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Culture

  • Les Shakers

    banks,le royaume enchanté,roman,littérature anglaise,états-unis,ruskinites,shakers,vie communautaire,croyance,famille,récit de vie,amour,culture« L’interprétation de la Bible par les Shakers, leur croyance qu’il y aurait une vie après la mort et que Mère Ann Lee, cette Anglaise du XVIIIe siècle, régnait à l’égal de Jésus avec qui elle résidait maintenant dans le Ciel, les hymnes, leurs marches chorégraphiées et leurs prières chantées avec solennité qui caractérisaient leurs offices quotidiens et ceux du jour du Seigneur, tout cela aurait pu paraître original, voire assez bizarre, à des gens qui n’auraient pas été des Shakers. Mais dans le Sud, à cette époque, où les chrétiens, blancs autant que noirs, pratiquaient de nombreuses et diverses formes enthousiastes de foi, les Shakers se démarquaient à peine. Leur société communiste ne faisait pas non plus l’objet de réprobation ou de soupçon chez les gens de la région, car ceux-ci admiraient leurs compétences agricoles, leurs élevages, leur inventivité mécanique, leur éthique de travail et leur zèle, en même temps que leur flair commercial, leur honnêteté et leur franchise. »

    Russell Banks, Le royaume enchanté

    Meubles de rangement d’une graineterie Shaker (source : Ideat.fr )
    "
    Shakers, la secte américaine qui a inventé le design minimaliste" par Guy-Claude Agboton 

  • Souvenirs du royaume

    Le royaume enchanté (2022, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Furlan) est le dernier roman de Russell Banks (1940-2023), dont j’avais aimé American Darling, entre autres. « Malgré son immense succès, il est toujours resté fidèle à ses origines sociales modestes : son œuvre romanesque, particulièrement empathique, comme ses interventions dans le débat public n’ont eu de cesse de faire résonner la voix des plus humbles. » (Le Temps)

    Banks Le royaume enchanté.jpg

    Dans le prologue, le romancier dit avoir trouvé des bandes magnétiques au sous-sol de la bibliothèque de Saint Cloud (Floride), près de livres à donner, avec l’inscription « The Magic Kingdom » sur l’emballage. C’est aussi le nom donné par la Walt Disney Company au parc de loisirs construit sur les 2800 hectares rachetés vers 1950 aux Shakers de la Nouvelle-Béthanie, qui les avait acquis en 1890. Dans un endroit protégé du domaine, lui indique la bibliothécaire, trois plaquettes portent les noms de Harvey Mann (1890-1972), Sadie Pratt (1883-1910) et L’Aînée Mary Glynn (1838-1911), des Shakers.

    Harvey Mann avait 81 ans quand il a enregistré son histoire. Sa famille, des « Blancs du Nord », est arrivée dans la colonie utopiste de Waycross, des adeptes radicaux de Ruskin, en 1901. « C’est là que ma famille a commencé son long pèlerinage de la lumière vers l’obscurité puis de retour à la lumière, selon l’interprétation de mes yeux d’enfant, puis, dans les années qui ont suivi, vers une obscurité encore plus épaisse dont j’ai cru qu’elle n’aurait jamais de fin. »

    Avant de rejoindre les Shakers en Floride, sa famille vivait dans la colonie originelle des Ruskinites, celle de Graylag, plus au nord, près d’Indianapolis – une période de « bonheur pastoral ». Harvey et son jumeau, Pence, et leurs frères jumeaux nés deux ans plus tard, Royal et Raymond, y ont reçu une bonne instruction. A Waycross, dans une communauté de Ruskinites schismatiques, opposés au « capitalisme à salaire d’esclave »,  ils résidaient dans une petite cabane « sans fenêtres, froide, pleine de courants d’air, au sol en terre ».

