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  • D'Eliza à Violet Lee

    Après avoir donné vie au personnage de Robert Desnos dans Légende d’un dormeur éveillé, Gaëlle Nohant raconte dans La femme révélée, son dernier roman, la vie d’une femme qui ne se sépare jamais de son appareil photo – une totale fiction cette fois, bien que ce récit soit si réaliste qu’on se demande tout du long si Eliza devenue Violet Lee a vraiment existé.

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    L’épigraphe empruntée à un récit de Shushā Guppy, A Girl in Paris (1991), commence ainsi : « La quête de liberté de l’exilé volontaire est inséparable de sa nostalgie de la terre natale. » On fait connaissance avec Eliza Bergman, trente et un ans, dans un hôtel parisien « miteux où elle s’efforce de se rendre invisible. » Son passeport américain porte le nom de Violet Lee, née quelques mois avant elle à Chicago, qui lui ressemble physiquement. Le petit voyou qui le lui a procuré n’a pas précisé comment celle-ci est morte prématurément.

    Eliza-Violet a emporté avec elle deux choses précieuses : son Rolleiflex et une photo de son fils Tim, laissé aux Etats-Unis. Elle cherche d’abord à vendre discrètement quelques bijoux offerts par son mari, Adam Donnelley, épousé neuf ans plus tôt. Dans la rue, elle assiste à l’arrestation par la police de deux prostituées, l’une crache dans sa direction quand elle la voit prendre une photo.

    Dans sa chambre, elle se souvient de son père qui très tôt a voulu lui montrer le monde comme il était, le ghetto où les Noirs, sans y être obligés, s’entassaient pour se mettre à l’abri des violences ou des incendies qui frappaient ceux qui emménageaient dans des quartiers blancs. Le krach du lundi noir l’avait anéanti : « il y a dans nos vies des impasses dont on ne peut s’échapper qu’en détachant des morceaux de soi. »

    Après que sa porte a été forcée, c’est par une des deux prostituées, Rosa, qui a exigé qu’elle lui paie un verre en compensation de la photo prise, que Violet Lee trouve une chambre au foyer des Feuillantines, dans un ancien couvent, une pension pour jeunes filles seules dans le Quartier latin. La directrice se soucie de Rosa, bien qu’elle ne l’ait pas hébergée très longtemps. Violet y sera en sécurité. Mais un jour quelqu’un y laisse Gone with the Wind à son intention – serait-ce un « chasseur » sur ses traces ?

    Brigitte, une locataire du foyer, lui suggère, pour gagner sa vie discrètement, de répondre aux petites annonces des bourgeoises du VIe arrondissement qui adorent les nounous anglaises. Violet sera la nounou américaine de trois enfants, tout en espérant que la nounou noire de Chicago s’occupe encore de son fils qu’elle a abandonné. Pour fêter son embauche, elles passent une soirée au Tabou où un grand Américain blond la fait danser, Sam Brennan. Ils se reverront.

    Mais elle se méfie de tout le monde. Couverte de fleurs et de cadeaux par Adam, un quadragénaire fortuné qui ne l’attirait pas plus que cela au départ, mais a su lui faire la cour à un moment où sa situation devenait précaire, Violet a découvert des années après leur mariage son vrai visage et les agissements douteux dissimulés derrière son vernis mondain. C’est à cause de son fils qu’elle n’est pas partie plus tôt et à cause des menaces quand elle a parlé de divorce qu’elle s’est exilée seule, sous un nom d’emprunt. La peur qu’on soit à sa recherche ne la quitte pas.

    Sa vraie passion, aux heures libres, c’est de prendre des photos de personnes, de la vie dans la rue, partout où elle passe. Remarquée par un photographe dans une boîte de jazz, elle a l’occasion d’aller développer ses clichés chez lui ; il l’a jugée trop timide quand elle a braqué son appareil sur le pianiste aveugle aux lunettes noires : « Vous n’aviez d’yeux que pour lui, mais vous n’êtes pas allée au bout de votre audace. Un photographe ne peut s’encombrer de politesse. Il faut aller chercher l’image. »

    La femme révélée, au titre un peu convenu, suit les tribulations d’une Américaine qui se cache à Paris et s’y reconstruit vaille que vaille, y tombe amoureuse même. On imagine bien que derrière Violet, Eliza, la mère de Tim, rêve de revoir son fils un jour de l’autre côté de l’Atlantique. Ce qui rend ce roman très vivant, ce sont les situations concrètes si bien rendues, dans le Paris de 1950 ou à Chicago, la ville dont elle se souvient et qu’elle redécouvre lors des émeutes de 1968.

