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Culture - Page 544

  • Cache-cache

    Nina la chatte a ses cachettes. Dans le nouvel appartement, elles se sont multipliées. Dehors, dedans. Elle disparaît de la terrasse. Sur les toits voisins, pas un chat. Je la débusque sous le lierre qui déborde d’une jardinière, camouflage et ombre, endroit parfait dont elle occupe l’envers. Noire, elle se confond avec les ardoises du mur mitoyen : vous la cherchez des yeux, elle vous observe.

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    Tapis, écharpes, coton frais, coussin brodé, peignoir éponge, elle sait les secrets des étoffes. Y abrite ses silences de velours. Une chatte sans grelot se déplace incognito. Je me retourne, elle dort au bord du grand châle russe dont la laine est fine, les franges attirantes. Un instant plus tard, elle n’y est plus. Faites-lui une place libre sur le bureau, elle la dédaigne, mais s’installe volontiers sur le carton du calendrier, des papiers épars.

    L’absent, l’absente a toujours tort. A son retour, elle boude, sans trahir les heures immobiles à guetter le bruit de l’ascenseur et de la porte d’entrée. Le rituel accompli, elle vient s’enrouler autour des jambes, roucoule, appelle la caresse, retrouve son peps. Les dernières emplettes l’intéressent : la tête dans le sac, elle s’informe. Elle adore les papiers de soie, tous ceux qui crissent. A l’instant, fine mouche, la voilà qui se signale d’un cri flûté et se couche sous ma chaise, se sent-elle l’héroïne du jour ?

    Elle aussi s’éclipse à ses heures. Un chat sait se faire oublier. Au-dessus d’une armoire. Sous un bureau. Sur une chaise de la salle à manger. Sourd aux appels. La plupart des visites l’importunent, Nina s’esquive. Elle préfère les heures calmes, la musique, le piano surtout, ne riez pas. Elle se berce aux pages tournées au-dessus d’elle, au bruit léger qu’on fait en écrivant, en tapotant le clavier. Ouvrez un tiroir, à la recherche d’une carte, d’une fiche, d’une enveloppe : elle s’y couche aussitôt, dans un paradis de papier. Les penderies aussi sont lieux magiques aux recoins sombres, parfumés d’odeurs familières. Les griffes se jouent des portes coulissantes, sachez-le.

    Sur un appui de fenêtre, entre rideau et tenture, merveilleusement dissimulée, la chatte sommeille. Suit les allées et venues des pigeons sans qu’ils le sachent, surveille les toits, le ciel. A la nuit tombée, on adore jouer à cache-cache, surprendre et être surprise. Entamer une course poursuite, la queue en panache, pour éloigner – ou fêter ? – l’heure du coucher.

    Difficile à photographier, un chat noir. Sa fourrure a besoin de lumière pour vibrer sous l’objectif. C’est avant tout une silhouette. Une ombre chinoise. Il y faudrait des pinceaux. Nina la chatte pose volontiers, mais déteste l’appareil photo, prend plaisir à bouger au dernier moment, à fermer les yeux, soudain très lasse. Parfois, bonne fille, elle patiente, vous observe à chercher la bonne hauteur, l’angle adéquat, à changer la position de la molette. Et c’est ainsi que la compagne invisible de tant de livres lus, de tant de pages écrites, devient texte, mystère de la sujétion.

  • Baby-sitter

    La Passerelle de Lorrie Moore (A Gate at the Stairs, 2009), c’est d’abord ce contact facile entre Tassie Keltjin et Sarah Brink dès leur première rencontre. La jeune Américaine, étudiante à Troie, « l’Athènes du Midwest », propose ses services comme garde d’enfants et le courant passe avec cette femme un peu plus petite qu’elle, gentille, d’apparence soignée, quarante-cinq ans, qui tient un restaurant chic et va bientôt adopter un bébé. Sarah connaît et apprécie les pommes de terre « Keltjin », spécialité du père de Tassie, un fermier un peu « étrange » aux yeux de ses voisins, plutôt écolo, l’excentrique local.

     

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    Engagée, Tassie accompagne Sarah à un premier rendez-vous avec la mère biologique : une responsable de l’agence d’adoption accompagne une jeune fille, Ambre, qui porte un bracelet électronique au poignet. Celle-ci s’étonne de l’absence du père adoptif, retenu par son travail. Sarah ne peut s’empêcher, en partant, de faire la morale à la jeune délinquante, bref, le rendez-vous est « un désastre absolu ».

     

    Noël en famille : Tassie retrouve son frère, Robert, avec qui elle s’entend très bien, et que sa vie de garçon de ferme déçoit. Leur père s’étonne du programme éclectique de Tassie à l'université : littérature britannique, introduction au soufisme, à la dégustation de vin, musique de films, géologie… Robert, lui, s’est inscrit à un cours de yoga et parle d’un agent recruteur venu au lycée de Dellacrosse proposer deux ans de service dans l’armée à ceux qui cherchent leur voie. Tassie et sa mère le mettent en garde, la guerre en Afghanistan n’est pas terminée.

     

    « Quand je revenais à Dellacrosse, ma place dans le monde universitaire, dans celui de Troie et l’univers adulte se dissolvait, et je me transformais en un improbable ramassis de moi antérieurs qui se télescopaient les uns les autres. » Tout ici lui paraît à présent étranger, ses anciens amis, des « extraterrestres ». Et puis Sarah l’appelle : elle voudrait que Tassie rentre et l’accompagne en avion à Packers City, pour un autre rendez-vous. Edward, son mari, les y rejoindra.

