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Rêves de Chagall

Nous étions nombreux la semaine dernière à visiter Marc Chagall, L’épaisseur des rêves à La Piscine de Roubaix, avant que l’exposition ferme ses portes ce dimanche 13 janvier. (Une autre est prévue au musée du Luxembourg à Paris bientôt.) Un parcours quasi totalement inédit pour moi qui n’en suis pas à ma première visite pourtant à ce peintre de personnages en flottaison dans un univers coloré à nul autre pareil : la plupart des œuvres exposées appartiennent à des collections particulières, notamment un bel ensemble de sculptures et de créations pour la scène rarement montrées.

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Double portrait au verre de vin, 1917 – 1918,  Paris, 
Musée national d’art moderne - Centre Pompidou.
(don de l’artiste, 1949) 
© Adagp, Paris 2012

On y est accueilli par le Double portrait au verre de vin du Centre Pompidou, d’emblée ce sont les thèmes chers au peintre de Vitebsk arrivé à Paris en 1910 : les amoureux (Bella et lui), les paysages de sa vie (sa ville natale à l’arrière-plan), la fantaisie dans l’espace (lui juché sur les épaules de sa femme et, touche finale, un ange en mauve qui les bénit du ciel). 

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Costumes pour un joueur de bandera, pour un coq, pour une chauve-souris 
(Aleko, scène IV), 1942. Collection particulière. 

De la première salle, on aperçoit de loin sur une estrade de nombreux costumes de scène. Après des esquisses pour La chute de l’ange, où perce l’angoisse des années trente, des maquettes à l’aquarelle et aux crayons de couleur pour le ballet « Aleko » (période où l’artiste a trouvé refuge aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale) entourent ces tenues lumineuses, une vingtaine, que j’ai regardées avec ravissement : robe de soie blanche aux oiseaux d’une dame de société, costumes de gitane, de joueur de bandera, ou encore de coq, de chauve-souris. L’imagination, la gaieté, la liberté du peintre sont là. 

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 Maquette pour le rideau de scène de « L’Oiseau de feu » d’Igor Stravinski : la forêt enchantée (détail),
1945, Collection particulière. © Adagp, Paris 2012

Après la mort de Bella en 1944, Marc Chagall continue à travailler pour la scène, cette fois pour L’oiseau de feu de Stravinski – superbe Forêt enchantée, une des trois maquettes pour le rideau. J’aurais voulu vous montrer Dédié à Bella ou L’attente sous le bouquet, mais le verre protecteur et l’éclairage ne me lont pas permis. Un homme y est assis sous un arbre devenu bouquet. Tout est grâce et sensibilité dans cette aquarelle de 1938. 

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Autoportrait à la pendule, 1947,
Collection particulière. © Adagp, Paris 2012

Deux belles toiles m’ont retenue, Autoportrait à la pendule et, sur le mur opposé, Entre chien et loup. Sur l’une et l’autre, le peintre au visage bleu se représente avec sa palette : dans le premier autoportrait, il peint au chevalet un homme les bras en croix embrassé par une mariée ; dans le second, un étonnant couple en bleu blanc rouge devant Vitebsk enneigé où un réverbère se met en marche – le sujet de la toile sur le chevalet est caché. Toujours, chez Chagall, la vie et le mouvement. 

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Entre chien et loup, 1938-43,
Collection particulière © Adagp, Paris 2012

« L’épaisseur des rêves », le titre de l’exposition de Roubaix, évoque le Chagall qui fut aussi céramiste et sculpteur, un aspect méconnu de son œuvre. Revenons sur « Aleko », créé à Mexico en 1942 : « Ce séjour mexicain (…) est sans doute important dans le passage de la surface de la toile ou du papier à la troisième dimension de la sculpture. La référence à Gauguin et la découverte de la céramique plastique précolombienne semblent s’associer dans l’esprit du travail de la terre que Chagall entreprend à Vallauris dès son retour en France. » (Dossier de presse) On montre deux poupées Kachina des Indiens Hopi dont l’une a clairement inspiré un costume de monstre vert à rayures noires pour L’oiseau de feu

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Deux têtes à la main, 1964,
Collection particulière. © Adagp, Paris 2012
  

Il y aurait deux cents vases originaux de Chagall, beaucoup sont montrés ici – vous en avez peut-être vu quelques-uns à Martigny en 2007. Des formes irrégulières, des figures sur fond blanc, en dialogue avec sa peinture. Jamais je n’avais vu autant de sculptures de Chagall (marbres, pierres, rares bronzes) où l’on retrouve sa fantasmagorie, souvent en bas-relief : amoureux, visages (Deux têtes à la main), nus, oiseaux, ânes, chèvres, poissons, lune, mais aussi Christ en pierre de Rognes et autres figures bibliques. Sur un autoportrait en médaillon, un petit corps de femme surmonte le profil de Chagall. Ces œuvres « donnent envie d’être touchées, d’être caressées », comme l’écrit Itzhak Goldberg (La tentation de la 3e dimension). 

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L’Envolée de la mariée à la dentelle, 1970, 
Collection particulière.© Adagp, Paris 2012 

A la fin de l’exposition, après une série de paysages parisiens aux couleurs fortes et des esquisses pour le merveilleux plafond de l’Opéra de Paris, on découvre d’étonnants et délicats collages des années 60-70 qui révèlent une autre facette de son art. Papiers et tissus imprimés, bouts de dentelle, végétaux même s’intègrent dans ces œuvres de petit format à la gouache ou à l’encre de Chine. Au bout de ce parcours riche de quelque deux cents œuvres, autant de fenêtres sur les rêves de Chagall, les dernières salles s’intitulent : « Au-delà de la couleur ».

