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écologie

  • Alma Mater

    Les grandes rencontres avec le pape François, 87 ans, lors de sa récente visite en Belgique ont été retransmises à la télévision, ce qui m’a permis de suivre les deux visites, très différentes, qu’il a rendues, à l’occasion de ses 600 ans tout proches, à l’université catholique de Louvain, mon Alma Mater. D’abord à la KULeuven, néerlandophone, dans la ville du Brabant flamand où elle est née en 1425, puis à l’UCLouvain francophone, à Louvain-la-Neuve, ville nouvelle créée dans le Brabant wallon pour accueillir l’université francophone à partir de 1972.

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    Séance académique à la KULeuven : le recteur Luc Sels accueille le pape François (27/9/2024) Source : VRT

    A Leuven, le recteur Luc Sels a reçu le pape devant un public restreint pour une séance académique ; ses propos ne l’étaient pas. A notre époque qui autorise une « discussion ouverte sur des thèmes éthiques, sociaux et philosophiques », il a situé l’université comme « un centre de réflexion critique et fidèle qui inspire mais aussi qui interpelle la communauté catholique ». Des chants polyphoniques anciens ont servi d’intermèdes.

    Le recteur a insisté sur les changements des dernières décennies dans la société, donc aussi à l’université, confrontée à la problématique des réfugiés de plus en plus nombreux, tout en se référant à la lettre « Fratelli Tutti » sur la fraternité et l’amitié sociale. La KULeuven accueille au sein de sa communauté de nombreux étudiants réfugiés, de cultures et opinions diverses. 

    Le scandale des abus sexuels commis par des gens d’Eglise et la manière dont l’institution y a réagi ont affaibli « l’autorité morale avec laquelle l’Eglise peut parler dans notre monde occidental » a déclaré Luc Sels. « Pour rétablir quelque peu la confiance brisée, il faut un dialogue honnête, engagé et chaleureux avec les victimes ». Une autre pierre d’achoppement réside dans la place réservée aux femmes dans l’Eglise, ainsi qu’à une meilleure intégration des LGBTQ+.

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    Le pape François reçu à l'Aula Magna de Louvain-la-Neuve (28/9/2024) Source : RCF

    A Louvain-la-Neuve, l’accueil dans l’Aula Magna a été très différent dans la forme, plutôt joyeuse et chaleureuse : un air de jazz inspiré par « Laudato si » (encyclique sur la sauvegarde de la maison commune) a précédé l’accueil du pape par la rectrice Françoise Smets et par la communauté étudiante, représentée par des étudiants, de jeunes scientifiques et professeurs engagés sur les enjeux de transition environnementale et sociale. Ceux-ci s’étaient réunis au préalable sur plusieurs thèmes de réflexion, la synthèse en a été proposée au pape sous la forme d’une lettre.

    C’est Geneviève Damas, comédienne et romancière, diplômée de l’UCL et de l’IAD, qui a lu ce texte très engagé sur deux questions inévitables pour les jeunes d’aujourd’hui : comment réagir, comment agir pour la transition écologique, faire face au défi environnemental, d’une part – avec la chanson de Pomme, Les séquoias, pour l’illustrer – et d’autre part, quelle place pour les femmes dans l’Eglise actuelle où elles sont actives mais trop souvent « invisibilisées » (aucune théologienne, par exemple, n’est citée dans l’encyclique) ?

    Le pape François s’est montré en phase avec la préoccupation écologique des étudiants, mais il a déçu sur la question des femmes dans l’Eglise. Il s’en est tenu à une vision traditionnelle – « La femme est accueil fécond, soin, dévouement vital » – et a répété que « l’Eglise était femme », ce qui était loin des attentes. Malgré le désaccord flagrant sur ce sujet, j’ai apprécié l’engagement des deux recteurs actuels et la franchise des discours tenus sur les deux sites de mon alma mater.  

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    Sceau de l'université d'après la statue de Sedes Sapientiae
    (Collégiale Saint Pierre, Louvain/Leuven)

    Avant le départ du pape, la rectrice de l’UCLouvain lui a offert un jeune plant de tilleul, le premier des six cents qui seront plantés pour le 600e anniversaire de l’université, et l’a invité à accrocher un vœu à l’arbre symbolique dressé dans la salle. Une vidéo de la rencontre est disponible en ligne.

