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Rechercher : Bonnard

  • Le soleil blond

    Bonnard Etude pour le printemps.jpgAllongé près de la fenêtre
    Par où l’air du printemps pénètre,
    Le chat, de soleil imprégné,
    Ferme à demi ses yeux striés.

    Un merle tout reluisant lisse
    Du bec la lumière que glisse
    A ses plumes, dans l’air tiédi,
    L’or tout jeune de ce midi.

    Tu t’en vas, enfant, boucles libres,
    Par les prés où la brise vibre,
    Des rayons se posent, heureux,
    Aux détours blonds de tes cheveux.

    Et moi, je recueille en mon âme
    L’azur, les longs nuages pâles,
    Et ce doux soleil enfantin
    Marchant dans l’herbe de satin.

    Marie Gevers, « Brabançonnes » à travers les arbres

    Pierre Bonnard, Etude pour "Le Printemps", 1912, Huile sur toile, 70,3 x 64,6 cm
    © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Sylvie Chan-Liat

  • L'Hermitage expose

    Ceux qui ont eu la chance, cet été, de cheminer vers la belle maison-musée de l’Hermitage, avec son parc surplombant Lausanne, sa vue sur la vieille ville et sur le lac Léman, pour y visiter Van Gogh, Bonnard, Vallotton et les autres artistes de la collection Arthur et Hedy Hahnloser vous diront tous, j’imagine, de vous y rendre, si vous le pouvez, avant le 23 octobre prochain – c’est une magnifique exposition.

    Affiche-Hahnloser.jpg

    Le parcours commence au sous-sol où l’on fait connaissance avec ce couple suisse à travers des photos de leur Villa Flora à Winterthur, de leur famille et des nombreux artistes qu’ils y ont invités. « On ne collectionne pas les amitiés, ce sont elles qui se rejoignent pour former le milieu dans lequel on s’épanouit », déclarait Hans Hahnloser, leur fils. Certains artistes les retrouvaient aussi à Cannes, à la Villa Pauline. La collection est née du « besoin irrépressible de regarder le monde à travers les yeux d’un maître » (Hedy Hahnloser).

     

    Ils se sont d’abord intéressés aux artistes suisses : « les petits arbres » de Hodler, Giovanni Giacometti (le père du sculpteur), entre autres. Près d’un joyeux autoportrait de celui-ci et de deux Fleurs de tournesol signées Van Gogh, de beaux paysages alpins de Ferdinand Hodler, un Cerisier, un Rosier dans un pré. Puis viennent les Nabis, avec quelques Vallotton dont une sobre et lumineuse Baigneuse en chemise, Maurice Denis et les premiers Bonnard de l’exposition, splendides.

     

    Dans Les régates, une petite toile, tout est en mouvement dans le ciel et sur la mer. Le débarcadère de Cannes, choisi pour l’affiche, y est tronqué d’un pan essentiel : à gauche des personnages accoudés à une rambarde blanche pour regarder une mer d’un bleu vibrant, le peintre a renforcé le jaune des piliers en bois avant de considérer ce tableau comme achevé. Il en ira de même pour ce dernier chef-d’œuvre que Bonnard a peint avant de mourir, L’amandier en fleurs, non exposé ici : c’est après y avoir couvert le vert du terrain à gauche de jaune d’or qu’il en a été content. Je m’en suis souvenue devant ce Débarcadère – il y a toute une histoire de l’art à raconter autour de cette couleur, où prendrait place aussi le « petit pan de mur jaune » dans la Vue de Delft de Vermeer pour lequel Bergotte, l’écrivain imaginé par Proust, se rend à une exposition malgré sa maladie et y meurt…

     

    Le fauvisme est bien présent dans la galerie souterraine de l’Hermitage : Matisse, Manguin, Vuillard… Sur le mur du fond, La sieste ou le rocking-chair, Jeanne représente l’épouse de Manguin se reposant dans un cadre paradisiaque, à l’ombre des arbres, devant un paysage ensoleillé de la Côte d’Azur. Il a peint aussi la Villa Flora de ses mécènes, et Le thé à la Villa Flora où Hedy Hahnlöser et Jeanne, l’épouse de Manguin, lisent, attablées au jardin.

