Sculpture - Page 30
-
Une ronde
-
Comme un animal
« Je peins seulement à la lumière naturelle et celle-ci est comme un animal. Elle respire, change d’humeur. Une lumière artificielle est rigide et stérile. De même que quelqu’un savoure un cigare ou du vin, je savoure la lumière depuis toujours. C’est un miracle sans cesse recommencé. »
(Entretien avec Thomas Schlesser et Mélanie Gentil, Novaplanet, 26/2/2014)
© Michaël Borremans, Blue, 2005As sweet as it gets, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 2014
P.-S. En ce moment (10h10) sur Musiq3 : rediffusion de l'entretien avec Jan Hoet.
-
Borremans au Palais
« As sweet as it gets » : la grande rétrospective consacrée au peintre belge Michaël Borremans (né en 1963) attire du monde au Palais des Beaux-Arts (Bozar) de Bruxelles, où se poursuit la belle exposition Zurbarán. Reconnu sur la scène internationale, l’artiste, qui a son atelier à Gand, offre un aperçu de son travail des vingt dernières années, qui sera montré ensuite à Tel-Aviv puis à Dallas.
Michaël Borremans, The Avoider, 2006
360 x 180 cm Oil on canvas The High Museum of Art Atlanta
Courtesy Zeno X Gallery, Antwerp and David Zwirner New York/London © Photographer Ron AmstutzOn est accueilli par The Avoider (tous les titres sont en anglais exclusivement), un portrait en pied haut de presque quatre mètres ! En face, une toute petite toile, Homme tenant son nez. La figure humaine, le corps, c’est le thème privilégié par Borremans, qui s’inscrit de manière originale dans cet éternel sujet de la peinture. L’illusion réaliste (l’œuvre renvoie à La Rencontre de Courbet) disparaît à l’observation : les ombres de la tête et du bâton ne correspondent pas.
Dans chaque toile, quelque chose trouble. Les petits formats, dans les premières salles, impressionnent par leur présence. Sleeper, une tête d’enfant blond couchée : est-ce une image du sommeil ou de la mort ? Le visage s’arrête à la ligne du menton ; ni cou, ni buste, juste une courbe. Les personnages de Borremans sont ailleurs, montrés de dos ou les yeux baissés, dans des vêtements d’autrefois ou plutôt sans époque, le peintre évitant toute indication de contexte. Pour lui, « le sujet est toujours un objet – et non pas une représentation d’un être vivant » (Guide du visiteur).
Michaël Borremans, Sleeper, 2007-2008
40 x 50 cm Oil on canvas Private Collection
Courtesy Zeno X Gallery Antwerp © Photographer Peter CoxCertaines œuvres rendent hommage aux maîtres anciens. Deux oiseaux contre un mur, 10 et 11, rappellent le chardonneret de Fabritius. La nature morte est un autre genre exploré par le peintre : un poulet mort, un canard, un masque, une figurine. The Garment, une sorte de cape en tissu gris bleu transparent – on pense aux petites natures mortes de Manet : simplicité, matière, présence.
Borremans, qui admire Velasquez et Goya, pratique la technique baroque, « par couches transparentes de peinture à l’huile sur un fond brun clair ou rouge » (Hans Theys, Le mystère Michaël Borremans, OKV). Anna, une femme en corsage rouge, regarde ses bras et ses mains comme ensanglantés. Tout ici est jeu perpétuel sur la présence et l’absence, la solitude, voire la souffrance. Des imperfections, des traînées, des taches rappellent la matérialité de la peinture.
Michaël Borremans, The Branch, 2003
80 x 60 cm Oil on canvas Private Collection
Courtesy Zeno X Gallery Antwerp © Photographer Peter CoxLa Branche, un rameau dressé contre un mur : de petits points blancs marquent le relief des bourgeons, et quelque chose de fort se dégage comme par magie de ce sujet tout simple, grâce aux ombres qui créent volume, profondeur, vie.
