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Lecture - Page 5

  • Salle de lecture

    lisez-vous le belge?,2023,promotion des lettres belges de langue française,poésie,lecture,culture,jean-pierre verheggenIl y a salle et salle, n’est-ce pas ?

    Il y a la salle de bain ou salle d’eau
    qui est le propre de l’homme

    La salle des pas perdus
    où l’on poireaute dans l’attente
    qu’entre en gare un tortillard
    sempiternellement en retard

    La salle du trône qui
    dans le parler populaire
    n’est autre que le w.c.

    La salle de billard ou
    salle d’op’ (c’est kif kif)
    puisqu’on entre dans l’une
    comme dans l’autre
    avec la boule au ventre

    lisez-vous le belge?,2023,promotion des lettres belges de langue française,poésie,lecture,culture,jean-pierre verheggenLa salle d’audience où il vaut
    mieux ne pas devoir se faire
    entendre ni être interpellé

    La salle des fêtes
    où quelques museaux avinés
    dansent sur des airs de bal musette

    La salle des ventes où ça vintage
    ferme pour quelques verroteries

    Puis la salle de lecture où trouver
    Barbara Abel, Adeline Dieudonné, Myriam Leroy,
    Nadine Monfils, Caroline Lamarche, Isabelle Wéry…

    Jean-Pierre Verheggen (1942-2023) in Lisez-vous le belge ?

    Deux illustrateurs de l'édition 2022 : Eléonore Scardoni, A vive allure / Nicolas Mayné, Manneke pendu

    Ici une autre invite : "Continue ce poème en citant des autrices de Belgique francophone.
    Tu peux essayer de trouver des noms qui riment, des autrices connues ou inconnues, qui publient des essais, de la poésie ou des bandes dessinées..."

    Allons-y :

    Verena Hanf, Catherine Demaiffe,
    Liliane Wouters, Marie Gevers,
    Suzanne Lilar, Dominique Rolin, 
    Françoise Mallet-Joris, Colette Nys-Mazure,
    Andrée Sodenkamp, 
    Nathalie Skowronek...

    N'hésitez pas à poursuivre !

  • Lire le belge 2023

    La quatrième édition de « Lisez-vous le belge ? » s’est déroulée en novembre dernier, une campagne de promotion pour mettre à l’honneur « le livre belge francophone à travers une série de contenus et d’événements, en Wallonie, à Bruxelles et en ligne, que ce soit dans les librairies, les bibliothèques, les écoles et d’autres lieux culturels. »

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    Il restait à la bibliothèque Sésame un petit cahier de poésie fort sympathique, dans lequel quatre poètes et quatre poétesses ont écrit un texte poétique, chaque fois accompagné d’une invite à « jouer avec les mots, rêver, cogiter ». En voici un d’Isabelle Bielecki (°1947) qui a inventé un nouveau genre de poème court : « Le stichou est un genre de poésie brève inédit qui se compose de cinq vers. Il crée des liens entre la banalité du quotidien et l’imaginaire de chacun. » Les règles sont expliquées ici.

    A saute-stichou


    Dans les prairies du Laerbeek
    Photographier des iris jaunes
    Et se dire :
    Le soleil s’est amouraché
    D’un marécage

    Se promener dans le bois de Halle
    Parmi les jacinthes et les anémones
    Et se dire :
    Cette nuit le ciel et la lune
    Ont secoué leurs pinceaux

    Donner rendez-vous
    À la bibliothèque
    Et se dire :
    Le livre ? Le seul de mes amours
    Qui ose passer de main en main

    Feuilleter
    Le journal
    Et lui dire :
    Comment redonner vie
    À ton arbre ?

    Écrire
    Liberté dans la buée d’une vitre
    Et se dire :
    Même dans le froid
    Elle marche sur l’eau

    Ouvrir
    Un livre de poésie
    Et lui dire :
    Nous effeuillerons ensemble
    Tes bouquets de mots

    Isabelle Bielecki

    Et puis jouer le jeu :

    Lever les yeux
    Du livre en cours
    Et se dire :
    La musique à la radio
    Déroule un texte sans parole

    Tania

    Et encore : 

    Observer un gros nuage sombre
    Qui vogue vers la montagne
    Et me demander
    S'il deviendra dentelle ou pluie
    Avant de mettre les voiles

    Colo

    Et encore : 

    Feuilleter
    le journal
    Et leur dire à tous ces laids bêtes et méchants
    Essayez la bonté essayez la pensée
    Essayez essayez

    Ariane

    Et encore : 

    Butiner
    de blog en blog
    et me réjouir :
    même en hiver
    les mots fleurissent.