    Gaëlle Nohant a bâti son récit en se référant à de nombreuses sources citées à la fin du livre, des livres et aussi « les photos vibrantes d’humanité de Russel Lee ». Les états d’âme assez bridés de l’héroïne m’ont moins retenue que son regard de photographe sur la société, la misère, l’injustice, sa disponibilité aux rencontres inattendues, son attention aux personnes derrière les apparences.  

  • Sauvages

    Rouge Cloître octobre (13).jpgQu’ils sont gais à rencontrer, les cyclamens sauvages !
    A cette saison où les feuillages se dorent au soleil, où le Rouge-Cloître déploie ses couleurs, ces touffes aux subtiles nuances de rose, çà et là sous les arbres, captent le regard.

     

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    Les premiers, plus vifs, prenaient leur bain de lumière de l’après-midi. Les seconds, plus à l’ombre, plus pâles, offraient leur douceur au regard.

     

     

    Quoi que dise le cyclamen dans le langage des fleurs, le mot « délicatesse » lui correspond parfaitement.  

  • Vieil or d'octobre

    Démenti à la mauvaise réputation du ciel belge, le soleil a brillé sur la dernière semaine d’octobre. Du temps idéal pour se promener au Rouge-Cloître paré de tout son vieil or. Ce site en forêt de Soignes, vous l’avez déjà vu ici, est remarquable à toutes les saisons.

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    Tandis que certains pêchent tranquillement et que d’autres font carrément la sieste, couchés sur la rive, nous prenons l’allée ensoleillée qui longe l’étang du Moulin, si belle sous la lumière d’automne filtrée par les feuillages.

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    Plus loin, une plate-forme en surplomb donne un excellent point de vue vers le grand étang des Clabots. Les arbres tombés ou chablis sont des refuges fort appréciés des canards et autres volatiles qui s’y reposent, sans être dérangés le moins du monde par les passants ou les photographes amateurs.

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    Devant nous, derrière, de quelque côté que l’on regarde, le festival des couleurs est bien lancé. La gamme des jaunes domine encore sur les arbres, mais les tapis de feuilles sous les hêtres annoncent déjà le rouge rouille caractéristique du sol de cette belle forêt.

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    En revenant par l’autre côté des étangs, on se rapproche peu à peu de la longue et superbe bâtisse blanche de la Maison du Prieur. Sa restauration est à présent terminée. On espère y retrouver l’an prochain une terrasse où se régaler peut-être, comme au siècle dernier, de tartines au fromage blanc et radis.

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    A l’arrière du prieuré, l’ancienne ferme et ses annexes accueillent des ateliers d’art et l’association Cheval et Forêt. Deux Brabançons étaient de sortie, on ne se lasse pas d’admirer ces fameux chevaux de trait qu’on voyait dans tous les villages quand nous étions enfants.

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    A droite des écuries, un chemin monte vers un beau talus champêtre, un côté du site souvent moins fréquenté, où le soleil jetait ses derniers feux. Puis on arrive à la plaine de jeux. En ce jour d’école, deux gamins avaient pour eux seuls le grand bateau-pirate en bois à explorer en tous sens.

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    En continuant vers la droite, on descend vers la passerelle entre les deux étangs du Lange Gracht. Les cygnes n’étaient pas les seuls à en fouiller la vase. Après avoir traversé, on retourne vers l’entrée par la rue pavée du Rouge-Cloître.

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    Du talus où prospèrent les prêles et les roseaux, on a une jolie vue sur le site et ses murs d’enceinte. Profitant du dernier soleil de la journée, un canard s’éclaboussait joyeusement sur le petit étang du Lange Gracht.

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    Pour cette semaine de congé, je signale l’exposition « Jojo en balade à Rouge-Cloître » présentée actuellement au Centre d’art (ancien prieuré), qui plaira aux enfants d’aujourd’hui comme à ceux d’hier qui lisaient Spirou : elle rend hommage au bédéiste André Geerts (1955-2010) et à son petit héros malicieux.