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photographies - Page 2

  • Bruxelles Art Déco

    A la lecture de leur Bruxelles Art nouveau, j’ai eu envie de découvrir aussi le premier guide de Cécile Dubois et Sophie Voituron : Bruxelles Art Déco. Même format et même présentation pratique pour ces promenades à travers différents quartiers, « un aperçu de l’architecture des années 20 et 30 ». L’Art nouveau, éphémère, ne survit pas à la première guerre mondiale. L’Art Déco et le Modernisme prennent le relais, de manière plus durable. Aujourd’hui encore, l’Art Déco inspire les architectes et les décorateurs.

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    (Vue arrière de la Villa Empain / Entrée du musée Van Buuren)

    Malgré les nombreux problèmes économiques et sociaux de l’entre-deux-guerres, rappelle Cécile Dubois dans l’introduction, la population bruxelloise voit son niveau de vie s’améliorer globalement, les loisirs se font plus accessibles et plus nombreux : jazz et musiques populaires, nouvelles salles de cinéma, constructions sportives… Les habitations deviennent plus confortables, pas seulement pour les privilégiés qui font appel à des « ensembliers pour la décoration de leur intérieur », mais aussi dans les logements ouvriers.

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    Villa Dirickz, Marcel Leborgne, 1933

    La construction du Palais Stoclet (1905-1911), par laquelle Josef Hoffmann révèle à Bruxelles la Sécession viennoise, « variation autrichienne de l’Art nouveau », a marqué les architectes belges et annoncé l’Art Déco. Celui-ci prolonge la veine décorative de l’Art nouveau géométrique : lignes épurées, motifs répétés et stylisés, mise en œuvre de matériaux traditionnels et modernes. « Le Modernisme, par contre, cherchait à bannir le recours à l’ornement et toute référence à des styles plus anciens. » Les deux styles se mélangent parfois. L’influence vient aussi des Pays-Bas avec l’Ecole d’Amsterdam et De Stijl. 

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    Ancien INR, place Flagey, Joseph Diongre, 1935-1938

    De nombreux bâtiments phares ont leur place dans ce guide bruxellois. Par exemple, au cours de la première promenade – « Les étangs d’Ixelles et l’avenue Roosevelt, de La Loge à la Villa Empain » – le Flagey, comme on appelle aujourd’hui l’Institut national de la Radiodiffusion (INR). Joseph Diongre, l’architecte gagnant du concours, construit de 1935 à 1938 ce bâtiment immense de style paquebot sur la place Flagey : brique de parement jaune, « fenestrages en bandeau », tourelle d’angle, aménagement intérieur très soigné. La RTB quitte les lieux en 1974, le bâtiment vivote et décline pendant une vingtaine d’années jusqu’à ce qu’un groupe de personnalités décide de le sauver et de le restaurer. Flagey a rouvert ses portes en 2002, ses studios accueillent à présent des activités culturelles et le café Belga un public nombreux.

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    Palais de la Folle Chanson, Antoine Courtens, 1928 © MRBC-DMS 

    La loi du 8 juillet 1924 a rendu légal le principe de copropriété, d’où l’essor de la construction d’immeubles à appartements destinés à la bourgeoisie. D’abord de style Beaux-Arts, pour rassurer la clientèle traditionaliste, ils se font de plus en plus modernes, avec une structure et des fondations en béton armé, et proposent sur un seul niveau toutes les commodités réservées avant cela aux hôtels de maître : « ascenseurs, cuisines équipées, salles de bain, concierge, garages, vide-ordures, chauffage central, buanderie, placards, téléphone… »

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    Habitation personnelle et appartements, Adrien Blomme, 1928 © MRBC-DMS

    Adrien Blomme construit à l’angle de la prestigieuse avenue Franklin Roosevelt et de l’avenue Antoine Depage, en 1928, une habitation personnelle pour sa famille de six enfants et intègre dans son projet « trois petits appartements et deux plus spacieux réservés à des locataires et tout à fait indépendants de son habitation à lui et de ses bureaux », par souci d’économie. La Ville le rejette d’abord pour des motifs d’esthétique et de gabarit, puis l’accepte à la suite de l’abondant courrier de ses confrères, dont Victor Horta, pour le soutenir – « un plaidoyer pour l’architecture moderne » – et critiquer la pratique du pastiche pour le bâtiment A de l’ULB (Université Libre de Bruxelles) de style néo-Renaissance flamande (1924-1928).

