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Peinture - Page 88

  • A Murnau

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    Kandinsky, Lanzenreiter in Landschaft (Lancier dans un paysage), 1908

     

    « En 1908, Münter et Kandinsky reviennent à Munich, après différents voyages et séjours à l’étranger. Ils découvrent la petite ville pittoresque de Murnau, et y passent l’été à peindre. Jawlensky et Werefkin les rejoignent et les quatre artistes oeuvrent de concert, discutant les résultats de leurs travaux. La similarité des problèmes auxquels se confronte leur peinture indique qu’en ces premiers moments du dialogue, Jawlensky est l’élément moteur. Les leçons qu’il a apprises de Matisse et des Fauves ont sur Münter un effet libérateur, mais semblent aussi encourager Kandinsky à émanciper la couleur de la forme et de sa fonction traditionnelle au service de la représentation. Toutes les peintures réalisées à Murnau ont cette touche expressive, qui incorpore de multiples motifs, les fond les uns dans les autres, définit, dans les corrélations d’une surface plane, des relations spatiales. »

     

    Armin Zweite, « Le Cavalier bleu » (catalogue « Van Gogh, Picasso, Kandinsky… Collection Merzbacher », Fondation Pierre Gianadda, Martigny, Suisse, 2012.)

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    Gabriele Münter, Jawlensky et Werefkin, 1908-1909

    P.S. D'autres illustrations sur http://rumeurdespace.wordpress.com/2012/07/28/le-mythe-de-la-couleur/

     

     

  • Couleurs à Martigny

    « Le mythe de la couleur », annonce en sous-titre la Fondation Gianadda pour sa grande exposition d’été, « Van Gogh, Picasso, Kandinsky… Collection Merzbacher », une riche sélection déjà montrée avec succès à Jérusalem, au Japon, à Londres, à Zurich et au Danemark. Werner Merzbacher a souvent prêté des œuvres de sa collection, mais en 2006 à Zurich, il est sorti de l’anonymat, notamment pour exprimer sa reconnaissance envers la Suisse où il a été accueilli, enfant juif allemand, pendant la seconde guerre mondiale – ses parents sont morts à Auschwitz. Il le rappelle dans un petit mot émouvant au début du parcours (il y en aura quelques autres, adressés aux visiteurs, qu’on retrouve en préface du catalogue).

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    André Derain (1880-1954), Bateaux dans le port de Collioure, 1905,
    Huile sur toile, 72 x 91 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    Sa rencontre avec la peinture a débuté par un coup de foudre devant les quelques toiles modernes de premier plan des grands-parents de sa femme, Gabrielle Mayer. Werner Merzbacher les découvre en 1954, notamment, visibles à Martigny, Le Couple de Picasso (période bleue) et Intérieur à Collioure, La sieste de Matisse, accroché non loin d’un Derain de la même eau (Bateaux dans le port de Collioure). Les Merzbacher se tourneront surtout vers les peintres fauves et puis les expressionnistes.

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    Sisley, Saules au bord de l’Orvanne

    L’exposition s’ouvre sur un Sisley d’une fraîcheur incomparable, Saules au bord de l’Orvanne, où les verts et les bleus bruissent dans la lumière. Un Monet le sépare de La Pelouse ensoleillée de Van Gogh : l’herbe y bouge par vagues au jardin public de la place Lamartine. Un enchantement, cette ouverture fin XIXe.

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    Vincent van Gogh (1853-1890), Pelouse ensoleillée. Jardin public de la Place Lamartine, 1888,
    Huile sur toile, 61 x74 cm, Photo : Peter Schälchli

    Les rapports de couleurs étonnent et fascinent depuis toujours. Klaus Stromer rappelle dans le catalogue comment leur perception a suscité maintes théories de l’antiquité jusqu’à nos jours (Penser en couleurs. Théories des couleurs). Werner et Gabrielle Merzbacher ont fondé leur collection sur le dynamisme des couleurs, l’énergie qui s’en dégage. Voici l’harmonie rose et mauve d’un portrait de femme par Toulouse-Lautrec (Sous la verdure), voilà Jeanne Hébuterne, assise que Modigliani a peinte le visage penché – la courbe d’un bras y répond –  sa peau douce et claire si lumineuse sur un fond subtilement partagé entre tons froids et chauds.

