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Culture - Page 301

  • Varda d'Ixelles

    Les plages d’Agnès et un film sur Agnès Varda vu à la télévision m’ont conduite à son exposition en cours au musée d’Ixelles : « Patates et compagnie ». Que cache ce titre saugrenu ? Une installation, Patatutopia : sur la scène au fond de la grande salle, le sol est couvert de pommes de terre sous trois grands écrans où défilent des images de patates qui roulent, qui germent, qui prennent la pose – en particulier celles qui se dédoublent en forme de cœur. La prédilection de l’artiste pour celles-ci se confirme sur des photographies à l’étage. Elle va même jusqu’à se représenter en costume de patate !

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    A 87 ans, la cinéaste est revenue à Bruxelles où elle est née et a passé son enfance pour célébrer sa mère, la terre, la mer et les étangs d’Ixelles. « La terre nous offre des pommes de terre... qui sont devenues thèmes de mon travail, surtout quand elles ont des formes de cœur. Elles ont vieilli, se sont ratatinées et pourtant poussent encore en germes et radicelles. Patatutopia célèbre leur résistance. C’est utopie de penser que, parmi les légumes et les fruits, elles sont modestes et pourtant les plus belles et les plus vivantes du monde. »

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    A l’entrée, trois montages photos en guise d’autoportraits, puis tout de suite un hommage à sa mère dont elle a réuni divers objets, des jouets, des meubles dans une sorte de petit salon de la mémoire, avec un grand paravent couvert de photos personnelles et d’images anciennes. Sous une vitrine, des gants, un collier, des papiers – autel maternel. Le plus drôle, c’est le tricotin retrouvé, ici présenté sous une cloche de verre ; elle l’a fait agrandir en préservant ses formes et ses couleurs en Tricotine de plus de deux mètres (fabriquée par Christophe Vallaux) d’où sort un long rouleau de laine colorée qui serpente.

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    Au milieu de la salle, une installation sous plastique mime en réduction les étangs d’Ixelles et les petits bassins du jardin de son enfance avec feuilles mortes, pont et pigeonnier. D’un côté de la salle, de grandes photographies noir et blanc de personnes qui marchent (Chine, France, Portugal…) ; de l’autre, en couleurs, des piquets sur une plage et la plus surprenante de ses photos : Cinq rêveurs, des hommes nus (elle aime les photographier dans la nature) debout sur ces piquets de plage et contemplant l’horizon.

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    A l’étage, des « photogrammes » tirés d’un extrait de Sans toit ni loi, avec Sandrine Bonnaire, qu’on peut visionner. Sur le palier, je me suis assise pour prendre les écouteurs et regarder Ulysse : la photographie noir et blanc d’un enfant, d’un homme de dos, tous les deux nus, et d’une chèvre morte sur les cailloux au pied d’une falaise à Saint Aubin sur mer (« un sujet en or », dit-elle) lui a inspiré un film qui revient sur cette photo. Elle explique où elle l’a prise, les circonstances, elle interroge l’homme et l’enfant, bien des années après, sur le souvenir qu’ils en ont. (En ligne sur Vimeo.)

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    La voix d’Agnès Varda traverse l’espace (le film sur sa visite dans leur ancienne maison à Ixelles passe sur un écran), et des chants d’oiseaux, de temps à autre. Son univers singulier s’expose ici de manière plutôt anecdotique, c’est celui d’une terrienne attentive à l’histoire et aux choses ordinaires, une femme imaginative qui aime intervenir dans un paysage, dans un décor banal pour y capter ou y faire surgir quelque chose d’inattendu.

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    A l’autre bout du musée, une exposition très différente : « AB.ad. » de Jean-Marie Bytebier. Cet artiste belge (né en 1963) montre ici des peintures à trois composantes : à première vue, des paysages (du ciel bleu au-dessus de la verdure, une ligne d’horizon), mais de plus près, en examinant la surface parfois bordée de bois apparent, on a l’impression d’espaces abstraits inspirés de lieux déserts, inhabités, la nature sans les hommes. J’ai cru apercevoir un profil d’homme dans une toile tournée à 45°.

