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Rechercher : wouters

  • Comme si on y allait

    Avant le temps des catalogues en ligne, c’était une belle activité de week-end : quand arrivaient les dates d’exposition, on se rendait à la salle des ventes (on trouvait encore une place pour garer la voiture), on achetait le catalogue pour se renseigner, pour y cocher les numéros des objets devant lesquels on s’était attardée. On oubliait tout le reste pendant cette heure à découvrir, regarder, rêver. « Foule de chefs-d’œuvre chez De Vuyst », dans le supplément Arts Libre, m’a donné envie d’ouvrir le catalogue de cette salle de ventes flamande où je n’ai jamais mis les pieds. Au programme, des sculptures, peintures, dessins des XIXe et XXe siècles, d’artistes belges et étrangers.

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    Jef Lambeaux (1852-1908), Le baiser, bronze, 57 x 59 x 24 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Je m’arrête devant Le baiser de Jef Lambeaux, un bronze tout en mouvement et joie amoureuse (on peut le faire tourner sur la photo du catalogue. J’y repense en m’arrêtant à Retour de l’herbe de Jules Dalou, une petite cire perdue très touchante. Quel contraste entre ces deux œuvres ! Jeunesse/vieillesse, couple/solitude, nudité/vêtements, plaisir/travail, légèreté/poids… L’une et l’autre me plaisent.

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    César de Cock, Enfants au bord de l'eau, 1873, huile sur toile, 48 x 70 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Avec Enfants au bord de l’eau, César De Cock nous invite dans une scène de verdure. Les arbres filtrent la lumière du ciel, se reflètent dans l’eau ; on ne voit pas tout de suite les deux enfants dans l’herbe, à droite. Une fillette habillée de noir et de gris, une autre en vêtements plus clairs. Toutes deux portent une coiffe – des tenues du XIXe siècle (la toile date de 1873).

    De grands noms sont bien représentés : douze œuvres pour Ensor, au moins autant de Rops. Parmi les contemporains, Panamarenko fait aussi bien , de même que Bram Bogart avec ses couleurs – matières qui annoncent ses « peintures de matière » très cotées, pas à mon goût, j’avoue. (Un index à la fin du catalogue en pdf, à télécharger sur le site, vous permet de repérer les artistes qui vous intéressent.)

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    Léon Spilliaert, Portrait de ma soeur Rachel, 1903-1904 © 2023 Kunstgalerij De Vuyst
    Dessin à la plume et au pinceau à l'encre de Chine sur papier, 30 x 19 cm 

    Vous ne serez pas surpris si je vous signale des Spilliaert de cette vente : Portrait d’un jeune homme – ce regard ! et cette ligne qui descend du front vers le cou ! Ce portrait émouvant est daté de 1901, l’année de ses vingt ans. Deux ou trois ans plus tard, c’est déjà l’artiste du mystère et le maître de l’encre qui s’exprime dans ce saisissant portrait à la plume et au pinceau de sa sœur, dont il a écrit le prénom en haut de la feuille : Rachel. On vendra aussi une belle Marine à l’aquarelle et des œuvres en couleurs. 

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    Rik Wouters, Le déjeuner, roses blanches, 1910-1911, huile sur toile, 66,5 x 75,5 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Un des clous de la vente sera sans doute Le déjeuner, roses blanches, une magnifique toile de Rik Wouters. « Du thé, un morceau de pain, un beurrier et une bouteille de vin. Une serviette a été oubliée, apparemment par hasard. Il semble que l'artiste vient de se lever de son déjeuner, comme s'il avait eu une inspiration soudaine, puis avait reculé d’un pas pour capturer la scène sur toile. Tout respire la chaleur et la convivialité à cette table. À droite, il y a une fenêtre, bien qu’elle reste hors vue. Elle apporte à la pièce sa lumière naturelle, qui joue avec la vaisselle brillante et les plis de la nappe. » La suite de cette description, « Un bonheur simple », est à lire dans le catalogue.

    Parmi tant de belles choses (six cents lots sont proposés), c’est « le lot phare », écrit Philippe Farcy dans La Libre, séduit par la qualité de cette vente. Une nature morte fauve de Brusselmans, un petit paysage graphique de Marthe Donas, des arbres bleus par Slabbinck… Cette Femme à la digue de La Ciotat par Frans Smeers, je l’ai vue un jour à la Brafa, de même qu’une variante de cette étude de main par Tom Wesselman dont une reproduction est posée dans ma bibliothèque.

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    George Grard, Femme allongée, 1938-1939, terre cuite, 12,5 x 40 x 22,5 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    De Georges Grard, un sculpteur belge, trois sculptures figurent au catalogue : j’aime particulièrement cette Femme allongée en terre cuite, que j’imaginais petite, mais elle est longue de quarante centimètres la voir en vrai me plairait beaucoup. Sa Femme au chignon ne manque pas de charme, mais la patine noire de ce bronze me plaît moins. Quant à Femme assise, une œuvre monumentale, elle me semble réalisée d’après le même modèle que la Niobé du musée Middelheim à Anvers.

