Roubaix a inauguré en 2001 son Musée d’Art et d’industrie André Diligent plus connu sous le nom de La Piscine (à une heure trente de Bruxelles en voiture, n’hésitez pas à vous y rendre en train, ce n’est pas loin de la gare). Après une matinée à l’exposition Chagall, une après-midi ne m’a pas suffi pour découvrir toutes les facettes de ce musée hors du commun, aux collections hétéroclites. Je serais heureuse d’y retourner à la belle saison et de me promener aussi à l’étage et au jardin.
La Piscine de Roubaix (Photo Camster 2 - Wikimedia Commons)
Pour l’histoire des lieux, je vous renvoie au site de La Piscine, « sanctuaire de l’hygiénisme » inauguré en 1932 « en réponse à la misère des populations ouvrières » et fermé en 1985 à cause de la fragilité de sa voûte. (L’histoire se répète au Havre, où les Bains des Docks de Jean Nouvel viennent de fermer – quatre ans après leur ouverture !) Musée industriel de Roubaix, collections et legs divers ont trouvé de nouveaux espaces dans l’ancienne piscine et les nouveaux bâtiments qui l’entourent, où se côtoient beaux-arts et arts décoratifs, mode et design.
Vase de Beauvais (Horace Bieuville) et détail du socle
Le plus spectaculaire et le plus connu, c’est bien sûr le grand bassin, avec ses deux verrières solaires en demi-cercle, le levant et le couchant : près de la lame d’eau, fascinant piège à reflets, des écoliers s’étaient installés çà et là pour dessiner l’une ou l’autre des sculptures qui la longent. Des œuvres des XIXe et XXe siècles composent un ensemble décoratif qui s’insère parfaitement dans cette architecture art déco, avec en point de mire un extraordinaire Portique en grès cérame de Sèvres, blanc, turquoise et brun, conçu par Alexandre Sandier pour la bibliothèque du pavillon français à l’Exposition Internationale de Gand en 1913. D’énormes vases terminent les rangées de sculptures, certains posés non sur les sobres cubes de bois du nouveau musée mais sur de très beaux socles en céramique (détail ci-dessus).
Alfred Boucher, Amour maternel (détail)
Les sculptures les plus intéressantes sont à découvrir dans l’aile consacrée aux beaux-arts, mais chez les petits maîtres, il y a déjà de jolies choses à regarder – baigneuses, plongeuses, athlètes, travailleurs, musiciens, Pierrot... Et puis, le décor même de la piscine vaut le coup d’oeil, les volutes bleues qui la bordent, les cabines de douches en briques émaillées qui séparent cet espace central des galeries parallèles dévolues aux arts décoratifs. Sur le mur des douches, des citations sur l’art.
Steinlen, Chat sur un fauteuil
Du côté des « arts appliqués », à peine regardés faute de temps – des tables couvertes de vases, un ensemble de céramiques signées Picasso –, des peintures d’intérêt inégal ont été accrochées dans le passage emprunté par les visiteurs. L’une ou l’autre ne manque pas de charme, et je les ai retrouvées sur un blog d'artiste (Franck Guidolin) : une Fenêtre sur Honfleur de Cavaillès, un Intérieur de Bessie Davidson, une Nature morte à la nappe blanche de Georges Arditi, un bouquet d’œillets de Raymond Woog et enfin, inattendu, le magnifique Chat sur un fauteuil de Steinlen qui vous regarde de ses yeux mi-clos (dépôt du musée d’Orsay).
Laumonnerie, Souvenir d'automne (1900)
Constant Roux, L’eau (au centre)
Souvenir d’automne (Paris, 1900), un grand vitrail art nouveau de Théophile Laumonnerie, comporte dans sa bordure inférieure quatre vers de Jeanne Furrer : « Dans l’allée solitaire jonchée de feuilles mortes / Qu’en calme tourbillon le triste vent emporte / L’atmosphère d’Automne qui grise et qu’on oublie / T’imprègne toute entière de sa mélancolie. » Juste à côté, un grand triptyque mural en grès émaillé blanc et vert pâle plein de charme : trois enfants nus près d’une cascade (L’eau de Constant Roux), entourés de deux naïades dans un décor végétal.
