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Littérature italienne

  • Ferrante : écrire

    Elena Ferrante, Frantumaglia. L’écriture et ma vie (2016, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, édition augmentée, 2018). Ce gros livre qui m’a attirée sur un présentoir de la bibliothèque contient une importante correspondance de la romancière italienne. En plus des échanges avec ses éditeurs, on y lit ses réponses écrites aux questions des journalistes à propos de ses livres – d’abord L’amour harcelant et Les jours de mon abandon, puis sa célèbre tétralogie L’amie prodigieuse.

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    Inutile de préciser que son « anonymat » (terme qu’elle réfute, puisqu’elle signe ses romans) ne cesse d’être questionné. Invariablement, elle réaffirme son choix de ne pas se montrer dans les médias : « Je ne crois pas que les livres aient besoin des auteurs, une fois qu’ils sont écrits. S’ils ont quelque chose à raconter, ils finiront tôt ou tard par trouver des lecteurs. » Pour elle-même, cela « engendre un espace de liberté créative absolue », en plus de « placer l’œuvre au centre de l’attention ». Et cela protège aussi, ajoutera-t-elle plus loin, la « communauté napolitaine » dont elle s’inspire.

    Nous lisons Homère ou Shakespeare sans savoir grand-chose de leur personne. Les vrais lecteurs n’ont pas besoin de savoir qui ou comment elle est, c’est surtout, pense-t-elle, une obsession de journalistes qui préfèrent s’intéresser à cela plutôt qu’à l’œuvre et au travail littéraire. J’admire sa résistance à la curiosité médiatique (sa biographie sur Wikipedia et maints articles en témoignent).

    Frantumaglia offre néanmoins un aperçu de sa personnalité et de ses choix en tant qu’écrivaine, ainsi que de belles réflexions sur l’acte d’écrire. Ses racines : « J’ai grandi par addition de choses vues, écoutées, lues ou griffonnées, rien de plus. » Le contexte napolitain dans lequel elle a grandi. La relation avec sa mère. Elena Ferrante a obtenu une maîtrise de lettres classiques. Elle étudie, traduit, enseigne, elle lit, elle écrit. Depuis toujours, elle aime conter des histoires, cela lui importe plus que la « belle page ».

    On a souvent rapproché Elena Ferrante d’Elsa Morante, vu les consonances. Ferrante ne cache pas son admiration pour cette romancière qu’elle n’a jamais rencontrée, elle la cite, la qualifie même d’« insurpassable ». Elle évoque des lectures marquantes, des écrivains, et surtout des écrivaines qui ont prouvé la puissance littéraire des femmes et ouvert la voie : Jane Austen, Virginia Woolf, Clarice Lispector, Alice Munro…

    Et qu’est-ce que la « frantumaglia » ? « Ma mère m’a légué un mot de son dialecte qu’elle employait pour décrire son état d’esprit lorsqu’elle éprouvait des impressions contradictoires qui la tiraillaient et la déchiraient. Elle se disait en proie à la frantumaglia. » Un des cinq mots « où fourrer tout ce dont j’ai besoin », écrit Elena Ferrante. « Tout ce qui a revêtu pour moi un sens durable s’est déroulé à Naples et s’exprime dans son dialecte. »

    Elle a choisi ce mot pour intituler le recueil de textes que l’éditeur souhaitait publier après la parution des Jours de mon abandon (2002) dix ans après L’amour harcelant, proposition acceptée à condition que les textes y soient liés. Ce sont, par exemple, ses réponses au cinéaste Mario Martone qui lui envoie son scénario inspiré de L’amour harcelant. Elle l’annote avec des remarques sur les personnages, les dialogues (le film L’amour meurtri date de 1995) et, ce faisant, éclaire certains aspects du roman.