    Je chercherai les résultats de cette vente du 21 octobre chez De Vuyst, au moins pour la trentaine de numéros que j’ai notés. Si j’y étais allée, rêvons un peu, j’aurais peut-être tenté d’acheter la paire de serre-livres en bronze de Jean-Michel Folon, tout simplement appelés Lire, ou Les amis, une œuvre attendrissante de sa dernière année. Et vous ?

  • Autres lectures

    Dans ma collection virtuelle, trois lots de la dernière vente chez De Vuyst sont venus s’ajouter dans le dossier « Lecture ». D’abord cette scène bourgeoise de Léon Abry dont le sujet me touche. Un homme assis sur une chaise ancienne fait la lecture à une femme au corsage rouge un peu brique, dans la gamme des tentures tenues par des embrasses derrière son fauteuil protégé par une têtière. Sur la table, un joli service en porcelaine bleue et blanche indique l’heure du thé. Ce qui me fait le plus rêver, c’est l’attention et le plaisir avec laquelle la femme écoute ce qu’on lui lit, et le visage souriant et concentré du lecteur.

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    Léon Abry (1857-1905), La lecture, huile sur toile, 100 x 84,5 cm
    © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Charles Boom, son contemporain, a peint lui aussi une scène de genre, Le journal, dans une tout autre ambiance. Ici, la théière est en argent, l’intérieur plus sombre est rendu en lignes droites et raides, du paravent orné de feuillages aux bords du cadre accroché au mur en passant par les plis du tapis de table. Raide aussi l’attitude de la dame en noir, les mains croisées : Madame semble perdue dans ses pensées, à moins qu’elle attende un écho de ce que Monsieur lit dans le journal, en silence, une pipe à long tuyau à la bouche ?

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    Charles Boom, Le journal, 1899, huile sur toile, 54,5 x 80 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Avec Femme lisant de François Gall, un peintre français d’origine hongroise, nous sommes au XXe siècle, à Paris (indiqué sous la signature). « Point de débauche de couleurs, aucune tonitruance, mais un doux concerto équilibré et harmonieux » (André Weber à propos de ce peintre, d’après Wikipedia). Une jeune femme se penche vers le livre ouvert sur la table, le décor est moins chargé, le tissu sur la table ovale est de couleur unie, avec juste une lampe posée dessus et un petit objet difficile à identifier.

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    François Gall (1912-1987), Femme lisant, huile sur toile, 45 x 38 cm
    © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Le sujet de cette peinture, c’est probablement moins la lecture que la lectrice, concentrée, souriante. Un canotier souligné d’un ruban bleu marine, un ruban noir au cou qui fait écho à ses yeux maquillés de noir, ses cheveux, sa veste noire entrouverte sur un corsage blanc, elle ne manque pas d’élégance.

  • Rik Wouters

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    Portrait de Rik (sans chapeau)
    , 1911, huile sur toile, 30 x 32 cm, collection privée
    © photo Vincent Everarts Photographie, Bruxelles

    « Né à Malines le 21 août 1882, il meurt à Amsterdam le 11 juillet 1916. Dans cette vie d’artiste, rien à signaler qui ne soit le sort de beaucoup d’humains : les difficultés matérielles au début, le succès somme toute assez rapide, la guerre qui l’arrache à son travail, l’internement dans un camp en Hollande, la maladie, les interventions chirurgicales, la mort. C’est là une vie pareille à beaucoup d’autres et que marque seule une fin prématurée. Mais il se fait que cet homme produit des œuvres comme le rosier des roses. Dès lors, on s’arrête et on s’étonne, car s’il est normal que le rosier donne des roses, il est insolite et rare que l’homme produise des œuvres qui retiennent l’attention ; mieux, qui émeuvent ou qui envoûtent. Et, forcément, l’on se penche sur l’homme doué de ce pouvoir mystérieux. »

    Roger Avermaete, Rik Wouters, Jacques Antoine, Bruxelles, 1986.

    Rik Wouters, Exposition rétrospective, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 10.03 > 02.07.2017

  • Rik Wouters & Nel

    Malines (Mechelen), la ville natale de Rik Wouters (1882-1916), lui rend un très bel hommage au Musée Schepenhuis (Maison échevinale), une superbe demeure ancienne où les toiles et les sculptures du « fauve brabançon » ont trouvé et de la lumière et de l’espace, en dialogue avec l’architecture. Rik Wouters. Chefs-d’œuvre : ce sont les œuvres maîtresses de la collection du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) actuellement en rénovation et quelques œuvres des musées communaux. Une exposition « à taille humaine ». 

