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Passions - Page 341

  • Carol dans le texte

    Adapté avec succès au cinéma, Carol est d’abord un roman de Patricia Highsmith publié en 1952 sous le titre The Price of Salt (Les eaux dérobées, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle de Lesseps). Dans son avant-propos de 1989, la romancière rappelle qu’en 1948, elle travaillait comme vendeuse dans un grand magasin de Manhattan pour la période des fêtes de fin d’année, au rayon des jouets, et que c’est là que surgit un matin « une femme blonde en manteau de fourrure ». Est-ce son vison ou la lumière qui semblait se dégager d’elle ? Inspirée par cette « apparition » troublante, elle écrit le soir même « toute l’histoire de Carol », environ huit pages.

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    L’inconnu du Nord-Express, son premier roman, est publié en 1949 et peu après vendu à Hitchcock ; on lui conseille d’en écrire un autre du même genre. Or elle a l’histoire de Carol en tête, achève de l’écrire deux ans plus tard et le propose sous pseudonyme, pour ne pas être « étiquetée comme auteur de romans lesbiens ». Son éditeur n’en veut pas, un autre le publie : il récolte « quelques critiques sérieuses et honorables », mais l’édition de poche, un an après, se vend à presque un million d’exemplaires. Des mois durant, elle reçoit sous le nom de Claire Morgan de nombreuses lettres. Dans la postface, Highsmith revient sur cette époque et les raisons de ce succès.

    Voici donc Therese (sic) Belivet, dix-neuf ans, à la cantine du grand magasin Frankenberg : elle relit la brochure pour le personnel tout en imaginant le décor d’une pièce de théâtre qui se déroulerait dans un grand magasin – elle ne fait qu’y passer, en attendant de décrocher un engagement comme décoratrice de théâtre. Son ami Richard voudrait qu’elle l’accompagne en France l’été suivant, mais elle a du mal à s’imaginer là-bas, et encore plus chez Frankenberg toute sa vie, comme cette vendeuse âgée, épuisée, qui lui a gentiment proposé son aide en cas de besoin.

    Richard, qu’elle fréquente depuis dix mois sans être amoureuse de lui – une liaison quasi officielle quoique indécise – vit encore chez ses parents, ce qui lui permet d’économiser, alors que Therese n’a encore qu’un tiers de la somme nécessaire pour acheter sa carte professionnelle de décorateur de théâtre. Un ami de Richard pourra peut-être l’aider à décrocher un vrai travail : Phil McElroy l’a recommandée au metteur en scène d’une comédie où il devrait jouer un rôle. Quand Phil et son frère Dannie rejoignent Richard chez elle, Dannie admire sa maquette pour Petrouchka, Phil ne lui prête guère d’attention.

    Au rayon des poupées, les vendeuses n’ont pas une minute à elles, chaque cliente sait parfaitement ce qu’elle cherche. C’est là qu’apparaît une femme « grande et blonde, longue silhouette gracieuse dans un ample manteau de fourrure, qu’elle tenait entrouvert, la main posée sur la hanche ». Captivée par ses yeux « gris, décolorés et pourtant lumineux comme le feu », Therese est quasi muette en servant « Mme H.F. Haird » comme elle l’écrira sur le bordereau de livraison – un cadeau pour sa fille.

    Séduite par les regards et la voix douce de cette cliente, la jeune femme lui envoie le jour même une carte de vœux « avec les compliments de la maison Frankenberg » signée 645-1, son numéro de vendeuse. Mme Aird téléphonera au magasin pour l’en remercier – et lui proposer de prendre un café ou un verre ensemble, « puisque c’est Noël ».

    Elles font donc connaissance. Carol interroge Therese sur sa vie, avec une note d’humour et de la curiosité dans ses yeux gris : « Vous êtes une drôle de fille. » Bientôt Therese n’a plus qu’une idée en tête, leur prochaine rencontre. Richard, qui a réservé deux cabines pour eux sur un transatlantique, sent tout de suite que quelque chose a changé chez son amie, peu enthousiaste. Therese sait qu’elle le déçoit et préfère la franchise : elle n’est pas amoureuse de lui et comprendrait très bien qu’ils cessent de se voir, mais lui est amoureux et ne veut pas renoncer à elle.

    Quand Carol l’emmène pour la première fois dans sa jolie maison à la campagne, où il n’y a personne d’autre que la bonne, sa petite fille n’est pas là. Therese lui confie tout de son passé, ses parents, Richard… L’arrivée inopinée de Harge, le mari de Carol, venu chercher quelque chose pour Rindy, leur fille, peut-être un prétexte, provoque une forte tension – une séparation ou un divorce, sans doute.

