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Fleurs du Midi

C’est la première fois que je descendais à la Méditerranée en juin et là c’est déjà l’été – la belle saison toujours trop éphémère en Belgique. Sous un voile de nuages, parfois, sous l’azur parfait, souvent, les couleurs accompagnent la promenade : les fleurs du Midi flamboient. – « Et vous, trouvez-vous ça beau ? » : c’est le titre d’un sondage publié dans le Beaux Arts magazine de ce mois, le 300, numéro spécial « Qu’est-ce que la beauté ? » Un dossier qui s’ouvre sur L’incessante réinvention de la beauté en sept ruptures : « La philosophie a tué Dieu. L’art cherche sans cesse à tuer la beauté sans y parvenir. Petite histoire de la beauté en sept révolutions esthétiques. » 

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Parmi neuf situations censées avoir donné récemment le sentiment de voir ou de vivre quelque chose de beau, « marcher dans la nature » vient en tête des réponses (44 %), devant « faire l’amour, écouter de la musique, regarder un film, lire un livre, acquérir un objet ». « Visiter une exposition ou regarder une œuvre d’art » ne récolte que 9 %, entre « assister à un spectacle » et « regarder une émission de télévision » ! Marchons… Les lauriers-roses en pots dont les boutons peinent à éclore sur les terrasses bruxelloises en juillet font décidément pâle figure en face des méridionaux : des haies touffues, de hauts arbustes déclinent déjà ici tout le nuancier

du rose, sans oublier les lauriers à fleurs blanches si fraîches sur leurs lances vertes.

 

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La palme de la couleur revient aux bougainvilliers. Quel mot pour désigner exactement leurs éclats colorés contre un mur ou à l’horizontale d’une clôture ? Des bractées d’un violet incroyable, d’un rose presque pourpre. Quand les deux se mélangent, on se rappelle qu’Yves Saint Laurent le premier nous a fait voir que le rouge, le rose vif et le violacé peuvent faire alliance. Les couleurs et les goûts… « Avoir du goût, oser dire « j’aime, j’aime pas », ce n’était pas pensable » écrit Philippe Trétiack dans Pourquoi le beau dérange-t-il les architectes ? N’est-ce pas réduire à l’extrême ce que recouvre le goût ?

 

Midi bleu.JPG

 

Au rayon du bleu, les plumbagos qui commencent à s’épanouir renvoient sa couleur exacte au ciel du matin. Les solanums défroissent le papier de soie bleu mauve de
leurs pentagones, plus discrets que les trompettes des volubilis. Dans son Eloge de la grâce, Daniel Arasse rappelle que, déjà pour La Fontaine, la grâce « est plus belle encore que la beauté. » La grâce relève de ce je ne sais quoi qui manque à la beauté classique, trop parfaite. Gracieux plumbagos. Les agapanthes aussi rivalisent d’élégance.
 

 

Midi albizia.JPG

 

Plus rustiques, les lantanas offrent parfois une surabondance criarde d’orange et de rouge, mais le plus souvent une agréable déclinaison de jaune, de lilas, de rose. Typiquement méditerranéenne, la fleur d’acanthe dresse ses colonnes un peu partout au bord des chemins. S’échappant d’un jardin, un magnifique albizia offre ses délicats éventails de soie à la caresse des passants. Au parc Braudel (La Seyne sur mer), les nymphéas sont déjà en fleurs. Sur un tapis de feuilles dont le cuir épais porte des blessures, au-dessus de l’eau sombre, leurs corolles s’habillent de rose et de blanc. Formes parfaites, cœurs d’or où la lumière allume les filaments du soleil.

