Je ne pourrai pas assister au vernissage de votre exposition, étant encore très pris à Madrid depuis la fin de l’exposition Marc Chagall au musée Thyssen. Le gardien de nuit, un jeune stagiaire, a mal fermé la porte du local à poubelles et les « pensionnaires » de l’exposition en ont profité, comme souvent, pour s’enfuir. J’avais bien une équipe de récupérateurs mise à ma disposition par la fourrière municipale, mais pour deux semaines seulement. Je suis désormais seul pour trouver et ramener les derniers personnages du « Cirque », que j’avais prêtés jusqu’en été et qui se sont, vous pensez bien, rapidement égaillés dans les rues, si joyeuses en cette saison. À l’heure où je vous écris, il manque encore à l’appel deux clowns, un jongleur et une écuyère rousse, jeune femme très indépendante, nièce du grand Bouglione, qui, on s’en doute, bénéficie dans sa cavale de l’aide de tous les Gitans de la capitale. (...)
. Collection particulière © Adagp, Paris 2012
Peu de gens savent les problèmes que les responsables des musées connaissent chaque matin, replaçant dans leurs encadrements les héros des oeuvres exposées, qui en descendent dès l’extinction des feux, soi-disant pour se dégourdir les jambes, ça dégénère vite en bamboula. J’ai même lu un rapport du conservateur du Louvre qui, en 1955, a dû déplorer des scènes que je n’ose décrire ici, où figurèrent les vedettes des principales cimaises rejoignant les odalisques au « Bain Turc », les Horaces et les Curiaces n’étant pas les moins actifs.
Je vous sais gré, Monsieur le Directeur, d’organiser cette étonnante exposition, L’Épaisseur des rêves, d’autant plus qu’aujourd’hui nombre de conservateurs se limitent à exposer des abstraits ou des constructivistes, à la rigueur quelques cubistes, les cubes, au matin, c’est facile à ranger. Je serai avec vous en pensée chaque jour, aux heures précédant l’ouverture de votre bel établissement.
Bon courage.
David McNeil (fils de Marc Chagall)
(Lettre ouverte à Monsieur le Directeur de « La Piscine » à Roubaix in
Catalogue Marc Chagall, L'épaisseur des rêves, Roubaix, 2012.)
Commentaires
Ah,ah, on devrait tous écrire ce genre de lettre à tous les musées de France et de Navarre!
Envoyez donc des lettres avec un carton d'invitation péteur, des confettis, des lettres d'insultes à la manière d'un Bernard Réquichot.
Doit-on vouloir être encore exposé dans un musée?
Sans esprit polémique, ce constat : une extension de "La Piscine" n'aurait pas laissé Chagall indifférent :
http://blogyadvashemfr.blogspot.be/2008/06/p-51-une-extension-de-muse-pour-un.html
Humour et imagination, merveilleuse lettre!
@ Jean Marie Staive : Envoyez, envoyons. Des confettis ? Les badges autocollants des visiteurs collés sur tout ce qui entoure l'entrée du musée, colonnes, réverbères, bancs publics... Une photo : http://www.christinereviens.com/wp-content/gallery/la-piscine-roubaix-novembre-2009/piscinedsc_7856.jpg
@ JEA : Je l'ignorais, merci pour le lien. A suivre.
@ Colo : N'est-ce pas ? (Ma photo est un peu sombre, voyons si j'arrive à l'améliorer.) Bonne journée, Colo.
Il est vrai que passer son temps sur une toile ou dans un cadre ne doit pas être follichon, c'est pourtant ce que nos proches feront de nous un jour... à moins que l'un d'eux ne sache nous encadrer ;-)
Trop sympa cette petite lettre !!
Excellent la photo des badges!
Les enveloppes peintes n'ont pas besoin de cadre. Un timbre et vogue la galère!
Ah! Il a bien la même fantaisie que son père ! Je marche à fond, bien sûr.
@ MH : La tendance est à décadrer, non ? Bonne journée, MH.
@ Jean Marie Staive : Enveloppe timbrée bien arrivée, merci !
@ Ariane : Des échappées aussi dans le jardin de Monet, c'est sûr.