Borremans aime cadrer une partie du corps, comme dans Blue : d’un buste en blouse blanche, bras et mains posés sur une table, le haut a disparu. Une très belle toile, The Ear, montre une femme de dos, de la tête aux épaules ; sous son chignon, le col droit d’une blouse ; les cheveux sont dégagés autour d’une oreille. Le plus souvent, ce sont les mains qui attirent le regard. Main rouge, Main verte est une des œuvres les plus représentatives de l’artiste : tenues à plat à petite distance d’une surface, enduites de couleurs complémentaires jusqu’au poignet.
Michaël Borremans, The Angel, 2013
300 x 200 cm Oil on canvas
Courtesy Zeno X Gallery Antwerp © Photographer Dirk PauwelsDans la salle des grandes toiles, la plus spectaculaire, on reste baba devant The Angel, silhouette androgyne en longue robe rose à volants, debout les bras le long du corps, le visage couvert de peinture sombre (à la manière dont on se noircit le visage au carnaval) – un ange de la mort ? The Pendant n’est pas moins ambigu : une femme debout semble pendue par les cheveux au moyen d’une corde rouge.
La fillette d’Une jupe en bois regarde vers le bas, torse nu, les bras devant elle, comme aveugle. Derrière, les bords de grands panneaux posés contre le mur de l’atelier jouent avec les autres droites du tableau. Et voici la fameuse Robe du diable, où un homme nu couché a le corps glissé dans un étui en bois rouge qui s’évase aux genoux. Borremans construit ses images en mêlant le familier et l’étrange, l’esthétique et le malaise.
Michaël Borremans, The Devil’s Dress, 2011
203 x 367 cm Oil on canvas Dallas Museum of Art, DMA/amfAR Benefit Auction Fund
Courtesy Zeno X Gallery Antwerp and David Zwirner New York/London © Photographer Ron AmstutzDes vidéos de l’artiste – encore et toujours des corps immobiles sur lesquels la lumière varie ou qui tournent sur eux-mêmes comme des statues – font la transition vers son œuvre dessinée et ses sculptures. Une petite huile, The Neck, révèle à nouveau la virtuosité technique remarquée dans The Ear pour rendre le bas des cheveux, la nuque, le haut d’une chemise blanche.
Les dessins sont présentés par séries : une fillette dont les mains glissées dans des cornets prennent différentes positions ; un homme en veston bleu assis à une table, des ronds rouges en suspension devant ses mains (The German) ; des étagères où une main retire puis repose des arbres miniatures. Borremans met aussi ces sujets en scène dans des boites où il réunit vidéos, éléments de maquette et minuscules personnages.
Michaël Borremans, The Bodies (I), 2005
60 x 80 cm Oil on canvas
Courtesy David Zwirner New York/London ©Photographer Ron AmstutzCette partie de l’exposition est parfois ludique. Mais l’inquiétant n’est jamais loin: sur un buste d’homme, quatre trous noirs, une main achève d’y peindre l’inscription « People must be punished » ; sous cette image, une scène de piscine, avec de tout petits baigneurs, un moment de détente (The Swimming Pool). On a rapproché ce dessin de La Colonie pénitentiaire de Kafka. Changement d’échelle, contradictions, de quoi égarer le spectateur.
Si comme moi, vous n’aviez encore rien vu de Michaël Borremans, « le peintre de l’énigme » (Guy Duplat), ne manquez pas cette rétrospective. Avec ses Laquais accrochés au Palais Royal de Bruxelles (une commande de la reine Paola) et l’émission d’un timbre-poste en son honneur, l’exposition assure une plus large reconnaissance au peintre belge dans son pays. Son savoir-faire impressionne, et on n’a pas fini d’interpréter ses intentions. Selon Hans Theys, « les essais consacrés à son œuvre ont souvent tendance à renforcer la confusion que l’artiste suscite déjà lui-même. » Contre ceux qui le considèrent comme « un démiurge démoniaque évoluant dans un univers sadique autocréé », lui décèle dans son oeuvre « comme une ode à la naïveté et au jeu ». A voir.