     

    Au rez-de-chaussée, on visite l’exposition comme la villa, de pièce en pièce, en admirant aussi les parterres fleuris qu’on aperçoit par les fenêtres. Renoir voisine avec Cézanne – Groupe de maisons (Les toits) – et Van Gogh – Impression du quatorze juillet, une rue pavoisée. Toute la grande salle suivante est consacrée à Bonnard (collection dans la collection), des œuvres plus vivantes les unes que les autres, deux Nus (jamais vus), la fameuse Nappe à carreaux rouges ou Le déjeuner du chien (Black), La Bouillabaisse (ou peut-être le dîner du chat qui se frotte au pied de la table)… Puis une petite mais splendide salle Odilon Redon chez qui Bonnard admirait « deux qualités presque opposées : la matière plastique très pure et l’expression très mystérieuse ». Ce sont Adam et Eve, L’arbre, Le rêve ou la pensée, Le vase turquoise (un bouquet comme seul Redon en peint) ou Le vase bleu, autre épisode de l’histoire d’une rencontre parfaite avec la note jaune.

     

    Encore des Bonnard au premier étage, où l’on découvre surtout de grandes toiles de Vallotton, plus froides en comparaison, au dessin plus précis, l’énigmatique réunion de La Blanche et la Noire (l’une nue, couchée, l’air de dormir ; l’autre assise en robe bleue, cigarette en bouche, les bras croisés). Deux paysages éclatants de soleil : La charrette et La grève blanche.

     

    La villa de l’Hermitage, contemporaine de la villa Flora à Winterthour, restitue bien l’esprit de cette collection qui a grandi au fil des amitiés, puisque leurs relations personnelles avec ces artistes ont mené les Hahnloser à acquérir leurs œuvres et non l’inverse. Un riche catalogue permet de faire mieux connaissance avec ce couple qui a mis l’art au centre de leur vie. Hedy, après avoir appris la peinture, s’était tournée vers les arts appliqués, bijoux, tissus, décoration de la maison. J’espère visiter un jour cette belle Villa Flora à Winterthur même. Mais à Lausanne, vous verrez (je suis loin de vous en avoir tout dit), s’offre une exposition de toute beauté, pleine de surprises, variée, « charnelle et lumineuse ».

  • Les Maeght et l'art

    Sur la couverture des mémoires d’Adrien Maeght, Dans la lumière des peintres, figure le bassin aux poissons de Georges Braque à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence. L’inauguration en 1964 de celle-ci, créée par ses parents, Marguerite et Aimé Maeght, est le premier souvenir raconté en préambule, un grand événement vécu dans le bonheur et la mélancolie. Il y manquait son petit frère Bernard, mort à onze ans de la leucémie : «  Cette Fondation, mes parents l’ont bâtie un peu pour lui, un peu pour eux, un peu pour la grande famille Maeght, et surtout pour les artistes. »

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    « Une vie avec Bonnard, Matisse, Miro, Chagall… » Bonnard, chez qui le petit Adrien a accompagné sa mère au début de la guerre, Matisse « retrouvé aux heures les plus noires de l’occupation nazie et qui donna un élan vital à l’aventure de [ses] parents », Braque enfin, « l’ami inestimable », ce sont les trois « géants » qui avec eux l’ont guidé dans sa vie « d’enfant, d’adolescent puis de jeune homme ». En 1964, Adrien Maeght et Paule avaient trois filles, leur fils Jules naîtra quatre ans plus tard.

    Dans la lumière des peintres, c’est d’abord l’histoire de son père Aimé, né en 1906, fils d’un cheminot du Nord tué en 1914. Il a hérité par certains ancêtres d’une solide culture technique, par d’autres d’une sensibilité artistique, de fortes personnalités : Adrien M. y voit la source des talents multiples d’Aimé Maeght – « une part de génie, une part de folie. Un caractère tout sauf tranquille. »

    La grande guerre obligea sa grand-mère Marthe, après bien des péripéties, à se réfugier avec ses quatre enfants chez un paysan à Lasalle. Veuve, elle finira par l’épouser. Aimé, l’aîné, obtient à Nîmes, où il suit aussi des cours aux beaux-arts, un diplôme de « dessinateur-lithographe-lettriste » puis est engagé dans une imprimerie de Cannes. Il s’habille avec soin – « un bel homme, élégant, grand pour l’époque » – et s’inscrit dans une chorale.

    C’est en y allant qu’il rencontre Marguerite Devaye, épousée en 1928. Adrien M., né en 1930, porte le prénom du fils trop tôt disparu de son arrière-grand-père qui sillonnait les mers au profit de l’épicerie de gros familiale. Sa mère, Marguerite, a hérité « du sens du commerce » et avait décidé à dix ans d’arrêter l’école pour travailler. Son savoir-faire compte « pour beaucoup dans la réussite Maeght ».