    De même, ses réflexions sur Olga, dans Les jours de mon abandon, insistent sur la résistance de son héroïne (contrairement à Anna Karenine ou à Emma Bovary). Rendre la complexité des femmes lui importe énormément. Pour Ferrante, ce ne sont pas des êtres en souffrance mais en lutte. La troisième partie porte sur la suite de son œuvre. Poupée volée (2006), son roman qu’elle considère comme « le plus acrobatique, le plus téméraire », celui auquel elle est « le plus douloureusement attachée », lui a rendu possible l’écriture de L’amie prodigieuse.

    Le gros roman qu’elle projetait sur l’amitié entre Lena et Lila s’est transformé en tétralogie, ce n’était pas prévu. Ce qui importe le plus à la romancière, c’est la « vérité littéraire », le mot bien utilisé, l’énergie de la phrase pour exprimer ce « magma » de l’intériorité qui se heurte à « la maîtrise de soi ». « Raconter le mieux possible ce qu’on sait et ce qu’on sent, la beauté, la laideur, la contradiction. » L’écriture est centrale : « J’ai le sentiment de bien travailler quand j’arrive à partir d’un ton sec de femme forte, lucide, cultivée, comme le sont les femmes de la classe moyenne d’aujourd’hui. »

    Elena Ferrante écrit de très belles choses sur les lecteurs et sur le « troisième livre » qui « se forge » dans le rapport que la vie, l’écriture et la lecture entretiennent. Vous trouverez dans Frantumaglia son souci de dire les choses avec justesse et comment elle conçoit « l’invention romanesque ». C’est passionnant.

  • Se créer, créer

    Pirandello Se trouver L'Arche 1962.jpg« Et c’est cela qui est vrai… Et rien n’est vrai… Ce qui est vrai, c’est seulement qu’il faut se créer, créer ! Et c’est alors seulement, qu’on se trouve. »

    Donata Genzi

    dans Se trouver de Pirandello

    (Dernières phrases du monologue final de Donata)

    En couverture : Marta Abba (Donata Genzi) lors de la création de Trovarsi
    au Théâtre Fiorentini de Naples, le 4 novembre 1932.

     

  • Trovarsi

    Une amie m’a gentiment offert Se trouver de Pirandello, (Trovarsi, traduit de l’italien par Michel Arnaud), dans une collection précieuse pour les amateurs de théâtre, le Répertoire pour un théâtre populaire de l’Arche. La pièce est dédiée « A Marta Abba, pour que je ne meure pas » (L. P.) et son profil figure en couverture, lors de la création à Naples, en 1932, de la pièce que Pirandello (1867-1936) a écrite pour elle, « sa compagne et son inspiratrice ».

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    Marta Abba (source)

    J’ai pris grand plaisir à la découverte de ce texte que je ne connaissais pas. Emmanuelle Béart a incarné cette « Donata Genzi, une comédienne qui se perd dans ses incertitudes de femme à la ville comme à la scène » (TNB, Rennes). Les deux premiers actes se déroulent sur la Riviera, le troisième dans une chambre « d’un luxueux hôtel de grande ville » (selon les didascalies).

    Dans la villa d’Elisa Acuri, qui a invité Donata à séjourner chez elle, des invités arrivent pour le dîner : Giviero (« jeune homme mûr, proche de la quarantaine »), un médecin fortuné qui n’exerce pas, la marquise Boveno (« une vraie dame ») et sa petite-fille Nina qui se chamaillent sur la nécessité de prendre un châle vu le temps très venteux, le comte Mola (la cinquantaine, très élégant).

    Nina commente le va-et-vient des invités qui montent ou descendent de la galerie. D’après elle, qui ose tout dire, tout le monde sait que Giviero a été l’amant de Donata. Comme Nina mais pour d’autres raisons, Mola redoute ce que va faire son neveu Ely, qu’il envoie chercher : celui-ci « s’est mis en tête de partir ce soir sur son bateau, et par une mer pareille ! »

    Avec Volpès et Salio, deux autres arrivants, les invités s’interrogent sur le genre de femme qu’est Donata Genzi, qu’on dit « tourmentée », « une femme difficile »… Pour Salio, c’est une erreur de vouloir savoir ce qu’elle est « comme femme » parce que Donata est une vraie actrice « qui « vit » quand elle est sur scène et non « qui joue la comédie » dans la vie ».

