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Culture - Page 194

  • Contemplation

    Bai Ming Keramis (77).JPG« Bai Ming nous donne à contempler un moment de la vie. Cette contemplation qui nous procure tant de plaisir est aussi un instant d’expérience. Les éléments naturels figurés par Bai Ming sont le microcosme d’une Nature enchanteresse, mais imprévisible et indomptable. Tout comme l’arbre nain ou la branche fleurie qui s’échappe du vase dans un arrangement floral, les quelques feuilles ou nuages de Bai Ming sont ici pour nous inviter à une promenade spirituelle dans l’univers. »

    Christine Shimizu, Bai Ming, d’une tradition réinterprétée à une modernité inventée

    Catalogue Bai Ming. Vibrations de la terre, Prisme Editions / Keramis, Wallonie-Bruxelles asbl, 2019.

    © Bai Ming, At East, 1995, porcelaine, ∅ 29 cm

    Exposition BAI MING au Centre Keramis, La Louvière > 15.03.2020

  • Bai Ming à Keramis

    Avec Chanson du roseau rouge (Red Reed Song, ci-dessous) à l’affiche, pas question de résister au plaisir de retourner au centre Keramis à La Louvière. L’exposition Vibrations de la terre de Bai Ming, peintre et maître de la céramique chinoise, permet de faire connaissance avec un artiste qui réconcilie la haute tradition de la porcelaine chinoise et la création contemporaine – du grand art.

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    © Bai Ming, Red Reed Song, porcelaine, H. 61 cm, 2011

    Dans la salle des fours bouteilles, au rez-de-chaussée, une vidéo le montre traçant au pinceau, d’une main sûre, une ligne sans fin sur un vase (que nous verrons dans la première salle d’exposition en haut), puis y ajouter en rythme de petites touches : sobriété, équilibre, harmonie, ce seront les mots qui me viendront à l’esprit en admirant ses superbes vases.

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    © Bai Ming (source : La Libre)

    L’artiste, né en 1965 à Yugan, à une centaine de kilomètres de Jingdezshen, capitale de la porcelaine, souffrait à six ans de tuberculose ganglionnaire. Pour compenser, il a lu des classiques chinois. Ses parents souhaitaient qu’il entreprenne des études littéraires, mais lui voulait suivre des cours de peinture. Echouant à l’entrée de l’université, il est admis à l’Académie centrale d’art et de design, spécialité en arts céramiques. Il deviendra professeur, puis directeur du département de céramique, tout en continuant à peindre.

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    © Bai Ming, Speech of Objects : Memories of the Mountains, 1995, Mixed media, 220 x 140 cm

    A l’entrée de la salle, Bai Ming expose d’abord un diptyque, Souvenirs des montagnes (Speech of Objects : Memories of the Mountains) : des couleurs de terre comme fumées, des parties lisses et d’autres en relief. Devant une fenêtre, je m’approche de ce que je prends pour un fragment de roche avant d’apercevoir une partie couverte d’émail céladon. C’est de la porcelaine, d’une série Paysage et Temps.

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    Sur la table : © Bai Ming, The Secret Language of Spigots, porcelaine installation, 2011

    L’artiste varie formes et volumes. Au mur, des peintures qui sont parfois des plaques de porcelaine, parfois des encres (encre sur papier Xuan, thé, encens consumé), des plats devenus sculptures, avec des plissés fluides improbables. Sur une grande table, une installation de quarante « spigots » de porcelaine, « en référence aux anciens rouleaux enluminés, calligraphiés ou peints », patrimoine culturel chinois. Ils diffèrent tous par leurs fentes, leur surface mate ou brillante ou les deux, les couleurs, les motifs.

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    © Bai Ming (vue partielle de la première salle)

    Voici un premier ensemble de vases : hauts cylindres, vases boules ou élancés, ils retiennent par leur décor inspiré de la nature. Du bleu cobalt, du rouge de fer, du vert, parfois un col d’or satiné – que ces porcelaines sont belles ! Dans la pensée chinoise, l’homme et la nature ne sont pas séparés ; le bouddhisme Chan (Zen) recherche l’harmonie. Bai Ming crée dans cette voie avec des motifs simples : ses tracés fluides et sinueux comme l’eau, les nuages, les végétaux, créent une atmosphère, évoquent une saison.

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    © Bai Ming, Water Reflection in Tang and Song Dynasties, 2007, plaque de porcelaine, 28 x 50 cm

    Exquise Réflexion dans l’eau (Water Reflection in Tang and Song Dynasties), une petite plaque de porcelaine encadrée aux tonalités exquises. Et puis, voici Lignes d’eau, un grand vase cylindrique, ourlé d’or sur le col, moucheté à l’intérieur, une pièce maîtresse à contempler. Le rebord d’un petit vase magnifique, comme son nom, Soleil radieux, est souligné de même en dedans.