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    Dans cette peinture contemplative, la lumière joue le premier rôle : celle du soleil – une atmosphère de beau temps – et aussi celle des spots, qui découpent sur l’une ou l’autre œuvre un rectangle fortement éclairé, comme pour appeler à s’en rapprocher, à suivre sur le grain de la toile ce que les pinceaux y ont déposé. L’impression d’ensemble est sereine, mais respire aussi la solitude, le silence, voire l’inquiétude. 

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    Pas de texte dans le catalogue ni sur le site du peintre, mais l’entretien vidéo qu’on peut suivre à l’entrée de « AB.ad. » permet de se familiariser un peu avec lui (les réponses de l’artiste gantois sont sous-titrées en français). Deux phrases notées au vol : « Le paysage offre une voie vers l’abstraction. » « Je recherche des lieux pour les couleurs. »

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    Vous pouvez visiter ces expositions jusqu’au 29 mai au musée d’Ixelles .

  • Plusieurs vies

    Desarthe-mangez-moi points.gif« Comment se fait-il que l’on ait plusieurs vies ? Peut-être ai-je tendance à généraliser. Peut-être suis-je la seule à éprouver ce sentiment. Je ne mourrai qu’une fois et pourtant, au cours du temps qui m’aura été imparti, j’aurai vécu une série d’existences contiguës et distinctes.

    Je n’étais pas la même personne à trente ans. J’étais un être tout à fait particulier à huit ans. Je considère mon adolescence comme autonome en regard de la suite. La femme que je suis aujourd’hui est déracinée, détachée, incompréhensiblement solitaire. Je fus très entourée. Je fus très sociable. Je fus timide. Je fus réservée. Je fus raisonnable. Je fus folle. »

    Agnès Desarthe, Mangez-moi

  • Le resto de Myriam

    Mangez-moi est un titre insolite pour un roman (il me rappelle Regardez-moi d’Anita Brookner, sur ma liste de relecture). Agnès Desarthe y raconte l’histoire d’un restaurant ou plutôt celle de Myriam qui a décidé de l’ouvrir, toute seule, parce qu’elle aime cuisiner pour les autres : « Mon restaurant sera petit et pas cher. Je n’aime pas les chichis. Il s’appellera Chez moi, car j’y dormirai aussi ; je n’ai pas assez d’argent pour payer le bail et un loyer. »

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    © Albert Gleizes (1881-1953)

    Elle n’a prévenu personne de l’ouverture et personne ne pousse la porte le premier jour, mais à l’inauguration, « le vrai premier jour », ses amis « trouvent la nourriture délicieuse », ses parents désapprouvent les chaises « pas assez confortables ». Pour ses deux premières clientes véritables, des lycéennes qui n’ont commandé qu’une entrée vu les prix, elle divise ceux-ci par deux et décide de les considérer désormais comme ses « clientes fétiches ».

    Jour après jour, la restauratrice se montre côté pile (à ses clients) et côté face (aux lecteurs qui découvrent ses obsessions, ses nuits, ses rêves, son passé douloureux), fait le bilan de ses journées et de sa vie – « Il faut croire que j’avais un bon entraînement à survivre. Oui, c’est ça. C’est mon savoir-faire, ou bien c’est un don. »

    Bientôt, en plus des lycéennes, elle reçoit régulièrement Vincent, le fleuriste d’en face, qui vient prendre un café avant d’ouvrir,  et s’intéresse aux trente-trois livres alignés sur une étagère, en face d’une banquette en moleskine. Puis Myriam revoit son frère. On apprend qu’elle a un fils, qu’elle ne l’a plus vu depuis six ans.

    « Pour qu’un plat soit réussi, il faut que le rapport entre le tendre et le croquant, entre l’amer et le doux, entre le sucré et le piquant, entre l’humide et le sec existe et soit soumis à la tension de ces couples adverses. »

    Seule en cuisine et en salle, la cuisinière se fatigue. L’arrivée de Ben, qui se propose comme serveur bénévole (ce sont les lycéennes qui l’envoient), tombe à point : l’étudiant en sciences politiques a plein de bonnes idées pour le restaurant, il comprend ce que Myriam veut faire du Chez moi et l’aide bientôt aussi pour la paperasse. Un stage de marketing, en quelque sorte.