    Anne Le Maître

    Et maintenant, à vous ! Un stichou ?

  • Deux extraits

    « J’avais noté comme une maxime : L’écriture peut naître d’une révolte, devenir un engagement, être une protestation.

    C’est alors que je m’étais dit, n’oublie pas : ou bien on se bat, ou bien on se couche. Comment se bat un écri-vain ? Et une écri-vaine, comment elle se bat, puisqu’on fait la différence ? Ses armes sont-elles différentes de celles d’un écri-vain ? Je veux dire ses livres ? » (pp. 169-170)

    Claudie Hunzinger couverture Grasset.jpeg

    « Le matin, j’ouvrais la porte sur le pré et sur une sorte de bourdonnement mental, non, les abeilles. Une incandescence sonore. Celle du monde. Il était toujours là. Scintillant. Je me disais, personnellement, je ne me sens pas assez déprimée pour manier l’ironie, pas encore assez disjointe de ses débris, même si c’est vraiment classe d’être sans illusions. L’ironie, qu’est-ce que c’est classe. J’aurais aimé être une ironique contestataire. Mais pour moi, il y avait encore un écho, un éclat, un frisson qui se manifestait dans le monde, comme le palimpseste d’un paradis à déchiffrer entre ses débris. Auxquels je tenais, profondément imbriquée.

    A chaque fois, dehors, je n’ai pas honte de trouver, malgré l’évidence, que le monde est une perfection. » (pp. 245-246)

    Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

    * * *

    Au moment de programmer ce billet, j’apprends que Coumarine, dont le blog était en pause depuis un an et demi, a pris son dernier envol ce 7 juin 2023.
    Ces extraits auraient pu plaire, il me semble, à cette passionnée d’écriture qui signait ses livres de son nom, Nicole Versailles. En guise d’hommage.

    Tania

  • Un chien à sa table

    En apprenant le prix Femina attribué à Claudie Hunzinger pour Un chien à ma table, j’ai pensé à Bambois, la vie verte, lu dans les années septante, première lecture « écolo ». Une dizaine de livres ont été publiés depuis lors chez Grasset, parmi lesquels La Survivance (2012) paraît proche de ce roman-ci. Je m’attendais à y trouver une bonne dose de radicalité, mais pas autant de désespoir ou, disons, de divorce avec la société. Comme la perception du monde a changé en un demi-siècle !

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    Hunzinger vue par Françoise Saur (2 juin 2012) © Claudie Hunzinger, Françoise Saur

    Dès le début, chaque mot est posé au plus juste : une femme « assise au seuil de la maison face à la montagne de plus en plus violette », ressent la présence des végétaux, des roches, de l’air annonçant la pluie, tandis qu’une ombre approche au crépuscule. « Il y a un chien, ai-je crié à Grieg qui se trouvait dans son studio situé à côté du mien, à l’étage. Chacun son lit, sa bibliothèque, ses rêves ; chacun son écosystème. Le mien, fenêtres ouvertes sur la prairie. Le sien, rideaux tirés jour et nuit sur cette sorte de réserve, de resserre, de repaire, de boîte crânienne, mais on aurait pu dire aussi de silo à livres qu’était sa chambre. »

    Ils sont deux à se tenir compagnie depuis près de soixante ans, deux à observer le chien haletant et tremblant qui s’est réfugié à ses pieds, roulant sur le dos, le ventre « piqueté de tétons ». Un nom lui vient « en un éclair » : « Yes ». La chienne, une race de berger selon Grieg, a été salement maltraitée. Pas de tatouage, des tiques, un bout de chaîne métallique cassée autour du cou. Elle vide une assiette, une gamelle d’eau, en vitesse, puis file au dehors.

    Claudie Hunzinger décrit peu à peu l’endroit où Grieg et Sophie se sont installées trois ans plus tôt, aux Bois-Bannis : une ancienne bâtisse sur un replat, là où la moraine s’est immobilisée « des millénaires auparavant ». Forêts, lisières, clairières offrent « des réservoirs de baies, de moelles, de sèves et de sucs puissants ». Pour le reste, le supermarché de temps en temps.