    Leur père était déjà malade (typhus) quand il a décidé de les envoyer à la plantation Rosewell de M. Hamilton Couper : il imaginait que leur mère (enceinte de leur sœur Rachel) y trouverait un travail de couturière et ses garçons, de bons emplois. Avant de mourir, il a désigné Harvey comme « l’homme de la famille ». Mais à la plantation, où à part les Mann, presque tous les travailleurs étaient noirs, ils se retrouvent réduits au servage par contrat : les frais à rembourser dépassent l’argent gagné, un travail éreintant est imposé à tous, avec de mauvais traitements et aucune possibilité de fuir.

    C’est là qu’arrive un jour de 1902, grâce à une lettre que lui a écrite leur mère, l’Aîné John Bennett. Il paie leurs dettes pour les emmener dans la colonie des Shakers en Floride, la Nouvelle-Béthanie (village où Lazare a été ressuscité). Les Shakers y cultivent des terres très fertiles et il y fait plus chaud, même s’il faut affronter les moustiques, les pluies torrentielles, les ouragans. Dans le train, l’Aîné John, grand, fort et séduisant, se montre très attentionné pour leur mère et commence tout de suite à expliquer les principes des Shakers, qui considèrent leur fondatrice, Mère Ann Lee, comme la deuxième apparition de Jésus sur terre.

    Pureté (abstinence sexuelle totale), communauté (le bien commun l’emporte sur le bien individuel) et séparation (par rapport au reste de la société) constituent le socle de leur doctrine. Harvey, à douze ans, n’y voit pas d’objection. Il faut avoir dix-huit ans pour devenir Shaker. On attend des enfants qu’ils rendent service et respectent le mode de vie communautaire, travaillent dans de bonnes conditions et dans la joie, à l’instar des Shakers.

    La péniche qui les amène de St. Cloud à la Nouvelle-Béthanie fait escale à Narcoossee où deux femmes montent à bord : l’Aînée Mary Glinn qui dirige les Shakers avec Bennett et une jeune femme mince et pâle, Sadie Pratt, une résidente du sanatorium voisin. Dès cette première rencontre avec Sadie Pratt, Harvey en est éperdument amoureux. Il s’intègre vite dans la communauté, imite l’Aîné John, apprend l’apiculture. Chaque membre de la famille vit là séparément des autres, ce qui soulage Harvey de ses responsabilités d’aîné.

    Au début de la cinquième bobine (sur quinze), Harvey Mann a le sentiment d’avoir dévié de son intention première : « raconter ce qui est arrivé, il y a de cela soixante ans et plus, à Sadie Pratt, à l’Aîné John et à l’Aînée Mary. Ainsi qu’aux Shakers de la Nouvelle-Béthanie. Et à ma famille. Et à moi. C’est une histoire qui a fait beaucoup de bruit à l’époque, un scandale national traité par de nombreux journaux […]. »

    D’une communauté de croyants à la spéculation immobilière, de la Nouvelle-Béthanie des Shakers au parc de loisirs, de l’utopie à la société de consommation : Le royaume enchanté décrit une vie communautaire prospère, l’éveil amoureux, mais aussi l’hypocrisie, le mensonge, les épreuves et la catastrophe finale que lui, Harvey, a déclenchée.

  • Place de l'Ange

    Gérard le renard, une des sculptures de Kalbut installées cet été à Namur, se trouve sur la place de l’Ange, dans la rue du même nom. Un article du Soir Magazine m’apprend que le poète, écrivain et peintre Henri Michaux est né dans une maison rue de l’Ange, aujourd’hui détruite.