    Mangez-moi, aux mille saveurs de cuisine, conte l’histoire d’un resto de quartier dévolu aussi aux relations humaines – c’est celle d’une femme qui se lance un nouveau défi. Mais il y a tant de portes au rêve et au désir, à plus de quarante ans on peut encore changer de vie ! Si Myriam la solitaire aime à nourrir son prochain, elle a davantage encore à donner – il lui faudrait juste (façon de parler) la bonne rencontre. C’est ce qu’on lui souhaite.

  • Premier mai

    Entre nuages et azur, c’est le bleu qui a gagné hier midi dans le ciel bruxellois, de quoi illuminer ce dimanche premier mai. En sortant, j’avais l’intention d’aller photographier les premières maisons de l’avenue Huart Hamoir pour compléter mes précédents billets ; c’est chose faite pour un côté, j’y retournerai un matin quand le soleil donnera sur l’autre.

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    Avant, les cerisiers en fleurs du square Riga m’avaient déjà fait sortir l’appareil photo de la poche. Premières feuilles, mais c’est encore somptueux, ce rose qui donne du « bonheur en fleur ». Entre les grands ginkgos de la descente vers la gare – vers Train World, à visiter si vous ne l’avez encore fait –, d’autres beaux cerisiers du Japon ornent de rose les façades et les trottoirs.

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    Et si nous tournions dans la rue Jean Jaurès ? J’ignorais l’existence d’une maison médicale du même nom, toute pimpante vue de la rue, avec sa cour plantée d’arbres et ses grands mâts de bois où grimpe déjà du lierre. Son site mentionne le label « Entreprise Ecodynamique » obtenu cette année par cette maison installée dans un « bâtiment exemplaire ». Un endroit à fréquenter un jour, qui sait ?

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    La meilleure surprise de la balade improvisée ce premier mai, c’est d’apprendre de deux personnes qui sortent de Sasasa, à l’angle de la rue Maeterlinck et de l’avenue Huart Hamoir, que c’est un jour « porte ouverte » dans cette maison que j’ai si souvent admirée de l’extérieur. Inutile de préciser que j’en ai aussitôt profité.

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    Le hall d’entrée, avec son double escalier en courbe, je le connaissais par une carte postale du patrimoine schaerbeekois : des proportions parfaites. Une décoration sobre et harmonieuse pour ce centre de Sasasa, « école d’arts savoirs saveurs & sagesse ». Aux murs, les participants à l’atelier photo numérique présentent leurs photos. Il y a du monde au rez-de-chaussée, on peut y prendre un rafraîchissement ou même une collation dans la véranda à l’arrière, près de la cuisine.  

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    Sur le côté, dans l’escalier, à l’étage, des photographies encore. Il y en a qui me plaisent beaucoup, comme ces « ombres et reflets » au-dessus d’un bouquet posé sur le parquet blond. Les thèmes sont très divers : insectes, fleurs près d’éclore, écorces, paysages, portraits, toits… J’admire de belles photos de détails prises au Mont des Arts.

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    Quel plaisir de découvrir le parc Hamoir des fenêtres en bandeau courbe du premier étage ! Cache-radiateurs, portes, chaises en bois, on a opté ici pour la pureté des lignes simples. Et revoici les cerisiers en fleurs, une vue en rose. Une partie de la maison ne se visite pas – « privé ». Un étroit escalier blanc mène à la terrasse dont la pergola épouse l’arrondi, c’est ouvert, allons-y.

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    La petite cuisine attenante est fort sympathique et dehors, c’est un joyeux fouillis de plantes et d’arbustes autour de la grande terrasse donnant sur l’avenue Huart Hamoir. Des bacs en bois entre les doubles colonnes où s’agrippent des grimpantes, des pots de tailles diverses, rien de trop ordonné, libre expression à la fantaisie végétale ! Une table et des chaises rose vif mettent une note de couleur près du mur mitoyen blanchi.

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    La maison, le décor, l’ambiance, tout est harmonie à cette adresse dédiée à la création et au bien-être. « Maison bourgeoise moderniste d'inspiration Paquebot, signée sur le soubassement « (M.) UYTTENHOVEN / ARCHITECTE », 1937 », indique la notice à l’Inventaire du patrimoine architectural. Vous y trouverez la description précise des lieux, notamment de l’entrée que j’ai mieux regardée en sortant, avec ses « murs parementés de marbrite dans les tons noir et bordeaux ».

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    En mai, fais ce qu’il te plaît.