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    Amedeo Modigliani (1884-1920), Jeanne Hébuterne, assise, 1918,
    Huile sur toile, 92 x 60 cm, Photo : Peter Schälchli

    Quelques sculptures ponctuent le parcours, dont Femme assise de Kirchner, en bois. Ce dernier est très présent avec des toiles où tons et formes déconcertent au premier regard, comme dans Fillette et chat, Franzi, aux ombres et contours bleus, une scène où le rouge et l’orange dominent.

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    Kirchner, Femme assise

    Autre figure majeure, le Kandinsky encore figuratif, de 1908 à 1911, juste avant le passage à l’abstraction, est magnifiquement représenté par plusieurs paysages de Murnau aux couleurs intenses. Vlaminck, Derain, Jawlensky précèdent des expressionnistes allemands, dont Beckmann. Un festival de couleurs fortes, audacieuses et passionnées !

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    Vlaminck, Derain (vue d’ensemble)

    En descendant vers la suite de l’exposition au sous-sol, il ne faut pas manquer, dans la galerie qui mène vers la salle permanente de la collection Franck, de belles aquarelles et gouaches d’Emil Nolde, un Ciel du soir flamboyant, des Tournesols, un Jardin de fleurs avec femme en robe violette (à l’huile). En face, une Maison jaune de Paul Klee, mystérieuse et gaie, lui oppose une composition plus graphique.

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    Emil Nolde (1867-1956), Blumengarten - Frau mit rotviolettem Kleid, 1908,
    Huile sur toile, 56 x 84 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    Puis on découvre Le juif à la Thora de Chagall : ses mains et son visage sont verts, son âge, jaune ; rouge, le Livre qu’il serre contre lui ; une pendule vole sous la lune, un village dort dans la neige. Plusieurs Kupka, quelques toiles futuristes. Au sol, une machine de Tinguely (Meta-Herbin Taxi) qu’on aimerait voir en mouvement fait de l’œil aux mobiles de Calder – pour ceux-ci, miracle, un léger souffle suffit à les animer (j’aime les encourager de la sorte, même sous les yeux attentifs d’un gardien – pas de remarque).

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    Gabriele Münter (1877-1962), Sonnenuntergang über dem Staffelsee, vers 1910-1911,
    Huile sur carton, 33 x 41 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    Les femmes peintres ne manquent pas dans cette collection dédiée à la couleur : plusieurs Sonia Delaunay-Terk, Gabriele Münter avec un superbe coucher de soleil, Sophie Taeuber-Arp, Natalia Goncharova et quelques constructivistes russes. De Bridget Riley, Harmony in rose (1997) est l’œuvre la plus récente de cet accrochage.

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    Sam Francis (1923-1994), Untitled, 1958, Collage sur papier,
    75.5 x 56 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    J’aimerais encore vous parler des champs colorés de Sam Francis, mais vous en savez assez, j’espère, pour ne pas manquer cette étape à Martigny. « Puisse cette exposition éveiller en vous des émotions positives, dans un monde difficile et si souvent triste. Je serais heureux qu’elle vous aide à échapper, ne serait-ce qu’un instant, à la grise réalité, à éprouver la joie de vivre et à comprendre tout ce que l’art peut apporter de positif. » (Werner Merzbacher)

  • Civilisation

    William Morris Médaillon Red House.jpg« Je pensais que civilisation signifiait conquête de la paix, de l’ordre et de la liberté, bonne entente entre les hommes, amour de la vérité et haine de l’injustice, en résumé une bonne vie nourrie de ces valeurs, libérée de la lâcheté et de la peur, mais riche en événements. Voilà comment je définis la civilisation, et non par l’accumulation de sièges rembourrés et de coussins, de tapis et de gaz de ville, de viandes délicates et de boissons fines et, enfin, par des différences toujours plus aiguës entre les classes. »

     

    William Morris, « The Beauty of Life » (L’âge de l’ersatz)

     

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    Edsme Prélude.jpg

     

    Bonne nouvelle !

