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Culture - Page 546

  • Doux et brillant

    « « Doux et brillant, il apparaît aux hommes comme la bienveillance ; fin, compact et résistant, il est l’intelligence ; anguleux mais non pas acéré, il est coupant comme la droiture ; en grains, l’un en dessous de l’autre, c’est l’humilité ; clair et sonore, il est comme une note de musique ; avec des défauts qui ne cachent pas la beauté, il est la loyauté ; avec son rayonnement intérieur, il est l’expression de la bonne foi ; aussi brillant qu’un arc-en-ciel, il est le ciel ; exquis et mystérieux, provenant des collines et des rivières, il est l’expression de la terre ; insigne de rang, il indique la vertu ; apprécié de tous, il montre le chemin de la vérité et du devoir. » C’est en ces termes que dans les Mémoires sur les rites ( Liji), on attribua à Confucius la description des multiples qualités du jade, symbole d’excellence. »

     

    Guillemette Coulomb, Les jades chinois (Catalogue du Musée des arts asiatiques, Toulon, 2001)

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    Pendentif de jade Qing (Paris, Musée Guimet)
    © photo Thierry Ollivier / Réunion des Musées Nationaux / Art Resource, NY

    http://arts.jrank.org/pages/9688/Jade.html

  • L'Asie à Toulon

    Villa Jules Verne, Musée des Arts asiatiques. Sur le Littoral Frédéric Mistral à Toulon, non loin du Fort Saint-Louis, il suffit de passer sous un porche et de pénétrer dans le jardin de la villa, espace public doté d’une belle fontaine murale en céramique, pour se retrouver aux portes de l’Asie. Acquise en 1973 par la Ville de Toulon, la Villa Jules Verne, qui aurait été habitée par son fils, offre ses étages depuis 2001 à une intéressante collection d’objets asiatiques. Des collectionneurs français, des marins toulonnais, différents dons l’ont enrichie, en particulier le legs Fauverge de French en 1961, 473 œuvres de grande qualité.

     

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    Villa Jules Verne, Toulon

     

    Dès le rez-de-chaussée, le musée donne une impression de raffinement : au mur, un beau paravent contemporain signé N’Guyen Van Minh représente un cheval dans une forêt de bambous, laque et or sur fond noir. Sous une autre œuvre de cet artiste, sur une sobre console en verre, un arrangement de fleurs. Toutes les salles du musée offrent un décor très soigné, des vitrines, des boiseries, des banquettes design, des stores blancs pour filtrer la lumière. Des panneaux et bannières situent les objets dans l’histoire, des numéros renvoient à leur description, c’est très clair.

     

    La Chine occupe la plus grande partie du premier étage. Age du Jade, âge du Bronze, âge de la Soie… Même si l’on ignore l’histoire chinoise, comment ne pas s’émerveiller devant un pendentif en jade très ancien, devant un peigne d'ivoire finement sculpté, devant un petit cavalier en terre cuite polychrome, un petit cheval Tang, devant des statuettes de guerriers casqués intactes après tant de siècles  

     

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    Stupa votif (photo Aurélie Chaumat, Wikimedia commons)

     
    Le bouddhisme est une source d’inspiration omniprésente, par exemple avec un Boddhisatva Padmapami porteur de lotus, taillé dans la pierre. Les objets sont groupés par époque, il y a des coupes, des vases, des personnages, des bijoux… Une grande Joueuse de cithare en terre cuite grise surprend par sa beauté et son sourire radieux. Quel contraste avec le visage mélancolique de Maïtreya, prince pensif ! Un spectaculaire Stupa votif en grès gris du XIe ou XIIe siècle compte parmi les pièces majeures du musée.

     

    Les Chinois sont les maîtres des émaux cloisonnés sur cuivre : j’admire un vase aux poissons dont les motifs se dessinent sur une belle couleur turquoise, une coupe au décor floral, une paire de bougeoirs aux bougies intactes elles-mêmes sculptées. Dans les vitrines sont exposés de petits animaux fantastiques ou réalistes, comme un héron à la tête baissée en cuivre, un éléphant en jade vert clair, et de petits personnages en bois doré ou laqué, de petites verseuses, des brûle-parfums. En lisant la légende d’une coupe, j'apprends qui sont les trois amis de l’hiver : le prunier, le bambou et le pin. Une magnifique « pierre de rêve » ronde me rappelle l’aventure calligraphique de Fabienne Verdier, j’y songe en contemplant ce disque de marbre veiné qui évoque une montagne, le ciel, des nuages... C’est la première fois que j’en vois une et cela m’émeut.
     