    Elisa, la trentaine, dit de Donata qu’elle est « l’être le plus simple et le plus gentil du monde ». Elles se sont connues à l’école, retrouvées récemment. Comme Donata a besoin de repos, Elisa l’a accueillie en « lui promettant que personne ne la verrait ». L’actrice vit seule. Et la conversation repart sur la vie de femme et la vie d’actrice, sur les mœurs supposées des gens de théâtre, sur l’expérience amoureuse…

    Le silence se fait quand Donata Genzi descend en robe du soir, « pâle, avec une expression de trouble sur le visage ». La Marquise lui dit la connaître « en tant qu’actrice et non en tant que femme ». Donata affirme être « sincère » dans chacun de ses rôles. Ses vies « fictives » permettent à une actrice de vivre toutes sortes de possibilités, de « se transfigurer ». Ce qu’ils voient sur la scène, c’est comment elle vit la vie de son personnage, non la sienne !

    Ils passent dans la salle à manger. Donata, fatiguée, remonte dans sa chambre. Ely arrive alors en vêtements de sport, il a déjà dîné et préfère prendre un livre. Nina lui propose une liqueur, il se dit qu’un jour ou l’autre, il l’attrapera… Puis Donata descend et l’interroge sur son oncle, sur son bateau, et tout à coup lui demande de l’emmener le soir même avec lui sur son voilier !

    L’acte II se déroule chez le comte Mola, dans une pièce aménagée en atelier de peintre pour Ely. Vingt jours plus tôt, « Donata a été transportée là, à moitié morte, par Ely, le soir du naufrage du voilier, et elle y est restée. » Le docteur vient de lui refaire un pansement à la nuque, Ely l’a mordue quand elle s’est agrippée à lui pour ne pas qu’ils se noient tous les deux. Ils sont amoureux et pour Donata, c’est l’occasion d’être vraiment elle-même. Ely voudrait qu’ils se marient, qu’elle casse tous ses contrats et renonce au théâtre. Elisa, en véritable amie, l’en dissuade.

    Au dernier acte, Ely a quitté le théâtre avant la fin de la représentation. Mola l’a suivi à son hôtel et l’enguirlande de s’être enfui ainsi. Mais son neveu n’en peut plus de voir Donata sur scène, il s’en va. Il l’attendra « quand elle aura retrouvé son vrai visage, quand elle aura fini d’étaler devant tout le monde… » Mola le traite de fou qui ne comprend rien à la vie d’actrice. Arrive Donata, qui avait faibli pendant le spectacle, s’est reprise ensuite et se sent libérée, ivre du bonheur d’avoir recouvré l’intégralité de son être d’actrice et de son être de femme – mais « L’Idiot ! Il est parti ! »

    « Bien qu’il s’agisse d’un portrait d’après nature et sur mesure, inspiré par la comédienne Marta Abba, la psychologie en parait un peu simpliste, démodée et rhétorique. Le personnage s’analyse un peu trop. Il ne fait même que cela » a écrit Poirot-Delpech dans Le Monde en 1966. Démodée ? La pièce me semble encore actuelle. Comment vivre sa vocation artistique sans renoncer à sa vie personnelle, comment vivre sa vie sans renoncer à vivre ses rôles ? Si cela vous intéresse, le programme du Théâtre de la Colline est en ligne, avec des textes éclairants sur Se trouver de Pirandello.