    L’exposition « (Extraits) Abstraits » de Gérard Edsme à la DCA Gallery est prolongée jusqu’au 30 juin.

    A voir ou à revoir, avec quelques nouvelles peintures.

     

    Ill. "Prélude" © Gérard Edsme

     

     

     

     

     

     

  • Contre l'ersatz

    Dans L’art et l’artisanat, que je vous ai présenté l’an dernier, William Morris (1834-1896) explique son engagement artistique. Dans L’âge de l’ersatz et autres textes contre la civilisation moderne, un choix de textes traduits et présentés par Olivier Barancy aux Editions de l’Encyclopédie des nuisances (Paris, 1996), il parle des liens nécessaires entre l’art et le travail. Pour Morris, « l’art est l’expression de la joie que l’homme tire de son travail ».

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    Autoportrait de William Morris, 1856, Victoria and Albert Museum.

    Morris était à l’occasion orateur en plein air (ce qui était alors interdit) et passait pour un agitateur, il a été arrêté à plusieurs reprises lors de manifestations. Le socialiste anglais a donné environ deux cents conférences dans tout le pays, dont quarante ont été publiées de son vivant. C’est davantage un tribun qu’un théoricien. Influencé par Ruskin, il estimait que l’aventure esthétique ne peut être séparée de l’engagement social.  

    L’auteur rejette l’architecture victorienne et la confusion entre civilisation et commodités bourgeoises accumulées sur le dos des travailleurs. Aussi considère-t-il l’époque moderne comme « le siècle des nuisances ». Le traducteur a traduit « makeshift » (pis-aller, expédient, substitut, succédané) par « ersatz » (un anachronisme puisque le mot ne s’est imposé en français et en anglais qu’avec la Première Guerre mondiale) parce que ce mot « possède en français une force critique qui correspond parfaitement au propos de Morris ». Il termine son avant-propos par cette citation de l’auteur : « Sans parler du désir de produire de belles choses, la passion dominante de ma vie a toujours été la haine de la civilisation moderne. »

    morris,l'âge de l'ersatz et autres textes contre la civilisation modern,essai,conférences,art,travail,architecture,ornementation,civilisation,barbarie,cultureLe recueil s’ouvre sur le manifeste de la Société pour la Protection des Monuments Anciens, créée à son initiative et toujours vivante aujourd’hui. Morris y rappelle comment on réparait autrefois les édifices sans craindre d’en modifier le style, ce qui menait à une diversité de styles intéressante, chaque époque y laissant son empreinte. Il ne supporte pas la « restauration » contemporaine qui détruit pour ajouter et aboutit à une mystification – résultat de l’affligeante absence de style propre au XIXe siècle. L’objectif de cette Société est donc de protéger les bâtiments anciens sans les restaurer ni les abandonner, mais en les réparant simplement, dans une « sollicitude constante ».

    « Architecture et histoire » revient sur ce rejet d’une « version académique de l’original ». La patine des ans et du climat ne doit pas être effacée. Morris insiste sur la dimension collective de tout ouvrage architectural. La qualité d’un tel travail de coopération est déterminée par les conditions sociales. Au Moyen Age, les guildes protégeaient les artisans. Ceux-ci vendaient leurs produits localement, il existait même des lois contre les spéculateurs et les accapareurs, pour favoriser un rapport direct entre fabricant et utilisateur. A partir du XVIe siècle, la recherche croissante du profit va transformer les conditions de travail, on va fabriquer des biens pour la vente et non plus pour l’usage, et finalement, au XIXe, l’ouvrier d’abord « abaissé au rang de machine » en devient quasi l’esclave, dans une nouvelle « barbarie ».