    Et les voilà à se raconter les chiens de leur vie, de Perlou, la première, jusqu’à Babou, morte trois ans plus tôt. Grieg avait aimé les chiens « à responsabilité, nobles, dressés à la conduite des troupeaux », devenus ensuite « des amis désœuvrés qui logeaient à la maison ». – « Alors, comme ça, tu aurais voulu un chien à toi, a repris Grieg, un secrétaire pour écrire la biographie de Sophie Huizinga ? »

    Il adore l’appeler « écri-vaine », avec un « tiret subliminal », pour la titiller, ou « ma Biche » dans les bons jours. Son affaire à lui, c’est la lecture – « habitant dans les livres, survivant grâce à la littérature ». Elle, elle écrit, et surtout elle sort : « je voulais le dehors, sans cesse aller dehors, pleuvoir, neiger, pousser, tourbillonner à gauche, à droite. »

    Son sac, sa parka, ses Buffalo aux pieds pour la première fois, elle se rend à Lyon où on l’a invitée à parler de son dernier livre, Les Animaux. Passé, présent, le récit ne s’encombre pas de transitions, le puzzle d’une vie se dessine, de la découverte de la maison et de la prairie en fleurs – « fragment d’holocène négligé par le capitalisme » – au TGV où elle se prépare à parler pour les arbres et pour les bêtes, de son « histoire vue par une femme qui déplace le centre vers les marges et les caches profondes sur le point de s’effondrer elles aussi ».

    Pas d’altérité, pour elle, face au monde animal, une « connexion immédiate et totale » : « née comme ça », Sophie s’est ressentie longtemps « comme une anomalie, pas née dans la bonne espèce ». Consciente, à la fin de la rencontre littéraire, d’avoir brouillé les frontières en portant ces « grolles monstrueuses » (les mêmes que celles de Brigitte Fontaine), elle se sent au début d’un processus de réveil, après quelques mois à traîner, et se réjouit d’explorer encore la montagne, malgré les limites de l’âge. Au retour, Grieg l’attend devant la maison, la petite chienne hirsute à ses pieds : Yes est revenue, joyeuse, joueuse.

    Un chien à ma table est le roman d’un compagnonnage entre elles deux, entre eux trois, sans compter l’ânesse, de jour et de nuit, puisque Grieg qui jusqu’alors dormait dans sa chambre lui a proposé de dormir ensemble. Elle leur a fabriqué en bas un sommier avec des paquets de journaux (Le Monde) empilés entre quatre planches, énorme lit conjugal où Yes, très vite, trouve sa place.

    Leur maison est un abri où affronter le chaos du monde et aussi leur vieillesse. Un centre autour duquel explorer tout ce que vivent la flore et la faune, en ces temps où « la sixième extinction animale de masse est en cours ». Observer la terre et le ciel, épier voire accueillir les rares passants. Un mode de vie ramené à l’essentiel, à l’écart, dans une grande méfiance de la société. Ecrire pour dire ce que signifie « être au monde intensément ». Les livres comptent énormément pour eux deux.

    Nourri de vécu, de lectures, d’immersion dans le monde vivant, Un chien à ma table (titre inspiré par Un ange à ma table de Janet Frame) est un roman déroutant, provocateur, magnifique. La vie s’y réinvente au contact d’une chienne attachante, en liberté.

  • Un bon livre

    cyrille martinez,la bibliothèque noire,roman,littérature française,bibliothèque,livres,lecteurs,lecture,support numérique,avenir,culture« Regagnant mon poste à la banque d’accueil, j’ai retrouvé le Jeune Livre en colère en train de dormir sur la table. A en juger par sa couverture sobre, presque neutre, il avait l’air tout calme, tout gentil. On aurait dit un de ces braves petits livres qui cajolent le lecteur. Rien ne laissait présager que ce mince volume d’apparence anodine était nerveux et angoissé, en proie à des cauchemars qui le rendaient malade. Il me faisait de la peine. Je me suis penchée sur lui, il respirait doucement, j’ai murmuré :
    – C’est moi, la Bibliothécaire rouge. Je voudrais te dire quelque chose. Je trouve que tu es un bon livre. Grâce à toi, j’ai appris des tas de choses. Je parlerai de toi à mes amis. Je leur dirai
    lisez-le, vous ne le regretterez pas. »

    Cyrille Martinez, La Bibliothèque noire