***
P.-S. Michaël Borremans à écouter dans "Le grand charivari" sur Musiq3 (15/3/2014) :
http://www.rtbf.be/radio/player/musiq3?id=1902768 -
Musée Fin de siècle
Un nouveau musée ? C’est le slogan des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique pour inviter à découvrir la nouvelle présentation des œuvres qui, dans leurs collections, montrent comment Bruxelles, de 1868 à 1914, « Fin de siècle » au sens large, fut le « carrefour culturel de l’Europe ». Des peintres et des sculpteurs belges et étrangers, mais aussi des photographes, des architectes, sans oublier les arts décoratifs, la littérature et la musique.
Au bas des marches, la Diane de Zadkine (1937) est restée en place.Pour y accéder, les visiteurs empruntent le couloir qui menait naguère au Musée d’art moderne (je m’efforce de ne pas trop y penser en arpentant les espaces vides, l’air inachevé, qui précèdent le début du parcours, au bas de l’escalier). Pour entrer dans le réalisme, courant qui a dominé les arts dans la seconde moitié du XIXe siècle, une grande toile de Charles Hermans, A l’aube, voisine avec L’attrapade de Rops, Prière, un grand marbre de Guillaume Charlier, et de petits groupes sculptés comme La famille de l’ivrogne de Léopold Harzé. Pour les familiers du musée, la présence d’artistes ou d’œuvres moins connus éveille bien sûr un intérêt particulier.
Charles Hermans, A l’aube,1875 (248 x 317)Cà et là, on découvre des portraits d’artistes, comme celui d’Alfred Stevens en haut de forme par Gervex – on verra plus loin quelques-unes de ses mondaines aux belles robes – ou, plus tard, celui d’Anna Boch par Isidore Verheyden, accroché non loin de sa lumineuse Côte de Bretagne. Mais il y a beaucoup d’œuvres réalistes à découvrir avant d’arriver à cette fascination nouvelle pour la lumière des impressionnistes. Une longue vitrine expose de petits objets de la fin du XIXe siècle et en particulier des clichés illustrant les débuts de la photographie, des dessins de Mellery, de jolies études de Léon Frédéric et des petits bronzes (trop peu éclairés).
Constantin Meunier, Femme du peuple, 1893La peinture de paysage est bien représentée : Daubigny (Bords de l’Oise) et Corot (les Hauts de Sèvres) voisinent avec Rops, Artan et des peintres de l’école de Tervueren comme Boulenger. Quelle force expressive dans Femme du peuple, un superbe bronze de Constantin Meunier, dont on expose aussi de grandes peintures comme le Triptyque de la mine. A côté du monde paysan (Les marchands de craie de Léon Frédéric, un petit Portrait de paysan par Van Gogh) et de celui des ouvriers au travail ou en grève, des œuvres qui dénoncent la misère sociale, deux toiles sur la vie des artistes : Les collègues de Pierre Oyens, un homme au chevalet, une femme à la palette ; de Fantin-Latour, une très belle Leçon de dessin dans l'atelier.
Ensor, Carnaval sur la plage, 1887Ensor et Evenepoel : voici des œuvres majeures. D’Ensor, par exemple, Les masques scandalisés (dans la palette sombre) et Les masques singuliers (dans la palette claire, dix ans plus tard) et encore ce magnifique Carnaval sur la plage aux couleurs nacrées (comme dans ses Fleurs, malheureusement invisibles). Le beau portrait du père d’Ensor lisant et de fascinantes figures féminines : Une coloriste, La dame sombre. Un très grand portrait d’un peintre en costume rouge domine la salle des Evenepoel, je lui préfère ces deux magnifiques portraits d’enfants que sont Henriette au grand chapeau et Les images.