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    Fontaine du jardin de la Villa Jules Verne

     

    Côte à côte, deux magnifiques peintures sur soie : les portraits d’un mandarin et de son épouse, vêtus d’une robe rouge ornée du prestigieux motif au faisan doré. Près d’eux, sur un guéridon, un vase, un bouquet, une coupe composent de fines natures mortes. Plus loin, un rouleau horizontal du XVIIIe siècle représente, sur un fond clair, des Jeunes femmes sur une terrasse s'adonnant à la musique et à la danse, par petits groupes. De la même époque, un petit plateau d’ivoire au décor de fleurs et de chauves-souris évoque irrésistiblement l’art nouveau, c’est étonnant !

     

    L'érotisme aime les jeux de cache-cache : cinq panneaux sculptés de scènes érotiques sont dissimulés derrière une vitre opaque. Il suffit de pousser sur un bouton pour que le verre devienne translucide et dévoile les ébats amoureux – version contemporaine du rideau. Plus loin, diverses représentations permettent de se familiariser avec les huit immortels du taoïsme (dont deux immortelles), objets de dévotion populaire comme le montre un petit autel domestique.

     

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    Catalogue du Musée des arts asiatiques de Toulon

     

    Les dernières salles du premier étage illustrent les arts du Japon. Des bouilloires en fonte et en cuivre, un amusant petit récipient à eau en forme de citrouille surmontée d’un rat, un beau buffle en bronze poli, entre autres. Un bel ensemble de treize masques du théâtre no (en format réduit), certains en ivoire, d’autres en bois peint, en plâtre : le vieil homme (bon), des démons, une jeune fille, tous caractérisés. Au second étage du Musée sont illustrées d’autres cultures d’Asie du Sud-Est : la Thaïlande (des bouddhas), le Vietnam (joli plat en pierre de lard rose, céramiques), le Tonkin (marionnettes du théâtre d’ombres), la Birmanie (une jolie boîte-crapaud en bois doré), l’Inde (sculptures hindouistes), le Tibet et la Mongolie.

     

    Je n’imaginais pas une telle présence de l’Asie à Toulon derrière l’entrée discrète de la Villa Jules Verne. Le Musée des Arts asiatiques est ouvert tous les après-midi (sauf le lundi), L’entrée est gratuite. Un beau catalogue dû aux soins de Guillemette Coulomb, conservateur, présente des illustrations en pleine page et des notices explicatives sur papier noir (qui mériteraient une solide correction orthographique). Il n’y avait pas grand monde au musée en début d’après-midi, ce qui, bien sûr, convient davantage aux visiteurs qu’aux administrateurs, mais je ne doute pas que ce beau musée toulonnais attire le public. Riches et variées, ses collections permanentes valent vraiment d’être découvertes. Le 8 avril prochain, une exposition temporaire prendra place au rez-de-chaussée, des peintures de Fanfan Li. Avis aux amateurs.

  • L'art de commenter

    Pas de billet ce lundi ? Un poisson d’avril noyé dans l’encrier des blogs ? Bonjour ou plutôt bonsoir, amies, amis de Textes & prétextes. Je suis bien rentrée mais pas encore au gouvernail. La tête encore là-bas où la lumière est autre. Les lectures de vacances nécessitent quelque toilette complémentaire avant d’être partagées. Et puis Nina la chatte est en manque de caresses et d’attention – il faut jouer, voyons, sortir sur la terrasse, observer ensemble ce pigeon qui roucoule sur la corniche, le voyou, tout près de la fenêtre, de l’autre côté de la vitre.