  • Nacres

    Travailleur bénévole à la cathédrale des Saints Michel & Gudule, Etienne Leurquin, qui nous a éclairés sur les expositions en cours « autour » d’Hildegard von Bingen, a installé près de l’entrée trois vitrines présentant des nacres, sous le titre « Sens chrétien de la nacre, de la perle et de la coquille Saint-Jacques ».

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    Une des trois vitrines exposées à la cathédrale

    Il y expose des objets d’art religieux reliés à la Semaine Sainte et à la fête de Pâques. Certaines pièces anciennes sont d’une beauté remarquable à la fois par leur aspect irisé comme un arc-en-ciel et par la finesse des scènes sculptées.

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    Nacre ancienne. Au centre : la Cène

    « A l’image de notre Eglise postconciliaire (Vatican II), les « nacres » exposées sont humilité par rapport à l’ivoire, pauvreté par rapport à l’or, et fruits de patience comme tout artisanat. La nacre est renouvelable et sa production écologique. » (Feuillet de présentation)

  • Expo à la cathédrale

    Le nom d’Hildegard von Bingen (1098-1179) m’a attirée la semaine dernière à la cathédrale des Saints Michel & Gudule (elle porte les deux noms des saints patrons de Bruxelles). Je m’attendais à une exposition sur la célèbre « sainte du XIIe siècle, à la fois bénédictine, poétesse, musicienne, compositrice, botaniste, linguiste, tacticienne, herboriste », « figure marquante de la médecine monastique (à qui l’on doit même d’avoir inventé la bière !) », selon le feuillet de présentation.

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    En réalité, les deux expositions de mai annoncées par Ars in Cathedrali sont reliées aux seules études botaniques d’Hildegard, qui a observé et dessiné les plantes, étudié leur qualités nutritionnelles et médicinales. Ce sont des installations de Françoise Lesage sur « Hildegard et le règne végétal » et d’Anne Mortiaux, « Flore, terre et eau du marais Wiels ». L’hommage à Hildegard von Bingen comprendra aussi trois concerts et deux conférences (du 24 au 26 mai).

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    Bannières : plantes d'Hildegard von Bingen par Françoise Lesage

    En entrant dans la cathédrale, le regard est attiré par les bannières suspendues entre les colonnes : des dessins de plantes avec leurs racines (pastel gras sur toile de lin). Mis à l’échelle de l’espace d’exposition par Françoise Lesage, ces dessins de plantes d’Hildegard sont présentés dans un style majestueux.

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    Anne Mortiaux, installation dans le baptistère d'eaux puisées et mélangées. 

    L’allée latérale de gauche (côté nord) mène au baptistère, où l’on découvre une installation très particulière près des fonts baptismaux (ci-dessus) : Anne Mortiaux y a mis dans des jarres et clepsydres de l’eau puisée au marais Wiels (une zone humide près d’une ancienne brasserie bruxelloise), à la roselière de La Louvière (friche des faïenceries Boch) et à l’étang de Ladrée à Ohey (ancienne fosse d’extraction d’argile). Ce rapprochement entre l’eau du baptême et la défense de ces zones de biodiversité à protéger est pour le moins inattendu.

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    Le marais Wiels, de formation récente, est apparu au début du siècle en région bruxelloise dans la commune de Forest, quand un chantier préparatoire à la construction de bureaux (obsession immobilière) a percé la nappe phréatique, engendrant un étang de près de neuf mille mètres carrés, où la vie a peu à peu repris : son histoire et son importance sont parfaitement présentées sur le site de Natagora Bruxelles.

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    Herbier du marais Wiels (Anne Mortiaux)

    En continuant, on découvre sur le sol, dans le déambulatoire qui longe le Trésor de la cathédrale, les herbiers d’Anne Mortiaux : ce sont ses cueillettes entamées au marais Wiels en octobre, identifiées sur une liste. Disposées en accordéon, elles illustrent le passage des saisons : automne, hiver et printemps. Ces herbiers font écho à ceux d’Hildegard von Bingen, qui avait inventé une langue, « la lingua ignota », pour renommer les plantes (elle compte mille dix mots). A la fin de l’article en lien, vous trouverez quelques-uns des noms qu’elle leur a donnés.