Pompon, Panthère (Sculpture animalière du XXe siècle)
Mais voilà, au bout de cette allée, un Chien rongeant un os de Camille Claudel dans une vitrine, près d’autres sculptures animalières du XIXe siècle. Un énorme groupe en bronze de Théodore Rivière, Attila et la horde des Huns, semblait comme une transition vers l’exposition consacrée à Robert Werhlin, artiste engagé contre Hitler (Le mauvais peintre) et le nazisme – une réponse aux critiques concernant Bouchard ? Si vous aimez les sculptures d’animaux, ne manquez pas celles du XXe siècle, à la fin du parcours au rez-de-chaussée, près de la boutique, vous y verrez quelques chefs-d’œuvre de François Pompon : grand cerf, ours, panthère...
Jean-Joseph Weerts, Rêverie ou Tout est rompu (1908)
Les salles « Beaux-Arts », autour du jardin botanique, réunissent des œuvres très diverses, dans tous les genres. Sur la plage de Martha Walter (prêt du Centre Pompidou), près d’autres jolies scènes de plein air, précède une série de portraits signés Jean-Joseph Weerts, « l’enfant du pays », comme Rêverie ou Tout est rompu (1905) : les cadres d’époque sont intéressants à observer ; conçus pour créer une perspective, ils sont parfois de petits temples élevés à la peinture. Weerts, célèbre pour ses portraits mondains et ses décors publics, élève de Cabanel, a donné son fonds d’atelier à la ville de Roubaix. Le portrait de l’architecte Ferdinand Dutert a beaucoup de présence.
Camille Claudel, La petite châtelaine (1896)
Parmi les sculptures de Camille Claudel exposées ici, deux chefs-d’œuvre : La petite châtelaine, qu’on a entourée de tableaux évoquant l’enfance (dont un ensemble de quatre frimousses dues au Belge Frans Depooter) et le fameux Buste de Rodin, emprisonné lui aussi dans un cube de verre et placé contre un mur, ce qui ne permet malheureusement pas de tourner autour. De Rodin, un beau buste en bronze de Dalou, hommage d’un sculpteur à un ami sculpteur.
Dioniso Baixeras-Verdaguer, Jeune pêcheur dans un port
Montezin, Les marais de la Somme (vers 1924)
Le site du Musée vous offre un aperçu illustré des collections, je terminerai en vous signalant quelques coups de cœur côté peinture dans la première moitié du XXe siècle : le Jeune pêcheur dans un port de Dioniso Baixeras-Verdaguer, un artiste catalan ; La cigarette, une élégante en robe rayée jaune et bleue de Henri Lebasque ; La Pergola en été d’Henri Martin, une couseuse ; Les Marais de la Somme de Pierre Montezin. Et surtout ce Foujita de la plus belle eau : Au café, à ne pas manquer, « la Joconde de La Piscine » selon les amis du musée, dont je suivrai désormais Le Fil de l'eau.
Commentaires
Passionnant et impressionnant.
L'architecture art nouveau qui offre un si beau cadre à l'art de même époque ! Génial. Merci pour cette balade dans un musée dont j'ignorais complètement l'existence.
Je suis juste en train de travailler sur Van de Velde. Avec cette visite guidée, je reste dans l'ambiance ! ;)
Merci, Euterpe. Avec Henry Van de Velde, tu es bien entre art nouveau et art déco, en effet - connais-tu son magnifique bureau tout en courbes ? La Piscine est un musée à découvrir un jour. Pour les collections, ne t'attends pas à beaucoup d'art nouveau, c'est très diversifié.
Un cadre magnifique dont vous nous faites découvrir les richesses très diverses et l'envie d'y aller.
Le vitrail de T Laumonnerie suscite particulièrement mon intérêt.
Et puis cette femme songeuse au café, quelle composition !
Merci pour le voyage et la visite. À retenir.
Il faudra vraiment que je programme un voyage dans le nord, ce lieu a l'air superbe. Maintenant qu'il y a le Louvre-Lens, il y a de quoi organiser tout un périple.
Merci pour cette visite! je comprends si bien maintenant l'emballement de ma soeur pour cet endroit!
Ce jeune pêcheur catalan est superbe, je ne connaissais pas ce peintre, et puis le Foujita, oh, une merveille!
Belle journée Tania!
@ Christw : Vaut le voyage, comme on dit.
@ Aifelle : Le Louvre-Lens est aussi dans mes projets, de quoi me consoler de mon escapade parisienne manquée aujourd'hui à cause d'un virus (à cette heure-ci, mes amis sont au Grand Palais...)