    Namur (10) Ange.jpg« La foule qui, chaque samedi, arpente en tous sens la rue de l’Ange ne se soucie guère de l’angelot, naguère doré*, qui lui a donné son nom et qui, imperturbablement, fait mine de jouer de la trompette par-dessus les têtes. La plupart l’ont-ils seulement jamais remarqué ? Savent-ils encore que le bel édicule de style Louis XVI qui lui sert de support était à l’origine une pompe publique mise en place en 1791 à l’initiative du Magistrat (c’est-à-dire le collège échevinal de l’époque) ? Une pompe en effet, et pas une fontaine comme on l’affirme encore souvent. […] Qui veut se rendre compte de l’aspect initial de la pompe de l’Ange peut aller au Marché aux Légumes tout proche où la pompe qui occupe le centre de la place a par bonheur gardé son mécanisme. Ces deux survivantes d’un réseau beaucoup plus dense de pompes publiques témoignent d’une époque, pas si éloignée finalement, où, pour se procurer de l’eau, il ne suffisait pas de tourner un robinet. »

    Jean-Louis Antoine, conservateur du musée archéologique de Namur (Lire la suite sur « Ce que les lieux disent ») / *Monument rénové en 2011 (Wikipedia)

  • Pimpant Namur

    Une belle expo au musée Rops, c’était bien sûr aussi l’occasion d’une promenade dans Namur. J’ai trouvé la ville particulièrement pimpante sous le soleil de juillet (une date bien choisie, le lendemain il pleuvait). Au-dessus de la Meuse, les flâneurs apprécient l’Enjambée, cette passerelle ouverte en 2020 qui relie Jambes et Namur.

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    Namur : l'Enjambée sur la Meuse

    Cet été, on peut découvrir à Namur « Le jardin extraordinaire de Kalbut ». L’artiste wallon conçoit ses œuvres à partir de matériaux de récupération et représente des animaux de la région. Juché sur une branche d’arbre près de l’église Saint-Loup (église baroque qui a fasciné entre autres Victor Hugo et Baudelaire), Martin le pêcheur nous a séduits par son allure et ses couleurs. (Les maquettes des neuf sculptures sont exposées à l’Office du tourisme.)

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    Namur : Martin le pêcheur © Kalbut

    En plus du grand patrimoine architectural namurois, c’est un plaisir, en se promenant dans la vieille ville, d’observer des détails aux façades des maisons comme ce bas-relief « A la maison blanche » au-dessus de la porte d’un établissement désaffecté.

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    Namur : Agrandir pour voir "A la maison blanche" au-dessus de la porte

    Dans la rue Haute Marcelle, une fresque de Kahef rend hommage au folklore local : « Vive Nameur po tot » (Vive Namur pour tous) peut-on lire près du gamin ouvrant un livre d’où sortent deux échasseurs (« du wallon namurois « chacheu » qui désigne le jouteur sur échasses » dixit Wikipedia). Les échasseurs namurois, qui ont plus de six siècles d’existence, sont aussi représentés par une statue en bronze (au rond-point des Échasseurs). 

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    Namur : street art signé Kahef

    De nombreuses potales (« du wallon potè, qui signifie petit trou ») ont survécu aux façades, ces niches qui abritent une statue de la Vierge ou d’un saint. Celle de « La vieille maison », sur une façade datée de 1775, est mise en valeur entre deux lanternes au-dessus de la porte de ce café-bar et de la jolie croix ouvragée de l’imposte.

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    Namur : L'ancienne maison

    Il y a des boutiques attrayantes dans les ruelles, comme la sympathique enseigne d’« Il fera beau demain » où nous sommes entrés, juste pour ressentir cette ambiance de caverne d’Ali Baba qui contribue « à entretenir un petit coin de rêve, de charme, de poésie au sein du vieux Namur » (site). J’y ai photographié cette vaisselle Copenhague que nous utilisions chez ma grand-mère, un classique qui garde la cote, apparemment.

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    Namur : vaisselle Copenhague (Il fera beau demain)

    Voici le merveilleux Gérard le renard de Kalbut, sur une place dont je vous parlerai prochainement. Son socle accueillait quelques amatrices de crèmes glacées, d’autres passants cédaient à l’envie de se faire tirer le portrait en sa compagnie. Ses couleurs sont bien choisies et ses griffes semblent redoutables.