Henri Evenepoel, Les images et Henriette au grand chapeau (photos prises sans flash)Pour ceux qui ne le connaissent pas, ce sera l’occasion de découvrir Vogels, spécialiste des impressions atmosphériques (voyez Ixelles, matinée pluvieuse ou le ciel nocturne dans La rue des chanteurs). J’ai été frappée par le voisinage de deux tableaux : un verger encore réaliste à côté d’un paysage de Sisley (A la lisière du bois), ce qui permet de comparer ces deux manières très différentes de peindre la nature et d’apprécier la vibration de la touche. Quelle clarté, chez les impressionnistes ! Van Rysselberghe, Emile Claus (trop peu d’œuvres exposées à mon avis), Anna Boch, Signac, Seurat – cette fois, on respire le plein air, la lumière inonde les jardins, les bords de mer, on se régale. Plus loin, arrêt devant le Nu à contre-jour de Bonnard, seul sur un mur, splendide.
Emile Claus, L'inondation (à l'ombre du cadre)Un beau bleu profond a été choisi pour présenter le symbolisme. Fernand Khnopff y est à l’honneur, on expose une maquette de sa maison-atelier. Quel dommage de constater qu’ici aussi, comme dans les salles précédentes, un éclairage maladroit laisse le haut du tableau barré par l’ombre du cadre, même sur les visages du fameux Des caresses ! J’avais déjà signalé ce problème lors de la rétrospective Stevens. Dans un « nouveau » musée, c’est sidérant. Sans compter que là où la pénombre met en valeur le contenu de vitrines bien éclairées, en particulier de beaux décors pour des opéras de Wagner, on ne peut pas déchiffrer les étiquettes en dessous – fâcheux.
Jean Delesclusze, Maquette de décor pour Parsifal de Richard Wagner (détail)A cette étape du parcours Fin de siècle, on découvre une émouvante Figure tombale de Dillens, de magnifiques illustrations de Redon pour Verhaeren en plus de son terrible Christ, Une Morte (Ophélie) de Schlobach dans un cadre spectaculaire, des Constant Montald de premier plan.
La belle salle des Spilliaert, dont je pourrais vous parler longuement, contient plusieurs grandes sculptures de Minne (La solidarité, Le maçon). Mais j’arrête d’énumérer : vous l’avez compris, ce ne sont là que quelques noms, quelques repères dans la traversée de cette époque fertile pour la culture belge et européenne – il faudra y retourner pour en détailler tous les trésors, s’attarder partout et découvrir la section sur l’architecture art nouveau que je n’ai pas eu le temps de voir, même en y passant toute l’après-midi.
George Minne, La solidarité (salle Spilliaert)La grande nouveauté, au dernier niveau (-8), c’est la très attendue collection Gillion Crowet dédiée à l’art nouveau, présentée avec soin dans un écrin violet qui convient parfaitement à ces pièces d’orfèvrerie signées Wolfers, au mobilier de Victor Horta et de Majorelle (ensemble Nénuphar), aux verreries de Witwe, Gallé, Daum, et autres Lalique, aux luminaires et objets de bronze.
http://www.fin-de-siecle-museum.be/fr/musee-fin-de-siecle-museum/la-collection-gillion-crowetD’étonnantes peintures et sculptures y sont exposées, de belles surprises pour terminer le parcours. Par exemple, ce tableau de Xavier Mellery, dont le titre fera le mot de la fin : « L’Art touche au Ciel et à la Terre. » Dans le grand ascenseur où l’on peut s’asseoir pour rejoindre en douceur le niveau de départ, un visiteur étranger que j’interrogeais sur ses impressions me répondit « very, very interesting », d’un air rêveur.
-
Au Louvre Lens
Cheminer durant quelques minutes vers l’entrée du Louvre à Lens, un jour de janvier assez venteux, sur un ruban de béton clair qui sinue entre de jeunes arbres, c’est véritablement passer entre deux mondes, de la ville aux maisons de briques à un nouvel espace – parc et architecture – dans ce paysage du nord où les terrils rappellent un passé industriel révolu.