    Rik-Wouters Femme lisant.png 

    Dès l’entrée, et en particulier par une de ces lumineuses journées que l’automne nous offre cette année, on est pris par l’atmosphère du lieu – haut plafond, hautes fenêtres à petits carreaux, poutres sculptées – où un escalier en colimaçon et des passerelles de fer et de verre permettent de circuler d’un étage, d’une pièce à l’autre. Chaque visiteur reçoit un petit guide (disponible en plusieurs langues) qui présente la vie et l’œuvre de Rik Wouters, des écrits du peintre, et reprend en petit format toutes les œuvres exposées.

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    Près du comptoir d’accueil, caressée par la lumière, une première sculpture en pied pour laquelle a posé Nel, l’épouse et le modèle du peintre. Plus loin, une Etude de nu où ses longs cheveux cachent son visage illustre d’emblée le refus du fini : Rik Wouters laisse apparaître par endroits la toile vierge, étend là du bleu, là du jaune, laisse l’air circuler, peint comme à l’aquarelle. Mais regardons d’abord ce magnifique buste intitulé Contemplation, ces torses où Nel est coiffée comme d’habitude d'un chignon. « Quand (sic) à moi, vivre c’est peindre, sculpter et dessiner aussi simplement que manger. Je n’ai qu’un modèle : la nature. » (1914)

     

    A l’étage, une première salle de peintures rappelle la vie du couple à Boitsfort, près de la Forêt de Soignes. Rik Wouters peint une rue, de simples maisons aux façades colorées, une maison rouge avec sa porte jaune à l’angle d’une rue enneigée, du linge qui sèche dans un jardin à l’arrière, les toits rouges sur lesquels s’ouvre une fenêtre. Ou encore la chapelle de Notre-Dame de Bonne Odeur, familière aux promeneurs de la forêt de Soignes, un ravin, une cavalière entre les hêtres.

     

    J’ai aimé Le vieux noyer dans un jardin où un homme se tient près d’un mur de ce rouge un peu brun qu’affectionne le peintre : à travers les frondaisons, on aperçoit les jeux du soleil sur une maison blanche, plus loin, un clocher, du ciel bleu. C’est simplement beau. Et j’ai vu deux toiles malinoises que je ne connaissais pas, qui montrent l’une, un peintre à son chevalet sur un pont de la ville, l’autre, la terrasse du jardin botanique, une promenade fleurie et animée.

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    Nel est au cœur de deux grandes toiles magistrales. D’abord La repasseuse (1912) : dos à la cheminée surmontée d’un miroir (ceux qui connaissent bien Rik Wouters reconnaîtront le décor familier), Nel lève un instant les yeux du linge qu’elle repasse sur la table. Corbeille de linge, cheminée, vase, lampe, tous les objets respirent avec elle, autour d’elle sur cette toile où il y a beaucoup de blanc, c’est magnifique. Et très différent d’Automne (1913) où Nel, une écharpe bleue autour du cou, se montre dehors à la fenêtre donnant sur le jardin, presque aussi statique que la plante verte près d’elle. Les couleurs automnales envahissent tout l’espace dans une fusion entre l’extérieur et l’intérieur, la végétation et la figure humaine. Wouters admirait Cézanne, on voit ici qu’il s’intéressait aussi à Matisse.

    Rik Wouters Affiche de l'exposition.jpg 

    Allez à Malines, vous y découvrirez ensuite d’autres portraits, principalement de Nel – une superbe Femme lisant en robe rayée rouge et blanche – et, parmi les autoportraits, le formidable Autoportrait au cigare de ce peintre arraché trop tôt à la vie, à trente-quatre ans. Ne manquez pas, dans la salle des natures mortes, la Table d’aquafortiste, ni, hors catégorie, L’éducation, où l’on voit Nel et une fillette à table, occupées à regarder des images, une de ces merveilleuses scènes d’intérieur qui inspiraient toujours Rik Wouters, le peintre de la vie quotidienne. « Alles is schoon als je het maar zien kan » (Tout est beau si seulement tu sais le voir), cette phrase de Rik Wouters figure sous un trompe-l’œil dans une rue du centre de Malines, une ville où il fait bon flâner.

  • Vie

    RIK-WOUTERS_Nightmare - war.jpg« Jusqu’au bout Rik Wouters sera égal à lui-même ; et, quoique terrassé par la souffrance, il aura l’énergie nécessaire pour chanter la vie, les multiples images de la vie. Ici encore, la palette fournira de précieuses indications. Tout son œuvre peint est dominé par le rouge. Rares sont les toiles où cette couleur ne tient pas la vedette. »

    Roger Avermaete, Rik Wouters, Jacques Antoine, Bruxelles, 1986.

    Rik Wouters, Exposition rétrospective, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 10.03 > 02.07.2017

    Rik Wouters, Cauchemar, guerre, (1914), aquarelle sur papier, 175 x 248 mm,
    Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten,
    inv. 3303, don du Dr Ludo Van Bogaert-Sheid, 1989
    © Lukas - Art in Flanders vzw. Photo Hugo Maertens