« Difficile d’imaginer que quatre hommes armés de pics et de leur rage puissent n’entamer que trente centimètres de glace sur un mètre de diamètre en trois jours. Cette glace est d’une densité exceptionnelle, remontée des entrailles du glacier par un hoquet tellurique. Elle cède atome par atome à la morsure des piolets, elle se pulvérise sans jamais se fissurer. On aurait tort de se figurer cette lutte comme un combat entre deux matériaux, le métal et l’eau. Les forces à l’œuvre sont bien plus puissantes. L’haleine du glacier entier, profond de deux cents mètres à cet endroit, contre la volonté de quelques fous. Une onde de froid nous repousse, nous gèle le souffle, les membres et l’esprit. Si nous ne déblayons pas aussitôt la poussière que nous arrachons à la glace, elle se resolidifie presque instantanément. Ce glacier irradie comme un soleil en négatif. »
Jean-Baptiste Andrea, Cent millions d’années et un jour