 

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« La lumière venue de la droite éclaire les objets que l’air enveloppe, on
aimerait écrire avec amour. Un grand silence règne. C’est la paix, la contemplation, la rêverie et l’oubli, l’émotion. »
Pierre Rosenberg commente ainsi Le Bocal d’olives de Chardin, dans Secrets de beauté. Parmi dix séquences – dix œuvres commentées –, le Nu jaune de Bonnard du Centre Pompidou. Pas de fleurs dans ce tableau, mais une luxuriance chromatique où l’œil se promène entre miroir, mur, corps, bain, tissu. Alors, tant pis si Cocteau se moquait en disant de Matisse, de retour du Maroc, saturant ses toiles de motifs ornementaux : « Voilà le Fauve ensoleillé devenu un petit chat de Bonnard. » Les chats de Bonnard, je les adore. Je me suis égarée ? Peut-être. La beauté peut être naturelle et la nature parfois parle d’art.

 

Commentaires

  • Quelles magnifiques photos et un beau billet. J'adorerais voir le Sud en ce moment, dans cette profusion de couleurs. Petite coïncidence, j'ai intitulé mon billet de ce jour "grâce et beauté" .. nous en manquons cruellement dans ce monde de brutes.

  • Après une matinée de travail peu attractive lire ce billet c'est un peu de baume au coeur
    j'ai passé quelques années de ma vie à Aix en Provence et Montpellier, mon seul regret ce sont les fleurs..

  • Ton texte est vraiment très beau. Quant aux fleurs, j'ai l'impression que tu es venue chez moi; merci pour cette balade-beauté.

  • Ah ! les fleurs ! Quelle trouvaille de la nature pour attirer les insectes « pollinisateurs » ces complices de la reproduction … Notre monde est de plus en plus voué à la couleur … et à ses nuances … nos yeux actuels en perçoivent une dizaine de millions de nuances … Il suffit de contempler les superbes reproductions photographiques de "Textes et Prétextes" pour s’en convaincre … Merci à son auteur, aussi bon photographe qu’écrivain, pour son descriptif coloré finement ciselé de la luxuriance des fleurs du midi … Et aussi quelle culture !!! …

  • En renfort de ce qui vient d’être écrit sur les fleurs, j’aimerais introduire ici un passage plus personnel concernant l’environnement que mon épouse a su créer dans notre petit jardin de citadin presque au cœur d’une grande ville.

    Notre « coin de paradis » est entouré de la frondaison de grands arbres et de la végétation qui l’isolent du voisinage. Une « fée » les fait surgir de sa petite serre, les réunit en ensemble d’une harmonie exquise dans les parterres et des jardinières posées à des niveaux supérieurs au jardin. Elle leur donne avec son cœur de fleur et son âme de fleur tant d’amour qu’elles sont les plus belles qui soient … Par un soleil complice, sur la terrasse qui domine ce raffinement de couleur, nous passons les moments plus agréables qui soient …

  • Cher Doulidelle, ton jardin de ville est en effet un havre de paix et d'harmonie. L'été bruxellois commence magnifiquement cette année, profitez-en bien tous les deux. Merci pour ton enthousiasme à prolonger mes impressions. Affectueusement.

  • En plein accord avec votre bel article. Dostoïevski disait que le monde serait sauvé par la beauté, puisqu'il n'est plus guère question qu'il le soit par la foi. Foi en une transcendance. Reste la beauté qui est souvent bafouée, dédaignée elle aussi. Il suffit de voir comment l'homme du XXe siècle s'est employé à mutiler notre pauvre planète pour douter de sa sagesse, de son discernement et de son amour de la nature.
    Revenant de Bretagne où j'ai beaucoup randonné, je viens de faire une cure de beauté. Rien de tel pour jouir par la même occasion d'une cure de jouvence et d'espérance.

  • Je ne m'attendais pas à de tels résultats d'enquête. J'adhère (ainsi que mes Marcassins) à l'idée que la beauté, nous la rencontrons de préférence dans la nature. Par conséquent, ne pas respecter la nature, c'est en quelque sorte favoriser la "moins-beauté" (j'évite de parler de laideur). Par ailleurs, respecter la nature et l'apprécier, c'est aussi nous respecter nous-mêmes, tant elle nous apporte.

    Merci pour ce billet!

  • After a morning of work unattractive read this post it's a little balm in the heart
    I spent a few years of my life in Aix en Provence and Montpellier, my only regret are the flowers ..

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