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    © Bai Ming, Bright Sunshine, 2010, porcelaine, H. 28 cm

    Tout ici porte à la contemplation, les titres aussi, comme celui d’un grand plat rond, Welcome the Snow and Explore the Garden, ou Song of Reeds and Wind Series, un vase haut et étroit où des roseaux bleus chantent dans le vent. De grandes encres horizontales : Lignes d’une rivière glacée, Les chutes d’eau, Nouvelle image des voyages de printemps…

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    © Bai Ming, Welcome the Snow and Explore the Garden, 2011, porcelaine, ∅ 57 cm

    J’aime particulièrement la manière dont Bai Ming joue sur les contrastes de matières, de surfaces, la délicatesse des tons qu’il combine avec une fluidité magistrale. Il laisse de l’espace au blanc ou à l’uni et met ainsi ses couleurs et motifs en valeur. Dans les deuxième et troisième salles, d’autres explorations, d’autres éblouissements nous attendent, dont des porcelaines alvéolées comme des roches érodées par l’eau, des peintures à la laque, des rubans d’argile.

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    © Bai Ming, Lines of Water, 2012, porcelaine, H. 77 cm, ∅ 56 cm

    L’exposition Bai Ming. Vibrations de la terre dure jusqu’au 15 mars 2020 au centre Keramis. Le bel article de Guy Duplat dans La Libre m’a incitée à y aller. Il le conclut sur une inquiétude que je partage, en regrettant que ce magnifique endroit dédié depuis 2015 à la céramique et au patrimoine de la manufacture Boch n’obtienne pas le soutien qu’il mérite.

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    © Bai Ming, Between Ceramics and Stone, 2009, porcelaine

    « C’est un miracle que cette exposition ait lieu, car comme on le sait, le beau Centre Keramis a de grandes difficultés à boucler son budget, il a dû licencier, la Communauté française ne lui ayant jamais accordé, dit-il, le budget de fonctionnement nécessaire. Si cette expo prestigieuse a quand même lieu, c’est grâce à des mécènes belges et chinois, grâce aux « amis de Keramis » et grâce à l’appui de l’artiste lui-même. » (Guy Duplat, Bai Ming marie brillamment tradition chinoise et modernité)

  • Obstinée

    joyce carol oates,les chutes,roman,littérature anglaise,etats-unis,niagara,suicide,mariage,famille,musique,pollution,justice,injustice,écologie,société,préjugés,culture« Colborne jeta un regard implorant à Dirk Burnaby, qui contemplait cette femme obstinée avec une sorte de fascination. Il ne savait que penser d’elle ; il avait la tête si vide. Une idée bizarre lui traversa l’esprit : elle était si menue, quarante kilos tout au plus, qu’un homme pouvait la soulever, la jeter sur son épaule et l’emporter. Et qu’elle proteste ! Il s’entendit dire : « Je ne pense pas que vous ayez saisi mon nom, madame Erskine ? Je suis l’ami de Clyde, Dirk Burnaby. Avocat. J’habite à trois kilomètres d’ici environ, à Luna Park, près des gorges. Je ferai l’impossible pour vous aider. Considérez que je suis à votre disposition. » C’était une remarque totalement inattendue. Une heure plus tard, il ne croirait même pas l’avoir prononcée. Colborne le regarda, bouche bée, et la femme rousse se tourna vers lui, le dévisagea en plissant les yeux comme si elle ne se rappelait pas vraiment sa présence. Elle ouvrit la bouche pour parler mais ne dit rien. Son rouge à lèvres était effacé, ses lèvres minces semblaient sèches et gercées. Impulsivement, Burnaby lui pressa la main.
    C’était une main délicate, pas plus grosse qu’un moineau, et cependant, même sous le gant blanc au crochet, on la sentait brûlante, ardente. »

    Joyce Carol Oates, Les Chutes

  • Ariah ou Les Chutes

    Les Chutes de Joyce Carol Oates (2004, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban) s’ouvrent sur une scène dramatique, racontée par le gardien du pont suspendu de Goat Island : le 12 juin 1950, il a tenté d’arrêter un homme au visage « à la fois vieux et jeune » qui s’est jeté dans les eaux bouillonnantes de Niagara Falls.

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    Comme beaucoup de jeunes mariés, Ariah Littrell et Gilbert Erskine ont passé leur nuit de noces dans un hôtel près des chutes du Niagara. Stupéfaite de se réveiller seule dans la suite nuptiale, Ariah, vingt-neuf ans, y découvre un mot d’adieu dont elle ne dit mot quand la police vient lui annoncer qu’un homme ressemblant à son époux a « disparu sans laisser de traces ». Déjà veuve ? Elle ne peut y croire.

    Gilbert, vingt-sept ans, pasteur presbytérien comme son père, s’intéressait aux fossiles et avait choisi l’endroit de leur voyage de noces. Leur première nuit s’est mal passée. Chez sa femme rousse aux yeux vert galet, pianiste et chanteuse, professeur de musique, il avait cru trouver une sœur, quelqu’un qui lui ressemblait. Leurs parents avaient voulu ce mariage, plus qu’eux.

