfléchi » plutôt que de vivre « dans un salon à température constante ». « Etre trop sage, c’est se scléroser ». « Tout cœur qui a battu fort et joyeux a laissé après lui dans le monde un mouvement d’espoir, et apporté sa pierre à l’histoire de l’humanité ».

    « Virginibus puerisque » aborde la question de se marier ou pas : « Le mariage est terrifiant, mais une vieillesse glacée et solitaire ne l’est pas moins. » (Du mariage) S’émerveillant du fait que tant d’unions soient « relativement » réussies, il s’interroge sur la manière de bien choisir un conjoint, sur les secrets du bonheur domestique, et conclut que « le mariage est semblable à la vie en ceci qu’il est un champ de bataille et non un lit de roses. » Son mariage avec Fanny Osbourne ne le fera pas changer d’avis quand il reviendra sur cette question.

    Le dernier des quatre textes réunis sous ce titre, « De la vérité dans les relations avec autrui », élargit le débat : est-ce vrai qu’il soit facile de dire vrai et difficile de mentir ? « L’art de bien dire », pour Stevenson, repose sur la vérité : « La difficulté de la littérature n’est pas d’écrire, mais d’écrire ce que l’on pense ; n’est pas de toucher le lecteur, mais de le toucher exactement comme on l’entend. »

    Son ironie éclate quand il oppose dans « La vieillesse grincheuse et la jeunesse » les bonnes manières, un idéal de prudence et de respectabilité au « drapeau rouge de l’aventure », Jeanne d’Arc et Christophe Colomb à l’appui. Comment se comporter quand on est jeune ? comment préparer sa vieillesse ? L’auteur aime raisonner à rebours des proverbes et de leur prétendue sagesse. Ainsi son « Apologie des oisifs » fait l’éloge de l’école buissonnière, école de tolérance et de curiosité, contre « l’extrême affairement », « symptôme de vitalité déficiente, alors que la faculté d’oisiveté suppose des goûts éclectiques et un solide sens de l’identité personnelle. »

    Aux amateurs de randonnées pédestres, je recommande « Le sens de la marche » ; aux amateurs de pittoresque, « De l’agrément des lieux peu attrayants ». Les amis des chiens apprécieront son étude du caractère canin et l’hommage à son brave Coolin, son premier et regretté compagnon à quatre pattes : « être un gentleman aux manières nobles et aux sentiments élevés, insouciant, affable et gai, voilà l’ambition innée du chien. »

    Un dernier titre pour conclure, parce qu’il est drôle et reflète bien le ton de L’Esprit d’aventure où les idées foisonnent : « La philosophie du parapluie », écrit par Stevenson à vingt ans pour un journal universitaire. Comme l’écrit Michel Le Bris, ce texte « préfigure déjà les essais qui établiront plus tard sa notoriété, mélanges d’aphorismes, d’anecdotes et de réminiscences personnelles, jouant du paradoxe et de l’antithèse d’un air faussement dilettante, mais, en fait, très soigneusement écrits. »

  • A la limite

    A la limite de la lumière et de l'ombre
    Je remue un trésor plus fuyant que le sable
    Je cherche ma chanson parmi les bruits du monde
    Je cherche mon amour au milieu des miracles

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    Un poème commence où la voix s'est brisée
    Et je fais mon bonheur en dénouant tes mains
    Quand nous nous rencontrons au bord d'une journée
    Nouvelle, au bord de l'aube où le ciel nous rejoint

    Odilon-Jean Périer

  • Le nid du cygne

    Ciel bien dégagé pour ce deuxième dimanche de mars : après une nuit de gel, une légère brume matinale, le thermomètre remonte lentement. Si nous allions au Rouge-Cloître cet après-midi ?

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    En passant devant la maison du meunier, une pensée pour le peintre Bastien qui y a habité. Pas étonnant que cet endroit ait inspiré des artistes, le cadre est pittoresque à souhait, en toute saison.

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    Beaucoup de promeneurs le long des étangs, dans les allées. Les bancs face au soleil remportent leur succès habituel et quelques pêcheurs ont même jeté leurs lignes dans les eaux tranquilles.

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    Plus loin, un chemin s’écarte vers la droite et nous rejoignons un groupe d’observateurs immobiles qui gardent le silence : des photographes et des curieux se sont arrêtés pour regarder le manège des écureuils, des mésanges, des sitelles…

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    Il y a là quelques troncs couchés, un fouillis de branchages, et puis, sur les poteaux en bois de la clôture au bord du chemin, des graines pour attirer la faune locale. Difficile de saisir l’instant dans ce ballet improvisé quand on ne dispose pas d’un de ces magnifiques appareils munis de téléobjectifs !

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    Mais la plus belle surprise du jour nous attend plus loin : au bord d’un sentier moins passant, tout près de l’eau, un cygne s’affaire sur son nid en construction. Installé en plein milieu, il allonge le cou pour disposer les rameaux autour de lui, fait une pause pour juger du résultat, recommence, sans trop s’inquiéter du voisinage humain.

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    Nous le laissons derrière nous avec regret – tant de blancheur, tant de grâce. Un peu plus loin, un panneau « zone de protection » rappelle de ne pas s’écarter du chemin et de tenir son chien en laisse, c’est bien le moins. Quelle confiance chez ce cygne envers les flâneurs du dimanche !

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    Emue par ce spectacle, à présent je trouve à tout une grâce particulière, comme à cette frêle ramure au-dessus de l’eau aussi délicate qu’une dentelle.

  • Palais de Justice

    « J’ai constaté, au fil des années, que les Bruxellois n’aiment guère cette « construction babylonienne », pour reprendre la métaphore de Camille Lemonnier, et qu’ils méprisent en général Joseph Poelaert, comme s’il leur avait fait plus de mal que de bien, comme si, par anticipation, il était le responsable de la mauvaise urbanisation de leur ville.

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    Palais de justice de Bruxelles,
    carte postale ancienne 1923 Wikimédia Commons

    Dans le langage populaire bruxellois, le mot « architecte » est même une insulte. On dit aussi skieven architek*, architecte fou, pour désigner quelqu’un qui n’a pas toute sa tête. »

    Jean-Baptiste Baronian, « Poelaert, Joseph » in Dictionnaire amoureux de la Belgique

    * (ou « schieven architek »)