     

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    En deux semaines, tout a changé : les bourgeons sont devenus feuilles, des arbres en fleurs ont l’air de mariées, les couleurs se pointent dans les jardins de ville, ici un camélia corail, là un magnolia de nacre. La sarriette squatteuse remontre le bout de son nez, la pervenche fleurit dans la jardinière. On dirait que les plantes sont ravies d’avoir déménagé : l’arrosage à l’eau de pluie, quoi de plus naturel. Les pies visitent le nid des corneilles, partout l’on vole et l’on pille – désolée pour ceux qui ont eu affaire à des visiteurs indélicats, grossiers merles plagieurs, pirates de blogs sans scrupules, qu’on suspende leurs sites haut et court, amen.

     

    L’art de commenter : je ne vais pas donner de cours à des spécialistes comme vous qui avez joyeusement, gentiment, malicieusement pianoté sur un clavier vos remarques pour une absente, belle générosité devant laquelle je m’incline. Merci de vous adonner ici à l’art de la formule, de l’allusion, de me faire cadeau de vos impressions. Au passage, je salue bien sûr les milliers d’autres qui pratiquent l’abstention du côté des commentaires mais fréquentent régulièrement ce blog. Si vous avez le temps et surtout l’envie, jetez-vous à l’eau, allez. Quoi qu’on en pense, il n’y a pas plus libre que le commentaire, à chacun sa manière.

     

    Vous avez joué le jeu, merci d’être passés ici à l’heure du thé. Plaisir, manie, rituel, certes. Combien de tasses ? Ne comptons pas, la suivante est en général la meilleure. Tous les matins, sur un air de Musiq3, l’eau filtrée ronronne avant de s’arrondir dans la théière chinoise, en terre cuite, commune – mais j’en ai de plus élégantes pour vous servir un jour ou l’autre, compagnie oblige. En manque de thé, vers quatre, cinq heures, je perds le nord, je bats la campagne, je me mets à bougonner, vous voilà prévenus. Pour le thé au jasmin, le darjeeling ou un Ceylan orange pekoe, si je ne possède point de ces tasses merveilleuses où se cache une belle en chignon, de jolis bols ou verres feront l’affaire.

     

    Dans un autre style, le thé en grande bouteille thermos présente, c’est vrai, quelque côté éléphantesque, les Chinois en usent et en abusent à ce que je vois, comme notre cher octogénaire toujours vert qui muse avec les muses, pour notre plus grand plaisir. Quant au thé à l’anis, ami de Miss Ellen, je n’en ai jamais goûté mais il aide à… éliminer. Voilà que je m’égare, bonsoir ou peut-être bonjour. Vous voyez, je ne vous ai pas oubliés. La suite à jeudi, si tout va bien. Et à bientôt sur vos blogs.

  • Reconnaissante

    Pause-thé / 8       

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    « J’ai déposé sur la table le plateau avec la théière fumante, les deux tasses blanches. Je suis reconnaissante à cette infusion, à ces objets, de la respiration qu’ils me permettent de prendre, et aussi à l’odeur du thé bouillant qui s’élèbve dans l’air, sortant comme une crinière flottante des jets dorés qui emplissent la porcelaine. Combien de fois ai-je puisé mon équilibre dans cette sorte de menus événements ? Une quantité de fois. »

     

    Marie Cardinal (Sabine Yi, Jacques Jumeau-Lafond, Michel Walsh, Le livre de l’amateur de thé, Robert Laffont, 1985)

  • C'est du thé

    Pause-thé / 7         

     

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    « Haines s’assit pour verser le thé.

    - Je vous mets deux morceaux à chacun, fit-il. Dites donc, Mulligan, il est plutôt fort de thé, celui que vous faites.

    Buck Mulligan, qui taillait d’épaisses tranches à la michen répondit en prenant une voix de vieille enjôleuse :

    - Quand je faye du thé, je faye du thé, comme disait la mère Grogan. Et quand je faye de l’eau, je faye de l’eau.

    - Sapristi, c’est du thé, déclara Haines.

    Et Buck Mulligan toujours coupant et bêtifiant :

    - C’est comme ça, m’ame Cabill qu’elle dit. Pardine m’ame, dit Mme Cabill, le Seigneur vous accorde de ne pas faire les deux dans le même pot. »

     

    James Joyce, Ulysse