  • Lectrice

    italo calvino,si par une nuit d'hiver un voyageur,roman,littérature italienne,récit,fiction,lecteurs,lecture,oulipo,culture« Comment savoir ce que tu es, Lectrice ? Il est temps que ce livre à la seconde personne ne s’adresse plus seulement à un tu masculin générique, le semblable ou le frère d’un moi hypocrite, qu’il s’adresse directement à toi, qui as fait ton entrée à la fin du Second Chapitre comme Tierce Personne nécessaire pour que ce roman soit un roman, pour qu’entre la Seconde Personne au masculin et la Troisième Personne au féminin quelque chose advienne, prenne forme, s’affirme ou se gâte, selon les phases habituelles des aventures humaines. Ou plutôt : selon les modèles mentaux à travers lesquels, ces aventures, nous les vivons. Ou plutôt : selon les modèles mentaux à travers lesquels nous attribuons aux aventures humaines un sens qui nous permet de les vivre. »

    Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur

  • Voyager avec Calvino

    C’est en lisant Rue des boutiques obscures de Modiano, où chaque chapitre ouvre une nouvelle piste de son enquête, que j’ai eu l’envie de relire Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino (1981, traduit de l’italien par Danièle Sallenave et François Wahl). Le début de ce roman est inoubliable : le narrateur interpelle directement le lecteur. « Tu vas commencer le nouveau roman d’Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur. Détends-toi. Concentre-toi. Ecarte de toi toute autre pensée. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague. »

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    Illustration de la couverture originale

    « Prends la position la plus confortable […] », « Règle la lumière […] ». Après les conseils pratiques, le premier chapitre tout entier centré sur le lecteur parle de son attente : « Tu es un homme qui, par principe, n’attend plus rien de rien. » (Je tique – je ne suis pas un homme. La Lectrice apparaîtra plus tard, heureusement, patience.) Un paragraphe désopilant raconte l’achat du livre en librairie et va des « livres-que-tu-peux-te-passer-de-lire » aux « livres-qui-t’inspirent-une-curiosité-soudaine-frénétique-et-peu-justifiable ». Puis vient l’entrée en lecture, le livre manipulé avant d’en lire les premières lignes. « On le sait : c’est un auteur qui change beaucoup d’un livre à l’autre. Et c’est justement à cela qu’on le reconnaît. Mais il semble que ce livre-ci n’ait rien à voir avec tous les autres, pour autant que tu te souviennes. Tu es déçu ? »

    En page quinze, le roman Si par une nuit d’hiver un voyageur commence « dans une gare de chemin de fer » où un homme entre dans le bar – voilà le récit lancé. L’auteur y implique bientôt son lecteur : « Ou peut-être l’auteur est-il encore indécis, comme du reste toi-même, Lecteur, n’es pas bien sûr de ce qu’il te plairait le plus de lire […] ». Des personnages échangent quelques mots, il est question d’une valise, d’un échange, d’une « Organisation » puissante.

    Page 29 : « Tu as déjà lu une trentaine de pages et voici que l’histoire commence à te passionner. » Pourtant elle s’interrompt. Le lecteur revient sur le devant de la scène, avec ses observations, « un peu désappointé : juste au moment où tu commençais vraiment à t’intéresser, voici que l’auteur se croit obligé de recourir à un de ces exercices de virtuosité qui désignent l’écrivain moderne » ! En effet, il reconnaît ce paragraphe, cette page... Le livre mal imprimé se répète, et le lendemain, le lecteur va le rendre au libraire. Celui-ci a déjà reçu quelques réclamations et un avertissement de la maison d’édition : par erreur, au brochage, des feuillets ont été mélangés avec ceux d’un autre livre, En s’éloignant de Malbork du Polonais Tadzio Bazakbal !

    Une demoiselle encore dans la librairie vient justement de réclamer. « Voici donc : la Lectrice fait son heureuse entrée dans ton champ visuel, Lecteur, ou plutôt c’est toi qui es entré dans un champ magnétique dont tu ne peux fuir l’attraction. » Les voilà en conversation et prêts à échanger leurs impressions et même leurs numéros de téléphone.