Commentaires

  • Merci Tania pour ce merveilleux parcours... je n'ai pas eu l'occasion d'y aller et tu me sauves ! Chagall est éternel et nous regardons longtemps ses peintures. Merci aussi de nous parler des domaines moins connus de sa production.

  • Avec plaisir, MH, le tien et le mien : j'adore revisiter avec les mots. L'expo Chagall est en partance pour Dallas. J'en suis sortie en m'interrogeant sur la richesse des collections particulières : que d'oeuvres du XXe siècle ne nous sont pas encore connues !

  • Merci de nous guider à travers ces œuvres de Chagall.
    L'été passé, au chateau de Waroux près de Liège,
    http://www.chateaudewaroux.be/website/
    j'ai l'intense souvenir de la projection en boucle d'une interview filmée du peintre (sincère, rieur, malicieux) dans la chapelle fraîche, nue et défigurée, située étonnement dans le corps de ce petit château. Le tout très surréaliste.
    L'exposition un peu décevante, croquis,lithos et lettres, moins intéressant que celle de Roubaix.

  • Chagall :
    - "Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir..."

  • Un château à découvrir, merci pour le lien. Je me souviens d'une belle exposition Chagall au Musée d'art moderne de Liège en 1998. J'y ai vu pour la première fois cet "Entre chien et loup" (un marque-page glissé là dans le catalogue).

  • Merci pour ces couleurs d'amour et d'espoir dont votre blog se pare aujourd'hui pour notre pure délectation.

  • Chagall c'est un grand souvenir pour moi : le musée Guggenheim de New York où j'ai pu me gaver littéralement de personnages, d'animaux volants, de couleurs, d'exubérance.
    Je pense immédiatement à lui quand je lis I B Singer et ses nouvelles du Shetl
    j'ai acheté il y a quelques mois une version des Ames mortes illustrées par Chagall, c'est superbe et délirant
    Merci à toi pour ce partage de l'expo

  • Grand souvenir et bien vivant, ton enthousiasme fait plaisir à lire. Cette version chagallienne des "Ames mortes", tu m'en donneras les références ?
    Bonne semaine à toi, Dominique.

  • Grand merci pour cette visite si bien guidée!
    Ce double portrait est si vivant et irréel à la fois, superbe.
    Moi je me verrais bien dans la robe de gitane...!

    De Chagall je n'ai vu de mes yeux que les tableaux du musée Thyssen à Madrid, le coq, la maison grise...: http://www.museothyssen.org/thyssen/ficha_artista/153

    J'ignorais qu'il sculptait, le bas relief amoureux est superbe.

    Belle journée à toi!

  • il y avait eu une très belle rétrospective à paris, il y a quelque temps déjà - et celle qui s'est tenue à paris "chagall et la bible" était fort intéressante aussi
    c'est un peintre que j'aime énormément - et le livre de son fils, david mcneil, est émouvant, tendre et parfois très drôle

  • @ Colo : Avec Chagall, on s'envole, heureuse que tu aies aimé la visite. Ses sculptures, je les voyais pour la première fois et j'espère trouver le catalogue (épuisé) en librairie pour les détailler plus à l'aise. A toi, une après-midi... gitane ?

    @ Niki : Bonjour, Niki. Rendez-vous avec David McNeil demain soir, je n'ai pas lu son livre mais je le ferai.

  • Si j'ai n'ai pas pu voir cette expo-là, je vais guetter cette du Musée du Luxembourg. Je me souviens très bien de ma visite au musée Chagall à Nice, un enchantement. Visite guidée si tu suis ce lien :
    http://www.dailymotion.com/video/xalef5_guide-musee-chagall-nice_creation
    (j'ai aimé aussi le livre de son fils)

  • J'aime beaucoup Chagall. C'est un peintre "aérien" qui manie les couleurs et la légèreté avec beaucoup de subtilité. On dirait qu'il s'adresse autant aux enfants qu'aux adultes.
    Il y a souvent dans ses tableaux des femmes volantes légères comme des oiseaux ou des papillons ou encore des femmes qui portent un enfant. Dans "Entre chien et loup" c'est une mère-poule qui protège son bébé ( des chiens et des loups? ).
    Bravo encore une fois Tania pour cette présentation. J'ai bien aimé aussi la vidéo de Aifelle. Je connaissais moins ses talents de sculpteur.

  • Oups, j'ai multiplié les fautes dans mon commentaire, je ne sais pas ce qui s'est passé !

  • Merci de me montrer ces belles oeuvres de Chagall. J'aime ce peintre, sa spontanéité, son esprit enfant. J'ai la chance de pouvoir aller de temps en temps à Nice visiter son musée et j'en suis bouleversée à chaque fois.

  • @ Aifelle : J'irai certainement un jour à Nice pour ce musée, merci pour la visite vidéo. Bonne journée, Aifelle.

    @ Gérard : "Entre ciel et terre" était le titre de l'expo à la Fondation Gianadda. J'aime aussi retrouver les personnages et la ménagerie de Chagall, ce temps en suspension où ses couleurs mettent la vie. Bonjour de Bruxelles sous la neige ce mardi matin.

    @ Bonheur du jour : Heureuse de partager cette visite avec tous les amoureux de Chagall.

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