Le site du Louvre Lens, « une greffe sur le programme génétique de la région, une chance extraordinaire pour le Bassin minier » (Daniel Percheron), offre assez d’images et d’explications sur le musée-parc inauguré en décembre 2012 pour que j’en vienne directement à ce qui m’a frappée dans la « Grande Galerie » (accès gratuit jusqu’à la fin de cette année) ou « Galerie du Temps », un bel ensemble d’œuvres et d’objets allant de l’antiquité jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Jeune homme coiffé d’une couronne végétale, détail (Le Louvre Lens)Fin sourire de pierre d’un Jeune homme coiffé d’une couronne végétale (Chypre, 5e siècle avant J.-C.) ou masque de comédie sur une lampe à huile ornée d’un masque de théâtre (originaire d’Herculanum mais on pourrait la prendre, hors contexte, pour un objet art nouveau, avec son fin pied de bronze imitant un roseau), la figure humaine abonde dans cette sélection où sculpteurs et peintres, à travers les siècles, parlent des dieux et des hommes, des déesses et des femmes.
Femme vêtue d’une robe-manteau de laine (Le Louvre Lens)(pour la taille de la statuette, voir l'illustration suivante)
Ce sont d’abord, au 3e millénaire avant J.-C., des visages stylisés, par exemple celui d’une Idole féminine nue aux bras croisés, divinité des Cyclades, les yeux en amande, le nez droit, ou celui de cette Femme vêtue d’une robe-manteau de laine, d’Asie centrale (Afghanistan actuel). Un bronze imposant donne à Gudéa, prince de l’Etat de Lagash (Girsu, Mésopotamie, Iraq actuel, vers 2120 avant J.-C.) un visage plus précis, et aussi des mains et des pieds finement sculptés.
Gudéa, prince de l’Etat de Lagash (Le Louvre Lens)Puis la représentation s’assouplit, le mouvement de la vie s’invite sous les doigts du sculpteur, comme dans ce pendentif amulette où un dieu hittite semble bondir, objet d’Anatolie centrale daté de 1400 -1200 avant J.-C. Qui peut se vanter d’avoir tout vu des collections du Louvre ? Mon regard n’avait jamais rencontré ce mini personnage en or, ni cette gracieuse Jeune femme ailée trouvée lors de fouilles à Myrina (Turquie également), du deuxième siècle avant J.-C.
Jeune femme ailée (Le Louvre Lens)Sur un impressionnant sarcophage italien (vers 290-300 après J.-C.), une très belle galerie de personnages représente l’affrontement entre Apollon et le satyre Marsyas. Les scènes, les visages, les corps y sont très vivants, si j’ose dire : à côté d’Athena tenant son bouclier (elle aurait inventé la flûte), le satyre à la double flûte défie Apollon et sa lyre. Son châtiment sera terrible : Marsyas sera écorché vif.
Sarcophage (Le Louvre Lens)La qualité des œuvres est telle, dans cette « Galerie du Temps » dont vous pouvez découvrir les œuvres en ligne, parfois accompagnées d’un commentaire, que la liste serait bien trop longue de toutes celles qui m’ont touchée. Ecoutez, par exemple, ce que dit Jean-Luc Martinez du buste d’Alexandre le Grand, roi de Macédoine, d’après Lysippe, et admirez la physionomie de cet « homme jeune, à la chevelure léonine ».
Fragment d'un monument funéraire, détail (Le Louvre Lens)Ce sont parfois des détails qui restent de la contemplation d’une œuvre d’art : deux petits chiens aux pieds d’une gisante ; des chérubins entourant la figure de Dieu le Père ; une tortue inattendue sur laquelle s’accroupit Vénus et sous laquelle Coysevox a inscrit le nom de Phidias ; les fins cheveux d’un ange sur un dossier de stalle médiévale.
Dossier de stalle du choeur d'une église, détail (Le Louvre Lens)J’ai privilégié la sculpture, je m’en rends compte, aussi je terminerai par deux peintures de la jeunesse et de la vieillesse. Voyez l’irrésistible frimousse de Francis George Hare enfant peint par Joshua Reynolds (1788-4789), et cette ceinture sur la robe de l’enfant qui pourrait inspirer Bergotte dans le genre « petit pan de mur jaune ». Et enfin ces deux têtes rapprochées par Rembrandt dans Saint Matthieu et l’ange (1661), magnifique image de l’écriture inspirée – un vieil apôtre sans auréole, un jeune ange sans ailes – visages nouveaux du dialogue entre l’humain et le divin.