    Alors commence la légende de la Veuve blanche des Chutes, cette rousse égarée qui a hanté les lieux pendant sept jours, tant que le cadavre n’avait pas été retrouvé. « Damnée », voilà ce que croit être l’éphémère Madame Erskine, dans la douleur et l’humiliation. Quand Colborne, le propriétaire de l’hôtel, y revient après une nuit de poker sur le yacht de son ami Dirk Burnaby, il l’accompagne au commissariat. Ariah n’admet pas le suicide. Colborne fait alors appel à son ami pour qu’il le conseille sur la marche à suivre.

    Dirk Burnaby, trente-trois ans, avocat brillant et célibataire séduisant, connaît bien les chutes. Son grand-père funambule, après plusieurs traversées spectaculaires au-dessus des eaux, a fini par y tomber. Ariah l’impressionne dès leur première rencontre par son souci de rester digne, son regard intense et son obstination. « Pourquoi me suis-je intéressé à cette femme ? Elle est folle. » Dirk s’étonne qu’elle refuse d’appeler ses parents et ses beaux-parents. Quand il les rencontrera, il comprendra à leurs réactions égoïstes pourquoi elle les évite. Le corps du mari est repêché après sept jours.

    Claudine Burnaby, la mère de Dirk, veuve obsédée par la perte de sa beauté depuis la cinquantaine, vit de plus en plus recluse. Elle ne s’occupe guère de ses deux filles, Dirk a toujours eu sa préférence, « un beau garçon vigoureux au caractère agréable ». Quand il lui annonce qu’il va peut-être se marier avec cette fille de pasteur pas du tout de leur milieu, elle n’y croit pas. Mais Burnaby se rend chez Ariah et la demande en mariage, l’embrasse. « Elle dirait oui. Oui avec son petit corps ardent de chat maigre épousant celui de l’homme. (…) Oui à l’homme qui lui faisait si agréablement l’amour, comblant son corps qui était à la fois petit et infini, inépuisable. »

    Ils se marient fin juillet, à l’étonnement de tous. En plus de leur entente sexuelle, « chacun devint le meilleur ami de l’autre ». Dirk a installé un Steinway pour Ariah dans son appartement. Il a refusé d’aller vivre en couple dans la grande maison de sa mère qui menace de le déshériter, refuse de rencontrer son épouse. Dans leur milieu, les femmes ne travaillent pas ; Ariah donne des cours de piano, bien que son mari gagne très bien sa vie.

    Quand naît Chandler, leur fils aîné, en qui Ariah craint de voir le fruit de sa seule nuit avec Erskine, malgré les dénégations du gynécologue, elle se jure d’abord de ne pas avoir d’autre enfant. Dans la crainte de voir à nouveau disparaître son époux, elle changera d’avis.  Et elle est heureuse de prendre soin de sa famille. Le bonheur semble au rendez-vous.

    Joyce Carol Oates creuse pourtant les failles, les angoisses, la hantise de la perte (Ariah cache son passé à ses enfants), les tiraillements entre Dirk et sa mère. Une « femme en noir » se met à harceler les avocats, elle veut dénoncer la pollution chimique qui pourrit la vie dans un nouveau lotissement du côté de Love Canal. La bonne société ferme les yeux sur les activités des entreprises fautives. Dirk Burnaby aussi refuse de la recevoir. Mais un jour de grosse pluie, il invite une femme et une fillette à monter dans sa voiture sans savoir que c’est elle et il découvre où elle vit avec ses enfants. Il la défendra.

    Le roman de Joyce Carol Oates (Prix Femina étranger en 2005) donne le vertige ; aux troubles personnels s’ajoutent les drames sociaux : inégalités, exploitation, profit, injustice, misère, déchéance… Le personnage d’Ariah déroute et fascine, celui de Burnaby aussi. Leur famille sera-t-elle à son tour maudite ? Lire Les Chutes est une plongée dans la face sombre de l’Amérique, où la lumière a bien du mal à se frayer un passage. Un drame passionnant et un suspense de bout en bout.

  • Première classe

    Delvaux Train World (43) TEE.JPGEn 1963, à l’occasion de l’électrification complète de la ligne Paris - Bruxelles - Amsterdam, la SNCB et la SNCF ont mis en service une nouvelle génération de voitures internationales circulant sous le label Trans Europ Express (TEE). Afin de décorer les voitures TEE de première classe et de mettre à l’honneur des talents artistiques belges, la SNCB avait à l’époque commandé un ensemble de quatre tableaux auprès de plusieurs peintres belges, dont Paul Delvaux.

    En collaboration avec la Fondation Paul Delvaux, la SNCB a fait restaurer ces quatre tableaux par l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA). L’ensemble de cette restauration a duré près d’un an.

    Quatre peintures de Paul Delvaux, Gare la Nuit I & II et Gare de Jour I & II, ont rejoint récemment les collections permanentes de Train World. C’est la CEO de la SNCB, Sophie Dutordoir, découvrant à son arrivée au sein de l’entreprise ferroviaire ces quatre tableaux dans son bureau, qui a tenu à les mettre de façon permanente à disposition du grand public.

    Source : Train World | © Paul Delvaux, Gare de jour, I, 1963 – Bruxelles, Collection SNCB / Train World Heritage

    Expo Paul Delvaux. L’homme qui aimait les trains, Train World, 1030 Bruxelles > 15/3/2020