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    Rear of Red House, Bexleyheath © David Kemp for Geograph Britain and Ireland

    Le but du socialisme pour Morris est de rendre les hommes heureux : « une vie pleine, libre, et la conscience de cette vie ». Dans « La Société de l’avenir », il explique sa vision d’une société sans luxe : on y mène une vie simple et naturelle ; on y enseigne, en plus de la lecture et de l’écriture, les arts manuels élémentaires – une société sans riche ni pauvre.

    Mais rien de frivole dans la décoration des objets utilitaires : il s’agit d’embellir et aussi de rendre le travail agréable. Une habitation est belle si elle est bien construite et adaptée aux besoins des hommes. Peinture et sculpture sont liées à l’architecture, mère de tous les arts et qui les contient tous. Morris s’insurge contre les maisons « utilitaires » bâties durant son siècle, et contre la fausse ornementation commerciale. Lutter pour débarrasser l’art de l’ersatz est pour lui une priorité. Il faut retrouver la tradition coopérative pour redevenir de bons ouvriers et artisans (« Les arts appliqués aujourd’hui », 1889).

     

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    Une vue intérieure de Red House, la maison de William Morris


    Un an plus tard, William Morris dresse le bilan de sept années de socialisme (« Seven years Ago and Now »). Pas encore de bénéfices concrets, mais les principes socialistes sont devenus des lieux communs. Le mouvement a connu des réussites et commis des erreurs, mais son point de vue sur la civilisation est mieux partagé. Morris ne croit pas ni au réformisme ni à l’émeute. Pour lui, il est essentiel d’abord de « former des socialistes », une prise de conscience massive est une nécessité préalable à l’action et au changement. (« Où en sommes-nous ? »)


    Le texte éponyme de ce recueil date de 1894 : « l’âge de l’ersatz », voilà comment il qualifie son époque, frustré devant « l’omniprésence des ersatz » que les gens achètent à la place de produits dont ils connaissent l’existence mais qui leur sont inaccessibles, comme le pain crayeux faute de bonne farine, la margarine au lieu du beurre, des vêtements hideux et des chaussures qui déforment pieds et jambes. Morris considère les voyages comme un ersatz de divertissement – « En toute sincérité, ce qui m’agrée le plus est un moment de calme, sans préoccupation immédiate, après lequel je me remets au travail l’esprit libre. »

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    Photo de William Morris sur Wikimedia Commons

    Maisons modernes mal agencées, villes indignes de ce nom, banalisation du paysage rural, son réquisitoire contre l’époque est impitoyable. Pour mettre fin à cette dérive, et à ce poison de la civilisation qu’est la pauvreté, le socialiste anglais prône la nécessité de « la meilleure éducation possible », quel qu’en soit le prix, la fin du gaspillage, la reconnaissance de tous comme des citoyens à part entière.

    Quelques annexes intéressantes témoignent du combat social de Morris. Il réagit par lettre aux articles parus dans différents journaux pour sauver une église abbatiale de la restauration (un mois avant de fonder la Société protectrice citée plus haut), signe une pétition contre le tunnel sous la Manche, dénonce la pollution d’un fossé, réclame la protection d’Oxford contre la destruction. Il défend la forêt de charmes d’Epping et même la cathédrale de Rouen contre les « dommages sérieux et durables » d’une restauration excessive. L’âge de l’ersatz ou les colères d’un homme engagé.

  • Fontaine d'amour

    « Ce tryptique évoque la légende de la Fontaine d’Amour. Placé judicieusement sur le manteau d’une cheminée, ce tableau devenait visible lors de l’ouvertures des portes de la salle dévolue aux mariages*. (…) »

    Fabien de Roose, Bruxelles vue par les peintres  (* A l’Hôtel communal de Schaerbeek – Fontaine du parc Josaphat, une des sources du Roodebeek)

     

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    Herman Richir, La fontaine d’amour (photo Simonis 2 sur Flickr)

     

    « Aujourd’hui, la croyance existe encore que deux amants qui ont bu de cette eau ensemble dans le même verre se verront unis avant la fin de l’année. »

    Emile Vanden Putte, échevin, lors de l’inauguration du parc (cité par F. de Roose)