    Carol et Therese se voient de plus en plus souvent, celle-ci rencontre aussi Abby, la meilleure amie de Carol, un peu plus âgée, moins gracieuse, visiblement très complice, et un peu réticente à son égard. Quand elles ne sont pas ensemble, Carol devient l’obsession de Therese, qui a de plus en plus de mal à s’intéresser à Richard et à sa famille, chez qui elle a promis de passer pour Noël. Elle l’interroge sur l’homosexualité, mais lui n’a guère envie d’en discuter, le sujet le gêne et l’effraie même.

    Patricia Highsmith possède l’art de distiller dans ses récits suspens, mystère, détails significatifs, sans rien précipiter. Carol raconte l’histoire d’amour de deux femmes qui se découvrent l’une à l’autre, étape par étape. Therese vit son premier élan amoureux ; Carol, plus expérimentée, mène le jeu tout en se dévoilant moins. Quand son mari menace de lui retirer la garde de sa fille, le danger est grand et pour Carol et pour Therese qui n’imagine plus sa vie sans elle. Mais peut-on vivre un tel amour dans cette société qui ne veut pas en entendre parler ?

  • Bormes les Mimosas

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    En avril, les mimosas ne sont plus en fleurs, mais Bormes les Mimosas offre toujours dans ses jardins et parterres de quoi charmer, étonner, intriguer (si vous connaissez les noms des plantes, instruisez-moi, merci).

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    Pour la première fois, en regagnant le parking à l’entrée du village, nous avons vu sur le côté de la chapelle Saint François de Paule le monument funéraire du peintre, sculpteur et céramiste Jean-Charles Cazin, et admiré les beaux bronzes signés par son épouse, également peintre et sculptrice, Marie Cazin.

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  • Une journée à Aix

    Une journée suffit parfois à vous en persuader : il fait si bon flâner dans une ville où vous entrez pour la première fois que vous y séjourneriez volontiers bien plus longtemps. Aix-en-Provence, la ville de Cézanne présentée il y a peu dans Des racines & des ailes, entre sans conteste dans cette catégorie.

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    Fontaine de la Rotonde (place Général de Gaulle)

    Dès que j’ai aperçu sur la Rotonde les jets d’eau d’une fontaine monumentale surmontée des statues de la Justice, de l'Agriculture et des Beaux-Arts, à l’extrémité du Cours Mirabeau, je me suis sentie sous le charme : l’espace, la lumière, les platanes, une atmosphère pleine de ce qu’on nomme « urbanité » – et cela se confirmera tout au long de la journée. Sur le côté, un pavillon contemporain tout en vitres sert d’aquarium fascinant pour les nombreux amateurs ou curieux des dernières nouveautés de la célèbre marque informatique à la pomme.

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    Entrée du Cours Mirabeau, Aix-en-Provence

    Un marché textile occupait le Cours Mirabeau ce jeudi matin d’avril et nous avons dû contourner ses étals pour découvrir les façades des beaux hôtels particuliers qui en font la réputation. Des atlantes supportent le balcon du tribunal de commerce. Certaines de ces demeures imposantes, construites pour des « gens de robe » ou « robins » du XVIIe siècle, arborent des noms de banques ou d’assurances, on imagine bien que les maintenir en parfait état exige, à présent comme alors, de gros moyens.

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    Tribunal de commerce

    Beaucoup de monde sur le Cours Mirabeau, on y fait son marché, on flâne, on s’installe aux terrasses. Certains se font prendre en photo près des nombreuses fontaines qui le jalonnent, dont les formes sont parfois cachées sous la verdure. Pour un premier déjeuner dans la capitale de la Provence, nous choisissons « Les deux garçons » : Cézanne, le peintre d’Aix « y passait les trois heures d’avant dîner avec son camarade du lycée Mignet, Emile Zola ».

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    Les deux garçons, brasserie aixoise

    Un groupe d’Asiatiques occupe déjà une longue tablée mais il est encore tôt et beaucoup de gens s’installent dehors, nous serons bien à l’aise pour admirer le décor à l’intérieur. Grands miroirs anciens, pilastres dorés comme les motifs des frises, lustres et appliques… Le cadre vaut la peine, la cuisine ne déçoit pas : le plat du jour est plaisant (calamar a la plancha), la tarte aux fraises délicieuse. Et la bonne humeur du garçon qui nous sert ne ressemble en rien à la façon dont on est accueilli dans certaines brasseries parisiennes. 

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    Hôtel de Caumont, façade principale

    Merci à celle qui nous a parlé de l’Hôtel de Caumont : ce sera notre première visite de l’après-midi. On y prépare une exposition Turner (à partir du 5 mai) et une partie des jardins est en travaux, mais le centre d’art qui occupe cette splendide demeure dont la restauration a duré cinq ans offre de quoi éblouir. Dans le bâtiment d’accueil, l’auditorium propose en boucle un film d’une demi-heure sur « Cézanne au pays d’Aix », une belle présentation des paysages et les lieux qui l’ont inspiré.

