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pologne - Page 2

  • En Amérique (Sontag)

    Après l’appétissant chapitre Zéro d’En Amérique, Susan Sontag ouvre l’histoire de Maryna (inspirée par celle d’Helena Modrzejewska, dont le vieux théâtre de Cracovie porte aujourd’hui le nom) avec une gifle – dans la loge où elle se prépare, d’une actrice rivale qui espérait son rôle. « Parfois, on a besoin d’une claque en plein visage pour réaliser ce qu’on ressent vraiment. »

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    Bogdan, le mari de Maryna, s’inquiète – elle le rassure. La crise est là, pourtant. « Elle avait aimé être actrice parce que le théâtre lui apparaissait tout simplement comme la vérité. Une vérité plus haute. En jouant dans une pièce, une grande pièce, on devenait meilleur qu’on ne l’était en réalité. On ne disait que des mots sculptés, essentiels, exaltants. On avait l’air aussi belle qu’on pouvait l’être, grâce aux artifices, à son âge. » Cela ne lui suffit plus.

    Bogdan organise une soirée à l’hôtel Saski pour fêter le succès de la première, avec des amis qui ne lui veulent que du bien. Ils ignorent qu’au cœur de sa réussite brillante, elle aspire à une nouvelle vie. Dans le cabinet d’Henryk, qui soigne son demi-frère Stefan très malade, elle osera dire ce qui la préoccupe, sa crainte de mourir si elle n’accomplit pas « quelque chose de téméraire… de grandiose ».

    C’est pour voir Stefan jouer qu’elle est entrée pour la première fois dans un théâtre, à sept ans. Elle s’était dit alors que devenir actrice était le meilleur moyen de revenir dans un théâtre. A seize ans, elle avait épousé Heinrich Zalezowski, un des pensionnaires de sa mère qui lui donnait des cours d’allemand ; il avait dirigé une troupe de théâtre ambulant et croyait en son avenir, à une condition : « l’assiduité quotidienne ». Elle l’avait fait, elle était devenue une grande actrice. Après son divorce, elle avait épousé le comte Dembowski. A présent, la voilà « déboussolée et lassée du théâtre ! »

    Susan Sontag peint le portrait de Maryna par touches : des confidences à l’un, à l’autre, des soliloques. Parfois la narratrice commente. « Dieu est un acteur, lui aussi. Il apparaît depuis d’innombrables saisons dans une grande variété de costumes anciens. » Maryna est impatiente. Au « sommet de sa gloire », à trente-cinq ans, en mai 1876, elle annule tous ses engagements et s’enfuit à Zakopane, un village de montagne où elle a l’habitude de passer un mois à la fin de l’été.

    « L’accompagnaient son mari, Bogdan Dembowski, son fils de sept ans, Piotr, sa sœur veuve, Józefina, le peintre Jakub Goldberg, le jeune premier Tadeusz Bulanda, et le professeur Julian Solski et sa femme, Wanda. » Les rumeurs, les questions vont bon train dans la presse polonaise – serait-elle malade ? A contraire. Maryna mène une vie très saine à Zakopane : bain matinal dans le ruisseau, promenade, lait de brebis, exercices de respiration, « pensées positives »…

    Leur petite communauté fascinée par les idées de Fourier, la vie à la campagne, l’agriculture, se laisse persuader par Maryna et Bogdan, qui a épousé la « folie » de sa femme : ils iront vivre ensemble en Amérique. Après la mort de Stefan, rien ne peut plus les retenir, pas même l’affection d’Henryk, si triste de la voir s’éloigner du théâtre de Cracovie et de lui.

    Ryszard l’écrivain (lui aussi amoureux de Maryna) et Julian embarquent les premiers, chargés de leur trouver un endroit où vivre. C’est à travers les lettres de Maryna à Henryk qu’on apprend plus loin comment s’est passée sa propre traversée de l’Atlantique, ses premières impressions sur les Polonais installés en Amérique, sur les spectacles où elle se rend pour observer ce qui plaît aux spectateurs américains.

