Dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian, dernière. Je pensais le faire durer plus longtemps, mais la curiosité a été la plus forte. Plus on avance dans ce dictionnaire, plus on y décèle certaines préférences de l’auteur : la musique, la petite histoire dégotée dans les livres anciens, l’excentricité, les façons de dire, le goût de surprendre…
Pierre-Joseph Redouté (1759 –1840), Rosa centifolia foliacea
Commençons par le prix Nobel : si les amateurs de littérature savent que Maeterlinck est le seul écrivain belge à avoir été couronné par le Nobel de littérature (1911), qui pourrait citer un Belge lauréat du prix Nobel de la Paix ? Il y en a pourtant eu trois entre 1904 et 1913. Un autre Nobel figure à la lettre P, Ilya Prigogine (chimie, 1977), qu’on découvre également passionné de culture, récemment décédé.
A la même lettre, aux « drôles de machines » de Panaramenko succède la « pataphonie », « discipline musicale (ou paramusicale) des plus bizarroïdes ». Il faudra mieux regarder la prochaine fois qu’on passe au carrefour à l’entrée du Bois de la Cambre : une petite fontaine « surmontée d’une colonnette » y est dédiée au poète Odilon-Jean Périer qui n’a vécu que 27 ans. Et visiter un jour à Anvers l’imprimerie Plantin-Moretus, « l’Olympe », écrit Baronian, pour les amoureux du livre.
« Quick et Flupke » suivent la « Question royale », puis nous voilà au R : tiens, voici Axelle Red, « le feu qui chante ». Redouté, né à Saint-Hubert, et ses roses « si bien peintes à l’aquarelle, si bien exécutées, qu’elles apparaissent plus vraies que nature ». Django Reinhardt, natif de Liberchies, que Baronian présente via une rencontre à Turin (où il allait participer à un colloque sur Simenon) avec un passionné !
http://www.fine-arts-museum.be/fr/expositions/de-floris-a-rubens
Rops, forcément, « homme double » : le peintre de Pornokratès et le dessinateur qui se vante d’être « le mieux payé à Paris », achète des demeures fastueuses, plante « deux mille rosiers dans sa propriété d’Essonnes, La Demi-Lune ». Evidemment Rubens, « le peintre belge archétypique ».
Dire que dans nos Musées Royaux des Beaux-Arts bruxellois, la pluie s’est infiltrée près des Rubens – une toiture que la Régie des Bâtiments tarde à réparer ! Quel saint, quelle sainte implorer ? Ce sera ma transition vers l’entrée la plus inattendue du Dictionnaire amoureux de la Belgique : « Saints et saintes ». Jean-Emile Andreux qui nous a tant charmés avec ses « toponymies » en aurait fait son miel. Baronian distingue ici deux catégories de saints : ceux aux prénoms « des plus communs » et ceux qui portent des prénoms rares ou insolites, souvent « attachés à des lieux bien précis ».
Pas de saint Peyo, mais un « coup de génie » : non seulement il a inventé les Schtroumpfs, mais aussi une nouvelle langue schtroumpfement typique du pays de Grevisse ! On reste dans l’invention avec François Schuiten, « le Piranèse de la bande dessinée » et un artiste aux réalisations en tous genres. Louis Scutenaire, maître des aphorismes, habitait lui aussi Schaerbeek.
Cinq pages pour Simenon : il n’en fallait pas moins pour l’écrivain liégeois et universel, « le génie du roman dans tous ses états » sur qui Baronian a beaucoup écrit. Vous aimez Spilliaert ? Vous aimerez l’émotion de l’auteur chez sa fille naturelle à Uccle. Vous aimez Stromae ? Vous n’aimerez peut-être pas la manière ambivalente de son portrait.
Parmi les rares livres qui ont une entrée directe dans ce Dictionnaire amoureux de la Belgique, voici Tempo di Roma d’Alexis Curvers et, plus loin, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem (tous deux parus en 1967). Seul poème cité intégralement : Toi qui pâlis au nom de Vancouver de Marcel Thiry. Seul critique salué, Pol Vandromme (1927-2009), « le plus grand critique littéraire belge de langue française ». Plus de pages pour les séjours de Verlaine en Belgique que pour Emile Verhaeren.
Après la cristallerie du Val-Saint-Lambert, les « Van » se bousculent : Van Dam et Van Damme à ne pas confondre, Van de Velde et Van Dyck, Van Looy, Van Rompuy et Van Rysselberghe (entre autres). Dernières entrées inattendues à la lettre V : « Violence » et « Voyages ». Baronian raffole des « relations de voyages », surtout les anciennes qui révèlent la Belgique d’antan, par exemple sous la plume de Théophile Gautier, Gérard de Nerval ou Alexandre Dumas.
A la fin de l’alphabet baronianesque, quelques W mais pas de X, deux Y, un Z – mystères que vous éluciderez si vous réservez une place chez vous à ce Dictionnaire amoureux de la Belgique ou si vous l’empruntez à la bibliothèque : ce nouvel ouvrage de référence vous emmènera, comme le dit joliment la quatrième de couverture, « d’un peintre à un paysage, d’un écrivain à une ville, d’une salle de concert à une épopée sportive, d’une étape gastronomique à un musée, d’une loufoquerie à un émerveillement. »