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    Namur : Gérard le renard © Kalbut

    Autre personnage du folklore namurois, le Molon, un coq à la main gauche et une boîte de quête à la main droite. Avec un « 40 » au-dessus du « M » de son chapeau, la statue se dresse devant la maison natale de Nicolas Bosret, auteur de l’hymne namurois « Li Bia Bouquet », le premier directeur « des 40 molons ». La royale société Moncrabeau, « probablement la plus ancienne société folklorique de Wallonie », à vocation philanthropique et musicale, organise un concours de menteries au monument dédié à Nicolas Bosret, un buste à l’arrière duquel se trouve le siège où doit s’asseoir le candidat menteur (détails ici).

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    Namur : Le Molon ©  Vinciane Renard

    Parmi les animaux figurés par Kalbut, les oiseaux ont ma préférence. Voici Léon le héron, un poisson dans le bec, sur l’esplanade de la Confluence où arrive l’Enjambée et où les enfants peuvent se rafraîchir aux jets d’eau aléatoires. Un peu plus loin, un autre volatile, Victor le pic-vert : il a l’air malicieux, non ?

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    Namur : Léon le héron & Victor le pic-vert © Kalbut
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    Namur : Vue de la Confluence vers la Citadelle (la Tortue brille sur l'herbe, à droite)

    Nous montons là les escaliers pour admirer d’en haut le confluent de la Sambre et de la Meuse. On se retourne vers l’esplanade pour admirer, au-dessus des briques rouges du Parlement wallon, la citadelle de Namur où brille désormais la Tortue dorée de Jan Fabre, Searching for Utopia, posée là lors d’une exposition en 2015 et conservée depuis lors. Nous irons la voir de plus près à l’occasion d’une autre balade namuroise en bonne compagnie.

  • Gommes & linos

    Dans le catalogue de l’exposition Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecoeur, Margaux Van Uytvanck présente une belle synthèse de son travail et de son parcours d’artiste : « Kikie Crêvecoeur et la gravure. Voyage imaginaire au pays des mille et une gommes ».

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    © Kikie Crêvecoeur, Conte(s) à rebours, 2008-2009,
    impressions de gommes gravées sur post-it, 150 x 150 cm. Collection de l'artiste

    Les « gommes » de Kikie Crêvecoeur, dont j’ai retrouvé au musée Rops une série d’œuvres vues à la Bibliotheca Wittockiana, restent un axe essentiel de son travail de gravure. Ci-dessus un détail d’une spirale, Conte(s) à rebours, pour vous permettre d’apprécier la diversité des estampes avec lesquelles elle raconte le fait marquant du jour : un mot, un dessin, une date, une trace de son quotidien mêlé à l’actualité du monde.

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    © Kikie Crêvecoeur, Tapis Boud'rikiki (détail), installation, 2024

    Au pied d’un mur où sont accrochées les « Trognes », l’artiste a étalé une bordure florale, un « Tapis d’Boudrikiki » où des impressions recto verso et en couleurs composent une installation éphémère mêlant les mots et les images. En agrandissant la photo, vous y trouverez des fleurs, des cœurs, des aphorismes, des clins d’œil au visiteur...

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    © Kikie Crêvecoeur, Nzomba (détail), 1995, 100 x 200 cm,
    estampe marouflée sur toile, linogravures, gommes et empreintes, tirage unique.
    Collection de l'artiste.

    L’exposition montre de beaux ensembles comme « Elles viennent dans la nuit » pour illustrer un texte de Corinne Hoex. « Nzomba », une œuvre dans les tons bleu-vert réalisée en écoutant des polyphonies des pygmées Aka, évoque la forêt et leur mode de vie : l’œuvre est composée de six reproductions d’une linogravure sur lesquelles Kikie Crêvecoeur est intervenue avec des impressions de gommes, les doigts, les couleurs. (Dans leur langue bantou, « nzomba » veut dire « forêt » et « nzombi », l’esprit de la forêt.)

    Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecoeur, Musée Rops, Namur > 08.09.2024