    Finalement ils trouvent une propriété à Anaheim, en Californie, vantée alors comme « le paradis du travailleur ». C’est là que naît leur communauté utopique, sur une terre propice à la culture de la vigne louée à des Allemands. Maryna est euphorique, la vie simple lui plaît : balayer, écosser les haricots, s’occuper de la jeune Aniela, seize ans, emmenée pour tenir compagnie à son fils. « Vivre dans le présent ! Au soleil ! » Tout lui semble facile, chacun prend ses tâches à cœur, les hommes et les femmes. Mais l’entreprise coûte cher tant qu’elle ne rapporte pas, et le défi n’est pas gagné d’avance.

    Pour la belle, la grande Maryna, aimée par Bogdan et secrètement par Ryszard, la vie collective est-elle l’aboutissement d’un rêve ou une tentative ? Pourra-t-elle se passer définitivement de la scène ou se lancera-t-elle de nouveaux défis ? Vous devinez la réponse. Susan Sontag campe autour de Maryna, à chaque étape de sa vie en Amérique, des personnages très vivants, attachants, qui ont leurs propres démons. Suivre leurs aventures est passionnant.

    En Amérique est un roman magnifique : une héroïne exceptionnelle, l’esprit de liberté et une manière de raconter qui se renouvelle constamment. On y parle beaucoup, forcément, de théâtre – le jeu, la voix, l’interprétation, la présence, les grands textes… – et de la vie commune – le couple, les amis, les discussions… De la vie tout court, quand le cœur bat. Un roman qu’on n’a pas envie de quitter.

  • Chapitre Zéro

    En Amérique de Susan Sontag (2000, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Guiloineau) a été sorti de la bibliothèque et posé à portée de main depuis longtemps, peu après avoir refermé Debriefing. Rien que la photographie de couverture, très belle, tient déjà compagnie. Le plaisir de la découverte en 2001 est revenu d’emblée en relisant le premier chapitre, intitulé Zéro. Aussi n’ai-je pas voulu entamer le suivant avant de revenir sur les ingrédients qui en font l’originalité.

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    Photo : Onésipe Aguado, Femme vue de dos, ca. 1862
    (MET, New York)

    Un bref Avertissement signale que le livre « s’inspire de l’histoire d’Helena Modrzejewska, la plus célèbre actrice polonaise, qui a émigré aux Etats-Unis en 1876 », accompagnée de son mari, de son fils et de quelques amis. Sontag précise : « « S’inspire », pas moins et pas plus. » La plupart des personnages sont inventés « et ceux qui ne le sont pas diffèrent de façon radicale de leurs modèles réels. »

    Voici l’incipit. « Hésitante, non, frissonnante. Je m’étais introduite dans une réception donnée dans la salle à manger d’un hôtel. A l’intérieur, je sentais encore l’hiver, mais aucune des femmes en robe du soir et aucun des hommes en redingote qui se pressaient dans la longue salle obscure ne semblait remarquer la fraîcheur, aussi j’eus le poêle carrelé dans un coin, au fond, pour moi toute seule. »

    Portrait de groupe avec dame – décidément ce titre de Böll me revient en tête (Romy Schneider y jouait le premier rôle dans le film d’Aleksandar Petrović). A la description de la pièce, des invités, se mêlent des bribes de conversation que la narratrice tente de saisir au vol, dans une langue qu’elle ne connaît pas, et pourtant elle devine que cela concerne une femme et un homme, voire deux hommes. Aussitôt elle cherche laquelle de ces femmes élégantes se distingue des autres et la repère : une femme dans la trentaine « avec une masse de cheveux blond cendré », « pas d’une beauté exceptionnelle » – « Mais plus je l’observai, plus elle devint irrésistible. »

    « Quand elle se déplaçait dans la pièce, elle était toujours entourée ; quand elle parlait, on l’écoutait toujours. Je crus avoir compris son prénom – Helena ou Maryna – et en supposant que cela m’aiderait à déchiffrer l’histoire si je pouvais identifier le couple ou le trio, quel meilleur point de départ que de leur donner des prénoms, je décidai de penser à elle comme Maryna. Puis je cherchai les deux hommes. »

