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  • Majorque au naturel

    Quelques jours à Majorque en mai : charmes de la campagne et travaux de printemps, l’amitié est à la fête.

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    Le potager réclame des mains. Les lapins grandissent, bientôt les poussins passeront leur première nuit dehors, bien protégés du soleil le jour, bien couverts la nuit.

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    A cette saison, les couleurs éclaboussent jardins et prairies. Les moutons préfèrent déjà l’ombre. Au bord de la route, des arbustes tendent les bras.

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    Ici, des capucines chevauchent des branchages. Là, un clocher fait signe. En face de l’église, la montée offre de beaux points de vue sur Puigpunyent, les vergers, les montagnes.

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    Un bougainvillée flambe près d’une porte. Les palmiers, majestueux, ont l’art d’ennoblir une demeure. D’en haut, le panorama sur le village au creux des montagnes est très beau.

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    Mallorca / Majorque au naturel : loin des plages et des lieux touristiques, du vieux Palma superbe, la campagne majorquine où il fait bon vivre cultive l’art de l’hospitalité. La nature se marie à la pierre claire. Cultures en terrasses, murs, c’est le royaume de la pierre sèche (elle donne son nom à un circuit de randonnée).

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    Après le chemin qui longe le torrent (à sec), ses jeux d’ombre et de lumière, revoici la luxuriance d’un jardin ami, la terrasse à l’ombre de la vigne vierge. Les nèfles sont juste à point pour la maraude.

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    Quelques jours à Majorque en mai : à peine rentrée, je me demande déjà quand j’y retournerai. Heureusement, chaque semaine, des « Espaces, instants » nous y ramènent – merci, Colo.

  • Sous sa coupe

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    « Quel étrange mouvement que celui qui vous a jeté, à une vitesse telle qu’aucun instrument ne peut la mesurer, au cœur même de ce que vous vouliez fuir et qui vous dégoûte, là où la connaissance asservie ne vaut plus que par le pouvoir qu’elle promet de procurer. Vous feignez encore de croire qu’il appartient aux hommes de décider si cette promesse doit être tenue mais vous le savez, le pouvoir n’appartient pas aux hommes, il ignore leurs rêves de maîtrise et chemine parmi eux, à travers eux, indifférent à ceux qui le désirent comme à ceux qui le craignent, qu’il tient sous sa coupe souveraine. »

    Jérôme Ferrari, Le principe

  • Indéterminations

    Le principe de Jérôme Ferrari, publié l’an dernier, est un roman court et dense autour de la figure du physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976), prix Nobel de physique en 1932 pour avoir jeté les bases de la mécanique quantique – le titre renvoie à son célèbre « principe d’incertitude ».

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    Participants au Congrès Solvay de 1927 sur la mécanique quantique.
    Photographie de Benjamin Couprie pour le compte de l'Institut international de physique Solvay, Parc Léopold, Bruxelles, Belgique.
    Heisenberg est le 3e en commençant par la droite au dernier rang (autres noms ici).

    Dans une démarche qui peut se rapprocher de celle de Stéphane Lambert interrogeant la peinture et la vie de Nicolas de Staël, c’est ici la volonté de comprendre – d’imaginer – les motivations et choix de ce savant qui a fait le choix de ne pas quitter l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, dans sa quête scientifique. Le narrateur, aspirant philosophe, y trouve des échos à ses propres questions existentielles.

    D’emblée, il s’adresse à son personnage : « Position 1 : Helgoland. Vous aviez vingt-trois ans et c’est là, sur cet îlot désolé où ne pousse aucune fleur, qu’il vous fut donné pour la première fois de regarder par-dessus l’épaule de Dieu. » Cela fait trois ans déjà qu’Heisenberg se mêle de physique atomique et se heurte à des expérimentations aux résultats « absurdes, et pourtant irréfutables ». Il garde « foi en la beauté » du monde malgré l’horreur de la grande guerre qui a transformé son père professeur en guerrier, fauché un cousin et changé terriblement un autre.

    Ferrari revient sur les premiers pas d’Heisenberg à l’université de Munich où le professeur Arnold Sommerfeld considère ses étudiants non comme des novices (comment enseigner la physique traditionnelle que Max Planck a réduite en cendres ?) mais plutôt comme des auxiliaires pour débusquer dans le chaos « les régularités mathématiques desquelles jaillirait peut-être le miracle du sens ». Voilà qui ramène le narrateur au temps de ses études philosophiques et à l’humiliation subie en 1989 à l’examen où il a dû commenter Physique et philosophie, épreuve dont il pensait se sortir sans peine vu ses capacités à commenter des textes qu’il n’a pas lus.

    Bien sûr, l’auteur fait une place dans son roman à l’explication du fameux principe d’incertitude ou d’indétermination de Heisenberg – « on ne peut pas connaître en même temps la position et la vitesse d’un particule élémentaire » –, mais ce qu’il tente de comprendre surtout, en se mettant à la place du savant dans les années trente, c’est comment celui-ci, à trente-cinq ans, arrive à concilier ses recherches et l’enseignement avec la collecte en rue au profit des déshérités, la partie de piano à jouer chez des amis – chez qui il va rencontrer Elisabeth Schumacher, sa future épouse.

    On dirait qu’Heisenberg, confronté à la propagande antisémite, n’arrive pas à y croire d’abord, tant ces propos sont imbéciles. Puis, témoin de l’éviction des savants juifs de l’université, il pense à démissionner ou à partir, hésite, jusqu’au jour où Max Planck le persuade de rester en Allemagne pour y maintenir des « îlots de stabilité » à partir desquels reconstruire, après la catastrophe. Même s’il n’est pas juif, les nazis accusent Heisenberg d’être « le dépositaire de l’esprit d’Einstein ». Interrogé par la Gestapo, il peut continuer à enseigner à condition de ne prononcer aucun nom juif.

    Ce que fait, ce que pense le physicien durant la seconde guerre mondiale – il travaille sur « un réacteur nucléaire capable de produire de l’énergie » – amène dans le récit la question de la bombe atomique, question éminemment morale, tout comme sa position envers le nazisme. Le narrateur, qui cherche sa propre voie dans la vie, se confronte à cette énigme des avancées et des errements de la science, du scientifique, dans la guerre, malgré elle parfois.

    Le principe n’est pas un roman théorique pour autant. Jérôme Ferrari ne se pose pas en juge, il balise le parcours de son héros – « héros/salaud », titre David Caviglioli dans le Nouvel Obs – de multiples détails concrets, faits et gestes, rencontres, déplacements. Il dresse ainsi de Werner Heisenberg « un portrait en creux aussi clinique qu’halluciné » (Marine Landrot, Télérama).

    Après Où j’ai laissé mon âme et Le Sermon sur la chute de Rome (prix Goncourt), voici encore un roman grave où la marche du monde est abordée sans concession. Confronté aux mystères de l’univers, au problème du mal, l’homme est sommé de choisir, quitte à perdre à jamais son innocence.

     

  • Amitiés

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    « Malgré sa fatigue extrême, il paraissait émaner de lui une possibilité cruellement absente dans la plupart de nos amitiés modernes si futiles : celle d’entendre quelque chose d’intéressant avant que le rideau tombe et que le noir se fasse. Quelque chose qui concernerait l’impression de vivre avec soi-même depuis tant d’années et d’en avoir archimarre. Je ne connaissais personne qui ait ce sentiment. A part moi. Et quoi de plus palpitant que de penser qu’un autre est d’accord avec vous ? » 

    Richard Ford, En toute franchise