@ Colo : J'y retournerai certainement, et peut-être un jour avec toi ? Ravie que tu partages ces coups de coeur.
j'ai eu le plaisir de visiter la ville et la piscine au début de mois de septembre, ce fut un réel plaisir - tu as raison de vouloir y retourner un jour de beau temps, le jardin est un lieu délicieux
J'en ai eu l'impression, tu le confirmes. En avais-tu parlé ? (Pas trouvé dans tes mots clés.)
non je n'avais pas parlé de cette belle journée sur mon blog ;)
si mes souvenirs sont bons, je n'avais pas encore de blog
un post qui donne envie d'y aller !
Merci pour le partage !
J'ai très envie de découvrir ce site, c'est admirable.
@ Niki : Je me souviens d'avoir lu un billet sur La Piscine dans la blogosphère, mais je ne sais plus chez qui.
@ Un autre endroit : Tant mieux, merci.
@ Pâques : Un lieu très particulier où chacun trouvera son bonheur, il me semble. Bonne journée, Marcelle.
Je m'exclame: quel bel endroit! Totalement inconnu pour moi mais que je ne manquerais pas de visiter dès que j'en ai l'occasion. Magnifique, vraiment! J'aime bien aussi les musées éclectiques, pas trop grands,où l'on flâne entre plusieurs mondes.
L'autre jour, je suis allé visiter le musée Paul Klee à Berne. Une vraie découverte pour moi.
La Piscine devrait donc te plaire. Damien, tu me rappelles une belle visite à Berne pour Klee, mais c'était avant l'ouverture de ce nouveau Centre Paul Klee que je découvre en photo sur la Toile.
cette Piscine est un des lieux où il faut absolument que j'aille!
voilà ce que je me dis depuis trop longtemps déjà ;-)
Nous y pensons, une occasion se présente ou nous la créons, et l'attente nous rend d'autant plus disponibles, curieux, sensibles, tu ne crois pas ?
Les musées ont l'avantage sur les expositions de ne pas imposer un calendrier, à nous de ne pas le laisser tourner en inconvénient.
Un ours, une panthère, un chat et pas le moindre poisson?
- La bacchante, quel intérêt présente ton commentaire?
Comme des poissons dans l'art.
Décidement l'art se décentralise en France ! je ne connais ni la ville ni le musée
Par contre que j'aimerai beaucoup aller voir le musée de Lens qui est parait il tout à fait extraordinaire
Les nordistes n'ont pas trop de soleil mais ont parfois de belles compensations
Comme je pensais me rendre ce printemps dans la région pour le nouveau Musée Louvre-Lens, peut-être pourrais-je en profiter pour visiter ce musée à Roubaix? Bon week-end Tania.
@ Dominique : Heureuse de te faire découvrir ce musée ; avec l'expo Chagall le matin et les collections l'après-midi, nous n'avons pas eu le temps de visiter la ville, ce sera pour une autre fois.
@ Un petit Belge : C'est dans la même région, mais sur une seule journée, cela me semble beaucoup - tout dépend du rythme de la visite. Bon week-end à toi.
Oui le bureau de Henry van de Velde qui est à Weimar, je pense que c'est de celui-là que tu parles. Il y a aussi l'école d'art de Weimar avec son escalier en spirale ovale...entre art nouveau et art déco, en effet. J'aime beaucoup.
Je pensais au bureau qui se trouve exposé au musée d'Orsay (lien ci-joint), quant à l'escalier dont tu parles, je ne le connais pas. Bonne après-midi.
http://www.insecula.com/oeuvre/photo_ME0000053989.html
Bon alors, il faut que tu voies ce bureau : http://www.nordbayern.de/freizeit/schoner-wohnen-zu-urgrossvaters-zeiten-1.2553400
et voilà l'escalier : http://kbvollmarblog.files.wordpress.com/2012/01/bauhaus_uni_weimar.jpg
car, on le sait peu, mais van de Velde a aussi vécu à Weimar ! :)
C'est bien le même bureau, l'un ou l'autre me conviendrait ;-) Quant à l'escalier, quelle photo impressionnante ! Merci, Euterpe.
Sur Wikipedia, j'ai vu aussi une photo de la façade des Archives Nietzsche à Weimar. d'une élégante simplicité.