    La scène se déroule comme dans un film, la narratrice braquant sa caméra sur l’un ou l’autre invité, l’un ou l’autre détail du décor. Susan Sontag donne vie à ces personnages à partir d’un vêtement, d’un regard, d’un geste. J’ai l’impression que la romancière nous raconte, tout en contant leur histoire, comment elle s’y prend pour les créer, les faire siens, peut-être à partir d’une photographie d’archives. Elle hésite, puis décide. Elle comprend qu’on commente un choix, qu’on le désapprouve – « Mais son devoir est ici. C’est irresponsable et sans aucun… »

    Parmi ces invités, certains se demandent si c’est « bien » ou « mal »« et leur « mal », leur « bon » et leur « mauvais », qui à mon époque continuent à mener une vie gémissante et atrophiée, ainsi que leurs autres termes, aujourd’hui complètement discrédités, « civilisé » et « barbare », « noble » et « vulgaire », ou ceux devenus aujourd’hui incompréhensibles, « altruisme » et « égoïsme » – excusez les guillemets (je n’en mettrai plus), je ne les utilise ici que pour souligner l’intensité particulière et poignante de ces termes. »

    Parfois ils parlaient français – « la seule langue étrangère que je parle bien » – mais « sa » Maryna s’écrie « Oh, ne parlons plus français ! » et la narratrice de commenter : « Quel dommage, parce que c’était elle qui parlait le français le plus vivant. Elle avait une voix grave qui s’attardait de façon délicieuse sur les voyelles finales. » Ses gestes, son aisance, tout lui plaît, comme si elle tombait amoureuse de son héroïne.

    Aucun alinéa dans les premières pages de ce chapitre Zéro. Tout est fluide, la vision, l’écoute, la recherche des mots, l’évocation d’un souvenir, et le récit revient toujours à la femme qu’elle a décidé d’appeler Maryna, à propos de qui quelqu’un parle de « symbole national ». Une actrice, « cela expliquerait pourquoi sa grande allure s’imposait aux autres comme de la beauté ; les gestes précis, le regard impérieux ; et la façon dont parfois elle ruminait et hésitait, sans conséquences. »

    En même temps, elle finit par donner un prénom, une profession, à certains de ceux qui l’entourent. L’un a « tout du médecin dans une pièce de Tchekhov », l’autre, qui interrompt le brouhaha pour leur faire écouter le bruit de la grêle, sera un régisseur de théâtre, « car il s’inquiétait de trouver des effets ». Maryna « les ensorcelait ». « Je me demandai si elle pouvait m’ensorceler, si j’étais comme eux, pas seulement quelqu’un qui les observait, qui essayait de les percer à jour. Je pensais avoir le temps pour leurs sentiments, leur histoire ; et la mienne. »

    Maryna pouvait tout se permettre, porter un pantalon comme George Sand, jouer merveilleusement Rosalinde, et aussi Nora ou Hedda Gabler, si elle acceptait ces rôles. La narratrice se rappelle la première fois qu’elle a vu de près, dans un grand restaurant où un riche soupirant l’avait invitée, une diva en compagnie d’un homme âgé, et qu’elle l’a entendue lui dire : « Monsieur Bing. (Pause) Soit nous faisons les choses à la manière de la Callas, soit nous ne les faisons pas du tout. »

    Voilà qui vous donne une idée, j’espère, de cette vingtaine de premières pages formidables d’En Amérique où Susan Sontag glisse entre parenthèses, après s’être demandé pourquoi quelqu’un suit quelqu’un d’autre ou refuse de le suivre : « Ecrire c’est comme suivre et conduire, en même temps. » Nous, lectrices et lecteurs, pouvons la suivre ou non. Pour ma part, je ne céderai pas ma place de passagère dans ce voyage imaginaire où la romancière nous emmène à la rencontre de ses personnages inspirés par la célèbre actrice et son entourage.

