« Ce serait si facile de devenir une écervelée, une égoïste en quête de compliments, arrogante, mesquine, desséchée. Les enfants de Nessa (*je me compare toujours à elle maintenant, et la trouve la plus généreuse, la plus humaine de nous deux, pense à elle avec une admiration dénuée d’envie, et un reste de ce sentiment puéril de jadis, que nous étions liguées toutes deux contre l’univers. Et combien je suis fière de ses victoires triomphales dans toutes nos batailles : non moins que de la voir se battre ( ?) pour se frayer chemin avec tant de nonchalance, de modestie, presque anonymement jusqu’à son but et au-delà, avec ses enfants autour d’elle, et tout au plus un petit surcroît de tendresse (si émouvante chez elle) qui me montre qu’elle ressent, elle aussi, une surprise émerveillée d’être passée sans dommage par tant de terreurs et tant de chagrins...
Le rêve tourne trop souvent autour de moi-même. Pour corriger cela, et pour oublier ma petite personnalité intense, absurde, la notoriété et tout ce qui s’ensuit, il faudrait lire ; voir des gens qui ne soient pas du métier, réfléchir davantage, écrire avec plus de logique et, par-dessus tout, travailler tant et plus ; et cultiver l’anonymat. »
Virginia Woolf, Journal (22 décembre 1927) * (sic)
Photo : Virginia Woolf en 1927
Commentaires
Cet extrait en dit tant sur elle! Merci.
J'aime beaucoup la "surprise émerveillée d'être passée sans dommage par tant de terreurs et de chagrins..."
Elle était à ce point préoccupée de sa notoriété ?
@ Colo : Oui, elle se compare souvent à sa sœur et regarde ses enfants grandir, comme pour elle l'oeuvre à construire.
@ Aifelle : Elle se le reproche souvent et essaie d'y être indifférente, mais elle est très soucieuse de la réception de ses oeuvres - et aussi d'un jugement équitable sur la qualité de son travail littéraire par rapport aux autres écrivains de son temps.
Merveilleuse Virginia Woolf qui a eu la prudence de ne jamais contrarier ses rêves.
Si exigeante pour le style, l'analyse, et si volontaire pour le bonheur.