     

    Là, Bonnie, presque trente ans, propose son enfant d’un an ou deux à l’adoption, un bébé métis déjà placé dans une famille d’accueil. Sur le père, aucune information : l’enfant d’un flirt ? d’un viol ? Bonnie insiste pour que Mary soit élevée dans la religion catholique et qu’on lui envoie des photos chaque année, à Noël. La petite a un sourire magnifique, Sarah l’appellera bientôt Mary-Emma ou Emmie, d’après ses initiales.

     

    Tassie, qui joue de la guitare basse, fait la connaissance à l’université d’un étudiant brésilien un peu cachottier, Reynaldo, qui devient bientôt son petit ami. Brave fille, elle prend à cœur son rôle de baby-sitter tandis que Sarah rassemble chaque semaine chez elle d’autres parents adoptifs en butte aux mêmes problèmes qu'eux : remarques racistes à cause de leur enfant de couleur différente, questions d’éducation quant à la meilleure façon de les préparer à la mixité sociale… Mary-Emma est une petite fille charmante, éveillée, elle adore sa baby-sitter.

     

    Tout semble aller pour le mieux, qu’est-ce qui cloche ? De terribles non-dits. Entre les hommes se construisent des passerelles, mais aussi des barrières, ou pire. Dans ce premier roman, par les yeux de Tassie, Lorre Moore décrit les mœurs américaines ordinaires avec une ironie que rend bien la traductrice, Laetitia Devaux. Curieuse de tout et de tous, l’étudiante va peu à peu découvrir ce qui se cache derrière de douces apparences.

     

    « Chaque personne, dans cette maisonnée, moi y compris, semblait issue d’un horrible conte de fées. Mais de contes différents. Nous étions tous grotesques et égocentriques, chacun dans sa propre histoire, si bien que nos échanges étaient incompréhensibles et dépourvus de sens, comme les personnages dans une pièce de Tennessee Williams qui déclament une tirade futile mais envoûtante de folie. » La petite Mary-Emma échappera-t-elle à cette dérive chaotique ? La vie est parfois drôle, souvent elle ne l’est pas. Au bout du compte, leur histoire à tous n’est pas du tout ce qu’elle promettait. Surtout connue comme nouvelliste, Lorrie Moore intitule ses  recueils Des histoires pour rien, Vies cruellesDéroutes.

  • Promenades

    « Entre ces deux promenades, la première et la dernière que nous fîmes à Majorque, nous en avions fait plusieurs autres que je ne me rappelle pas, de peur de montrer à mon lecteur un enthousiasme monotone pour cette nature belle partout, et partout semée d’habitations pittoresques à qui mieux mieux, chaumières, palais, églises, monastères. »

    Georges Sand, Un hiver à Majorque

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  • Une ville, une île

    Quelques éclats d’une île, côté ville et côté campagne, pour prolonger ce séjour à Majorque. Reverdie grâce aux pluies d’avril, elle est aussi de pierre, disent les rochers valises de l’aéroport.

     

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    Haut dans le ciel de Palma, des palmiers vouvoient des bougainvillées en fleurs. Au Grand Hôtel, l’invité est italien : Fellini El circo de las illusiones propose exclusivement des images, photos et séquences de films, de tournages. On y voit le réalisateur de La dolce vita et Mastroianni en belle complicité. Anita Ekberg brûlante dans une fontaine romaine. La statue du Christ transportée en hélicoptère. Une époque. De l’autre côté de la place Weyler, des motos immobiles au pied des maisons de Gaudi.

     

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    La vieille ville de Palma est très belle : il y a tant à regarder dans ses avenues et ses ruelles, les immeubles aux loggias de bois, les saints encadrés à l’angle des rues, les portes, les façades anciennes ou modernistes... Pour prendre un café ou un petit déjeuner décliné en formules diverses, le Cappuccino (Carrer de San Miguel) est un endroit magique. Musique de qualité, carte et décor remarquables, patio et jardin.

     

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    Dans la Cathédrale de Palma, après les interventions de Gaudi au début du siècle dernier, une chapelle a été récemment confiée à Barceló, l’artiste majorquin, peintre et aussi sculpteur, céramiste. L’audace du geste surprend d’abord, et puis la magie opère devant ces modelés qui montent à l’assaut des murs, des colonnes, et fusionnent avec la structure gothique. Ici, la pêche miraculeuse, vague et poissons, là les fruits de la terre, des figures. Des parois comme ressuscitées, vivantes. Seuls les vitraux déçoivent, en rupture avec l’élan vital qui surgit des murs où la glaise et la céramique portent les couleurs naturelles des Baléares.

     

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    Près de la cathédrale, dans les jardins de l’Evêché (Bisbat), les pétales des bougainvillées posent sur le bassin aux nymphéas des touches impressionnistes. Du Parc de la Mer (Parc de La Mar), sous les murailles, la vue est grandiose. On y a installé quelques sculptures, un pan de mur signé Miró.
     

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    La moderne et immense station « intermodale » en sous-sol à la Place d’Espagne donne accès aux métro, trains et autobus pour se déplacer dans la ville et dans l’île, c’est très commode. Mais être emmenée par une amie sur les routes de campagne, non pour tout voir mais à la rencontre de quelques villages et paysages (Puigpunyent, Calviá, Galilea, Alaró, Cap Blanc), c’est bien sûr un privilège inestimable que seule l’amitié peut offrir. Merci, Colo.

     

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