    Un nouveau récit commence ensuite, intitulé En s’éloignant de Malbork : « Une odeur de friture flotte, dès l’ouverture, sur la page, ou plutôt une odeur d’oignons […] ». Vous l’aurez peut-être déjà deviné, ce sera l’allure de tout ce roman : des chapitres centrés sur le Lecteur et  la Lectrice alternent avec des débuts de récits. Les voici devant un nouveau livre dont les pages n’ont pas encore été découpées, à l’ancienne. « S’ouvrir un passage dans la barrière des pages au fil de l’épée, voilà qui va bien avec l’idée d’un secret caché dans les mots : tu te fraies un chemin dans ta lecture comme au plus touffu d’une forêt. »

    Si par une nuit d’hiver un voyageur est un roman qui nous mène d’étonnement en étonnement. Si je me souvenais bien de cette succession de débuts de récits tous différents (à chaque fois on change d’auteur, de langue, de genre romanesque, de cadre, d’acteurs, de situation), j’avais oublié qu’en fait les intermèdes concernant les lecteurs et la lecture y occupent au total plus de pages que les récits eux-mêmes. Ils sont numérotés et constituent les « chapitres » un à douze dans la table des matières, en alternance avec dix récits aux titres différents. Ce qui les relie vous apparaîtra en cours de lecture ou à la fin.

    Qu’aiment-ils lire, ces lecteurs ? Ludmilla, la Lectrice : « Le roman que j’ai le plus envie de lire en ce moment, explique-t-elle, c’est celui qui te tiendrait toute sa force motrice de la seule volonté de raconter, d’accumuler histoire sur histoire, sans prétendre imposer une vision du monde ; un roman qui simplement te ferait assister à sa propre croissance, comme une plante, avec son enchevêtrement de branches et de feuilles… » C’est bien l’intention de l’auteur du récit suivant, remplir l’espace d’histoires, « comme une forêt qui s’étend de tous les côtés et ne laisse pas passer la lumière, tellement elle est épaisse […] ».

    Italo Calvino a écrit là un roman sur le récit, l’écriture, la lecture. Ce n’est pas un essai : il raconte bien des histoires et, avec de multiples clins d’œil à ses protagonistes lecteurs (et forcément à nous qui le lisons), fait apparaître des personnages aussi disparates qu’un espion, un vieil Indien surnommé « le Père des récits », une sultane, des gangsters ou des terroristes, et aussi la sœur de Ludmilla, Lotaria, une chercheuse, une professeur d’université, un traducteur maléfique, etc.

    Au chapitre huit, un « projet de récit » oppose deux écrivains « habitant deux »installés dans deux chalets en Suisse : un « écrivain productif » à succès et un « écrivain tourmenté ». Ils se jalousent l’un l’autre et chacun rêve « d’être lu comme lit la jeune femme », dans une chaise-longue sur une terrasse, « qui prend le soleil en lisant un livre », totalement absorbée par sa lecture. Je ne vous en dis pas plus, en espérant vous avoir fait sentir à quel point ce roman joueur est jubilatoire, si l’on accepte d’y entrer et de suivre toutes ces pistes plus ou moins farfelues, en appréciant son humour et ses dérives imaginaires.

    Italo Calvino a fait partie de l’Oulipo dont les recherches sur le langage se voulaient « naïves, artisanales et amusantes » (Queneau). Dans ce roman à la fois accessible et complexe, l’écrivain réalise un fantasme d’auteur désireux de partager avec ses lecteurs sa passion pour la littérature. Si par une nuit d’hiver un voyageur est un roman vertigineux où « la fiction dépasse la fiction » (Sindy Langlois), « quelque chose qu’on pourrait décrire comme les Mille et une nuits d’un lecteur de romans » (François Ricard). Si vous vous laissez faire, ce grand jeu de la lecture dans toutes ses dimensions vous procurera « des impressions nouvelles et inattendues ».