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    Françoise Lesage, 182 plantes (n° 752 à 935 de la "lingua ignota"), 2024 (détail ci-dessous)

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    Françoise Lesage s’en est inspirée. Une longue bande de soie et chanvre présentée sur la dernière colonne de la nef, du même côté, un travail d’aquarelle et broderie, reprend « 182 plantes » inventoriées par Hildegard. L’artiste a brodé ton sur ton sur le bord inférieur l’alphabet qu’elle avait conçu. L’autre tissu suspendu sur la colonne de l’autre côté de la nef a été tissé à partir de laine teinte avec ces plantes. Les bandes colorées suivent l’ordre des plantes indiqué dans l’herbier d’Hildegard, chacune étiquetée avec son nom et son numéro.

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    Françoise Lesage, 182 plantes (n° 752 à 935 de la "lingua ignota"), 2024 - teintures (détail)

    Sur la bannière du chœur, d’après le feuillet explicatif de Françoise Lesage, la grande ortie symbolise la célèbre bénédictine. Cette femme puissante « piquait » les puissants de son époque en s’exprimant en public, ce qui était interdit aux femmes, comme cette plante qui repousse après avoir été coupée.

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    Bannière du choeur : la grande ortie pour symboliser Hildegard von Bingen

    D’abord déconcertée par l’absence d’un panneau explicatif ou d’un petit guide pour les visiteurs, j’étais tout de même heureuse de revisiter la belle cathédrale des Saints Michel & Gudule. Une rencontre providentielle nous a permis d’en apprendre un peu plus sur place et de mieux comprendre le sens de ces expositions. Merci à notre guide, grâce à qui mon compagnon de visite et moi avons fait une autre découverte. Je vous en parlerai la prochaine fois.

    P.-S. Ces deux expositions restent visibles à la cathédrale jusqu'au 27.06.2024 (entrée libre).

  • Ecologie

    Wulf Libretto.jpg« Dans Generelle Morphologie, Haeckel ne se contentait pas de brandir l’étendard de la nouvelle théorie de l’évolution, il inventait aussi un nom pour désigner la discipline de Humboldt : l’Oecologie ou « écologie ». Le terme était tiré du mot grec « maison » – oikos – appliqué au milieu naturel. Tous les organismes terrestres vivaient ensemble dans un même lieu comme une famille occupe le même foyer. Et comme les membres d’une famille, il arrivait qu’ils entrent en conflit ou qu’ils s’entraident. La nature organique et inorganique formait un « monde de forces en mouvement », écrivait-il dans Generelle Morphologie, en reprenant les termes exacts de Humboldt. Haeckel lui empruntait l’idée d’un tout cohérent constitué d’interactions complexes, et lui donnait un nom. L’écologie, disait Haeckel, était « la science des relations d’un organisme avec son environnement. »

    Andrea Wulf, L’Invention de la nature. Les aventures d’Alexander von Humboldt

  • Deux extraits

    « J’avais noté comme une maxime : L’écriture peut naître d’une révolte, devenir un engagement, être une protestation.

    C’est alors que je m’étais dit, n’oublie pas : ou bien on se bat, ou bien on se couche. Comment se bat un écri-vain ? Et une écri-vaine, comment elle se bat, puisqu’on fait la différence ? Ses armes sont-elles différentes de celles d’un écri-vain ? Je veux dire ses livres ? » (pp. 169-170)

    Claudie Hunzinger couverture Grasset.jpeg

    « Le matin, j’ouvrais la porte sur le pré et sur une sorte de bourdonnement mental, non, les abeilles. Une incandescence sonore. Celle du monde. Il était toujours là. Scintillant. Je me disais, personnellement, je ne me sens pas assez déprimée pour manier l’ironie, pas encore assez disjointe de ses débris, même si c’est vraiment classe d’être sans illusions. L’ironie, qu’est-ce que c’est classe. J’aurais aimé être une ironique contestataire. Mais pour moi, il y avait encore un écho, un éclat, un frisson qui se manifestait dans le monde, comme le palimpseste d’un paradis à déchiffrer entre ses débris. Auxquels je tenais, profondément imbriquée.

    A chaque fois, dehors, je n’ai pas honte de trouver, malgré l’évidence, que le monde est une perfection. » (pp. 245-246)

    Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

    * * *

    Au moment de programmer ce billet, j’apprends que Coumarine, dont le blog était en pause depuis un an et demi, a pris son dernier envol ce 7 juin 2023.
    Ces extraits auraient pu plaire, il me semble, à cette passionnée d’écriture qui signait ses livres de son nom, Nicole Versailles. En guise d’hommage.

    Tania