    Aimé Maeght rencontre pour la première fois Pierre Bonnard à l’imprimerie où celui-ci apprécie son travail. De son côté, sa mère s’ennuie depuis qu’Adrien va à l’école et rachète un bail au 10, rue des Belges, vend des postes de radio. Son père va y continuer ses créations publicitaires et nomme la future galerie « Arte » pour « Arts et techniques graphiques ». Il déborde d’idées, conçoit du mobilier à vendre, dirige le club de football et édite son journal Allez Cannes. Dans l’arrière-boutique où ils vivent, Adrien est forcément « happé » par leurs activités. Il adore qu’on lui confie de petites tâches à l’imprimerie de son oncle.

    Puis survient, avec la seconde guerre mondiale, une « invraisemblable succession de hasards » : son père est mobilisé en juin 1939. A Toulon, on lui fait imprimer le bulletin quotidien de la place militaire. A la rue des Belges, la vente des radios est interrompue, le stock de meubles diminue. Un peu avant, le peintre cannois Louis Pastour avait confié quelques tableaux à Aimé Maeght pour en tirer des lithographies ; vu la guerre, Pastour propose à sa mère de les porter à vendre chez un antiquaire, mais celle-ci réagit au quart de tour : elle veut bien les vendre elle-même.

    Les toiles trouvent vite des acquéreurs et Marguerite en obtient de bons prix. La veuve d’Henri Lebasque a remarqué des tableaux en vitrine et souhaite vendre des tableaux restés dans l’atelier. Adrien accompagne sa mère et entre pour la première fois dans l’antre d’un artiste. C’est Mme Lebasque qui signale qu’un « ami peintre » de son mari serait heureux de leur confier un ou deux tableaux à vendre. Adrien se souvient de leur visite chez Bonnard, 73 ans, qui confie une petite nature morte à sa mère éberluée du prix qu’il en demande et qu’elle en obtiendra sans problème.

    Ainsi commence le fameux compagnonnage des peintres et des Maeght, vécu de près par Adrien. Bonnard emmena son père chez Matisse et en 1943, la première exposition, « Maîtres modernes », indique clairement la vocation des Maeght pour l’art contemporain, au gré des rencontres et des amitiés nouées. La relation entre Aimé et Adrien est difficile, parfois conflictuelle. Si Dans la lumière des peintres retrace une extraordinaire aventure artistique et commerciale, celle de la galerie Maeght et celle de leur Fondation, la vie de famille y est évoquée sans tabou à propos des différends et des rivalités, y compris les conflits de succession.

    Après avoir collaboré avec ses parents, Adrien Maeght développera ses propres activités, non sans mal. Il préside la Fondation Maeght depuis 1982. Ses mémoires passionnants témoignent d’une entreprise familiale peu commune et surtout offrent un regard très humain sur les grands artistes qui leur ont fait confiance.

  • Fleurs du Midi

    C’est la première fois que je descendais à la Méditerranée en juin et là c’est déjà l’été – la belle saison toujours trop éphémère en Belgique. Sous un voile de nuages, parfois, sous l’azur parfait, souvent, les couleurs accompagnent la promenade : les fleurs du Midi flamboient. – « Et vous, trouvez-vous ça beau ? » : c’est le titre d’un sondage publié dans le Beaux Arts magazine de ce mois, le 300, numéro spécial « Qu’est-ce que la beauté ? » Un dossier qui s’ouvre sur L’incessante réinvention de la beauté en sept ruptures : « La philosophie a tué Dieu. L’art cherche sans cesse à tuer la beauté sans y parvenir. Petite histoire de la beauté en sept révolutions esthétiques. » 

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    Parmi neuf situations censées avoir donné récemment le sentiment de voir ou de vivre quelque chose de beau, « marcher dans la nature » vient en tête des réponses (44 %), devant « faire l’amour, écouter de la musique, regarder un film, lire un livre, acquérir un objet ». « Visiter une exposition ou regarder une œuvre d’art » ne récolte que 9 %, entre « assister à un spectacle » et « regarder une émission de télévision » ! Marchons… Les lauriers-roses en pots dont les boutons peinent à éclore sur les terrasses bruxelloises en juillet font décidément pâle figure en face des méridionaux : des haies touffues, de hauts arbustes déclinent déjà ici tout le nuancier

    du rose, sans oublier les lauriers à fleurs blanches si fraîches sur leurs lances vertes.