    Fin du chapitre Zéro : « On peut espérer se trouver parmi des gens au grand cœur, la passion est une belle chose, ainsi que la compréhension, la possibilité de comprendre quelque chose, ce qui est une passion, ce qui est un voyage aussi. Les serveurs apportaient leurs manteaux à Maryna et aux autres. Ils s’apprêtaient à partir. Avec un frisson d’anticipation, je décidai de les suivre à l’extérieur, dans le monde. »

  • La vie de ses parents

    alain berenboom,monsieur optimiste,récit,littérature française,belgique,bruxelles,schaerbeek,pologne,juifs,parents,histoire,famille,culture,origines,optimisme,deuxième guerre mondiale,occupation allemande« Qui se soucie de la vie de ses parents ? Qui a la curiosité, la force ou simplement l’idée de percer leurs secrets, de violer leur jardin personnel ? Pour un enfant, les parents n’ont pas d’âge, pas d’histoire, pas de passé et surtout pas de mystère. A l’adolescence, on ne s’intéresse qu’à soi. Plus tard, après avoir quitté le nid, on ne les voit plus qu’un dimanche de temps en temps, puis aux fêtes d’anniversaire, à la nouvelle année. Et que reste-t-il de nos parents quand la tentation nous prend enfin d’ouvrir la boîte de Pandore ? Des morceaux d’histoires qui leur ont échappé et qu’on a miraculeusement retenus, on ne sait pourquoi : le nom d’un ancien ami – ou d’un ennemi – à qui ils n’ont jamais pardonné, des rancœurs familiales à l’origine obscure. »

    Alain Berenboom, Monsieur Optimiste

  • Monsieur Optimiste

    A la mort de son père, Alain Berenboom ne sait pas grand-chose de son passé. Ce pharmacien toujours occupé ne lui a laissé aucune photo, aucun récit familial, lui qui pourtant était toujours prêt à parler de son village natal (Maków, son « shtetl » près de Varsovie), de l’Europe ou du monde. « Mon père croyait à la marche irréversible de la civilisation, au recul de la barbarie, vaincue par le mot ou l’éducation, enfin ce genre de choses. » Tomas, un client d’origine allemande devenu son ami, lui avait dit un jour : « On devrait t’appeler monsieur Optimiste » – le surnom lui était resté.

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    L'affiche de l'adaptation théâtrale en 2015

    Monsieur Optimiste raconte ce dont l’auteur se souvient et ce que des archives ont permis de découvrir à ce fils unique né d’un père de quarante ans et d’une mère de trente-deux. Lorsque celle-ci décède, dix ans après le père, Alain B. trie leurs papiers et tombe sur un extrait du registre des Juifs de la commune de Schaerbeek où s’est inscrit, le 28 novembre 1940, Chaïm Berenbaum.

    Pourquoi s’y être déclaré, lui qui avait fui la Pologne, qui détestait les rabbins, lui « le laïc, le gauchiste, l’internationaliste » ? En Belgique depuis 1928, une fois son diplôme de pharmacien obtenu à l’université de Liège, son père était devenu aide-pharmacien « dans les beaux quartiers de Schaerbeek ». Tomas, l’ami ingénieur qu’il admirait pour avoir quitté l’Allemagne à la prise de pouvoir d’Hitler, disparu lors de l’invasion de la Belgique, était en réalité un officier allemand de « la cinquième colonne » ; il était revenu à la pharmacie en uniforme, à la stupéfaction du père, mais il ne l’avait pas dénoncé à la Gestapo.

    Le mariage des parents en janvier 1940 avait été fêté chez des amis avec très peu de famille : Esther, une des deux sœurs du père ; Harry et Herta, oncle et tante de sa mère Rebecca, « une superbe brune à la peau mate ». En mai, ils étaient partis en voyage de noces à vélo vers le Pas-de-Calais, mais le désordre épouvantable à Boulogne, où Chaïm a failli être enrôlé de force comme soldat polonais, les a vite fait revenir dans Bruxelles occupée.