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    Hôtel de Caumont, détail de la cage d'escalier

    Ensuite, on traverse les communs pour admirer de plus près l’harmonieuse façade du XVIIIe siècle et son fin balcon en fer forgé au-dessus de l’entrée. Par une vaste cage d’escalier dotée d’une autre ferronnerie superbe et de hautes baies, on accède au premier étage : le salon de musique (harpe et bel écrin de clavecin de style Louis XIV), la chambre de Pauline de Caumont (portrait au pastel) sont meublés et décorés avec raffinement. (De petits écrans tactiles donnent des précisions sur demande.)

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    Hôtel de Caumont, détail de la chambre de Pauline de Caumont

    On peut prendre un rafraîchissement sur la terrasse ou déjeuner au Café Caumont qui occupe différents salons du rez-de-chaussée, ravissants, en particulier « le salon des putti » avec son camaïeu de rose et d’orangé. Les tissus fleuris sont de toute beauté, comme à l’étage. De l’autre côté de l’entrée, deux pièces présentent joliment objets, cartes, babioles et livres destinés à la vente. 

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    Hôtel à vendre dans le quartier Mazarin

    En reprenant la promenade, j'admire ces jolies Vierges à l’enfant, de styles variés, que les Aixois ont maintenues à l’angle de nombreuses rues. Partout les couleurs des murs sont claires et chaudes, des tons de grès, d’ocre, c’est harmonieux. De grandes portes anciennes font lever les yeux vers les façades. Certains hôtels remarquables du quartier Mazarin sont dans un piteux état (ci-dessus) – j’espère que comme dans le Marais parisien, où c’était encore ainsi dans les années septante, on rendra leur grandeur à ces trésors du patrimoine aixois.

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    François-Marius Granet, Sainte-Victoire vue d’une cour de ferme au Malvalat © Photo Musée Granet CPA

    Comment passer devant le musée Granet sans y entrer ? Ses collections permanentes – sculpture, archéologie, peinture ancienne et moderne – comportent de nombreuses œuvres du peintre aixois François-Marius Granet, « paysagiste d’exception » qui a peint de belles vues classiques de la campagne romaine, de Provence, et un très beau portrait de lui par Ingres. Anonyme, Le bon Samaritain (France XVIIe) voisine avec des portraits de Rubens et un autoportrait terrible de Rembrandt.

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    Nicolas de Staël, Ciel à Honfleur (musée Granet)

    Bien sûr, le musée expose des œuvres de Cézanne, de petit ou moyen format, comme le Portrait de Mme Cézanne. « 2006|2016 10 ans d’acquisition » met à l’honneur la donation Meyer, « De Cézanne à Giacometti », avec des œuvres de Picasso, Léger, Mondrian, Klee, Nicolas de Staël (Ciel à Honfleur), Tal Coat… et un bel ensemble de Giacometti (sculptures et peintures).

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    Kosta Alex, L’homme de Kalahari, Chapelle des pénitents blancs (Granet XXe)

    La collection Planque, installée en 2010 dans une ancienne chapelle de pénitents blancs, annexe du musée Granet, quelque trois cents mètres plus loin, réserve une formidable surprise : quel écrin ! Un bouquet de glaïeuls de Van Gogh précède d’autres peintures de premier plan signées Monet (paysage norvégien dans une tempête de neige), Bonnard (L’Escalier du Cannet), entre autres, et aussi de peintres moins connus comme le Suisse Auberjonois. Picasso, rencontré par Jean Planque quand il travaillait pour la galerie Beyeler, y est très bien représenté – inattendue, sa petite Marine horizontale, pleine de mouvement et de fraîcheur ; effrayante Femme au chat assise dans un fauteuil !

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    Pablo Picasso, Marine (Granet XXe)

    Mais Planque s’est intéressé aussi à des artistes moins connus comme Roger Bissière (Matin de printemps), Hans Berger (Vert), plus tard à Dubuffet et à l’art brut. Planque peignait mais se jugeait incapable de créer comme eux de nouvelles voies esthétiques. Ses œuvres montrent sa fascination pour les maîtres qu’il admirait et imitait. « Granet XXe » a de quoi séduire les amateurs d’art moderne.

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    Place de l’Hôtel de Ville

    Vous connaissez bien la ville d’Aix ? N’hésitez pas, indiquez-moi vos endroits favoris. Je retournerai à Aix-en-Provence pour visiter ses églises, guetter la lumière et l’ombre sur ses places avenantes, entrer dans ses librairies et ses boutiques, prendre le temps… ou plutôt le laisser passer.