     

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    La palme de la couleur revient aux bougainvilliers. Quel mot pour désigner exactement leurs éclats colorés contre un mur ou à l’horizontale d’une clôture ? Des bractées d’un violet incroyable, d’un rose presque pourpre. Quand les deux se mélangent, on se rappelle qu’Yves Saint Laurent le premier nous a fait voir que le rouge, le rose vif et le violacé peuvent faire alliance. Les couleurs et les goûts… « Avoir du goût, oser dire « j’aime, j’aime pas », ce n’était pas pensable » écrit Philippe Trétiack dans Pourquoi le beau dérange-t-il les architectes ? N’est-ce pas réduire à l’extrême ce que recouvre le goût ?

     

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    Au rayon du bleu, les plumbagos qui commencent à s’épanouir renvoient sa couleur exacte au ciel du matin. Les solanums défroissent le papier de soie bleu mauve de
    leurs pentagones, plus discrets que les trompettes des volubilis. Dans son Eloge de la grâce, Daniel Arasse rappelle que, déjà pour La Fontaine, la grâce « est plus belle encore que la beauté. » La grâce relève de ce je ne sais quoi qui manque à la beauté classique, trop parfaite. Gracieux plumbagos. Les agapanthes aussi rivalisent d’élégance.
     

     

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    Plus rustiques, les lantanas offrent parfois une surabondance criarde d’orange et de rouge, mais le plus souvent une agréable déclinaison de jaune, de lilas, de rose. Typiquement méditerranéenne, la fleur d’acanthe dresse ses colonnes un peu partout au bord des chemins. S’échappant d’un jardin, un magnifique albizia offre ses délicats éventails de soie à la caresse des passants. Au parc Braudel (La Seyne sur mer), les nymphéas sont déjà en fleurs. Sur un tapis de feuilles dont le cuir épais porte des blessures, au-dessus de l’eau sombre, leurs corolles s’habillent de rose et de blanc. Formes parfaites, cœurs d’or où la lumière allume les filaments du soleil.

     

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    « La lumière venue de la droite éclaire les objets que l’air enveloppe, on
    aimerait écrire avec amour. Un grand silence règne. C’est la paix, la contemplation, la rêverie et l’oubli, l’émotion. »
    Pierre Rosenberg commente ainsi Le Bocal d’olives de Chardin, dans Secrets de beauté. Parmi dix séquences – dix œuvres commentées –, le Nu jaune de Bonnard du Centre Pompidou. Pas de fleurs dans ce tableau, mais une luxuriance chromatique où l’œil se promène entre miroir, mur, corps, bain, tissu. Alors, tant pis si Cocteau se moquait en disant de Matisse, de retour du Maroc, saturant ses toiles de motifs ornementaux : « Voilà le Fauve ensoleillé devenu un petit chat de Bonnard. » Les chats de Bonnard, je les adore. Je me suis égarée ? Peut-être. La beauté peut être naturelle et la nature parfois parle d’art.

     
  • Villa Flora

    « La Villa Flora est la maison de Winterthour dans laquelle ont habité Arthur et Hedy Hahnloser dès leur mariage en 1898. Partiellement accessible aux visiteurs à partir de 1995, cette demeure abrite depuis plus d’un siècle des œuvres de leur collection. Cet art, qui servit d’abord de décor mural, devint bientôt la passion d’une vie. Cet intérêt obsessionnel pour la création contemporaine conduisit à devoir « pousser les murs » de la villa, et à construire ou à aménager de nouveaux espaces. Son architecture organique apparaît donc comme un ensemble qui a grandi, s’est adapté, et dont l’observateur attentif peut encore discerner l’évolution. (…) 

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    Vue du jardin de la Villa Flora avec L'été d'Aristide Maillol, vers 1995
    http://www.villaflora.ch/de/ausstellung/2008-valloton-fr.php

    Grâce à une gestion intelligente de l’héritage et à l’intérêt pour l’art des descendants des collectionneurs, la Villa Flora a largement conservé son aspect originel. Depuis 1995, elle est partiellement ouverte au public et présente un ensemble exceptionnel d’œuvres gravitant autour des postimpressionnistes français, avec un ensemble important de Nabis et de Fauves, regroupés dans des salles et dans un jardin spécialement conçus à leur intention. »

    Henriette Hahnloser, La Villa Flora : de l’art des intérieurs à l’art-passion
    (Catalogue de Van Gogh, Bonnard, Vallotton… La collection Arthur et Hedy Hahnloser)