    Au retour, la pharmacie rouvre. En 1942, son père est convoqué à la caserne Dossin à Malines (17000 Juifs obéirent à la convocation… pour Auschwitz-Birkenau). Quand l’agent de police du quartier, un de ses clients, vient lui intimer l’ordre de partir… ou de disparaître sans laisser d’adresse, les Berenbaum changent de peau et s’en vont devenir en cachette de bons Belges de souche, les Janssens, avec de « vraies-fausses cartes d’identité » établies à Jette.

    La guerre finie, « Janssens » deviendra « Berenboom », « arbre aux ours » en flamand – « Toute personne parlant néerlandais comprend immédiatement la supercherie. Berenboom est aussi faux flamand que le magicien qui l’a imaginé. » Alain Berenboom s’interroge sur son identité, mais qui questionner ? Sa grand-mère paternelle, qui a vécu avec eux juste après la guerre, a émigré en Israël quand il avait six, sept ans. « Elle parlait polonais, yiddish et hébreu, pas français. » Il ne l’a revue qu’une fois, il ne connaît que le français et le flamand. Quant à son prénom, son père lui a dit un jour qu’il en avait un autre « pour les Juifs » : « Aba », le prénom de son grand-père, qui signifie « père », tandis que « Chaïm » signifie « vie ».

    Quand il repeint une chambre, après la mort de son père, des couches de vieux journaux sous le papier, des pages du Soir des années trente, font défiler la jeunesse de Chaïm pendant qu’il tentait de maîtriser le français. Dans les dossiers de la Police des étrangers, Alain B. découvre les faits et gestes de ses parents depuis leur demande de visa et même une carte de la clinique informant la police de l’admission de sa mère à la maternité en 1947. Suivant tantôt la trace de son père, tantôt celle de sa mère, l’auteur restitue avec leur parcours tout le contexte de l’époque.

    Résistance, livre de cuisine rédigé par sa mère cachée, évocation des membres de la famille dont il a retrouvé des lettres, cyclisme, lecture de la Bible, les chapitres de Monsieur Optimiste, prix Rossel 2013, rendent compte, sans rien inventer, de ce que fut la vie de ses parents. Jusqu’aux « potions magiques » du pharmacien de la rue des Pâquerettes à Schaerbeek (au 33) et à la « Fontaine d’amour » du parc Josaphat qui fascinait le petit Alain et sa grand-mère.

    Alain Berenboom, avocat, écrivain et chroniqueur au Soir, fait revivre tout cela avec simplicité et honnêteté : « Tout est juste, magnifiquement campé avec une pudeur pleine d’humour et de tendresse pour des personnages réels devenus de fiction. » (Sophie Creuz dans L’Echo) Le fils de monsieur Optimiste s’est déclaré en 2010 « Trots op België et fier de l’être », un texte à lire sur son site.

  • L'âge du silence

    « Un matin, alors qu’elle fouillait dans les caisses, elle découvrit l’exemplaire moisi de L’histoire de l’amour. Elle n’avait jamais entendu parler du livre, mais le titre attira son attention. Elle le mit de côté et, un jour où il y avait peu de clients, elle lut le premier chapitre, intitulé « L’âge du silence ».

    Le premier langage des humains était fondé sur les gestes. Il n’y avait rien de primitif dans ce langage qui coulait des mains des hommes et des femmes, rien de ce que nous disons aujourd’hui qui n’aurait pu se dire à l’aide de l’ensemble infini de gestes possibles avec les os minces des doigts et des poignets. Les gestes étaient complexes et subtils, ils nécessitaient une délicatesse de mouvement qui depuis a été complètement perdue. 

    Pendant l’âge du silence, les gens communiquaient davantage, et non pas moins. La simple survie exigeait que les mains ne soient presque jamais au repos, et ce n’était que durant le sommeil (et encore) que les gens cessaient de se dire des choses. »

    Nicole Krauss, L’histoire de l’amour 

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