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    Etablissements Citroën, Alexis Dumont et Marcel Van Goethem, 1933-1934

    Bruxelles Art Déco propose aussi de se promener du côté du canal, « du Saillant de l’Yser à l’Archiduc » (piano-bar), en passant par les Etablissements Citroën dont on a beaucoup parlé ces dernières années à Bruxelles : l’ancienne concession automobile a été rachetée par la Ville de Bruxelles en vue d’y créer un musée d’art moderne et contemporain. Depuis la fermeture du Musée d’Art moderne, les collections nationales belges du XXe d’après 1918 n’ont plus de musée ad hoc (musée sans musée) et on a appris récemment un accord passé entre la Ville et le Centre Pompidou pour y présenter d’autres collections que celles des MRBAB*.

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    L'Archiduc, Franz Van Ruyskensvelde, 1937

    L’Art Déco n’est pas réservé aux maisons, villas et immeubles, il caractérise aussi des habitations sociales, des entrepôts, des bâtiments industriels, des commerces, des bureaux, des écoles et même des hôpitaux comme Saint-Pierre ou Bordet (promenade dans le centre-ville). Quant au Palais des Beaux-Arts (photo ci-dessous) où je vous invite régulièrement, rue Ravenstein et rue Royale, certains ignorent peut-être qu’il a été conçu par Victor Horta, le maître belge de l’Art nouveau, qui a su évoluer avec le temps. Art Déco « d’une veine sobre d’inspiration classique », ce magnifique complexe rebaptisé Bozar a été récemment restauré, pour le bonheur des visiteurs de ses expositions et du public mélomane (la salle Henry Le Bœuf est réputée pour son acoustique excellente).

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    Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar)

    Le quartier Coghen « de l’Altitude Cent à l’Hôtel Haerens » abrite de nombreuses maisons particulières intéressantes pour cette période de l’architecture du XXe siècle et aussi l’église Saint-Augustin (béton armé). Les lecteurs de Bruxelles Art Déco pourront découvrir les quartiers Molière et Brugmann à Uccle, Ixelles et Forest, et enfin l’ouest de Bruxelles, « de l’église Saint-Jean-Baptiste à Tour et Taxis ».

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    Basilique nationale du Sacré-Coeur, Albert Van Huffel, Paul Rome, 1926-1971

    Sur ce dernier parcours se dresse une silhouette incontournable dans le paysage urbain bruxellois : la Basilique nationale du Sacré-Cœur (1926-1971), plus communément appelée Basilique de Koekelberg, une rivale du Sacré-Cœur de Paris et, à l’époque de sa construction, « le deuxième plus grand édifice religieux au monde. »

    * 2/11/2016 : Lire à ce sujet l’article de Muriel de Crayencour, Pompidou aurait adoré (Mu in the City)

  • Mon pavillon

    MonksHouse devant le pavillon.jpg
    "Devant le pavillon de gauche à droite : Angelica Bell, Vanessa Bell, Clive Bell,
    Virginia Woolf, Maynard Keynes et les jambes de Lydia Lopokova"

    « Mon pavillon est abattu ; le nouveau est en cours de construction dans le verger. Il y aura de larges portes en façade ; et une vue directe sur Caburn. Je pense dormir là en été. » En décembre, le nouveau pavillon, avec un nouveau fruitier à l’étage était terminé. Pour onze livres, une petite terrasse de briques fut ajoutée en 1935, et devint le lieu de prédilection pour rassembler les amis dans des chaises longues, pour bavarder, prendre le thé et regarder le jeu de boules.

    Monks House le bureau de Virginia photo Caroline Arber.jpg
    "Le bureau de Virginia. Les chemises cartonnées portent des étiquettes écrites de sa main, des dossiers de travail pour ses romans"
    Photo © Caroline Arber

    La livraison qui sauva la vieille femme d’un débat sans fin avec Virginia sur l’existence de Dieu était une grande caisse contenant « un vaste bureau » qu’elle avait acquis pour six livres et 10 shillings. « Ce n’est pas un bureau ordinaire, comme vous pourriez en trouver un à Londres ou à Edimbourgh, et qu’on voit chez tout le monde quand on va déjeuner ; celui-ci est accueillant, plein de caractère, fiable, discret, très réservé. »

    Caroline Zoob, Le jardin de Virginia Woolf

  • Le jardin des Woolf

    Même si on n’a rien lu d’elle, Le jardin de Virginia Woolf est un magnifique album à offrir aux amateurs de jardins et de fleurs – et un cadeau merveilleusement choisi pour qui aime Virginia Woolf, encore merci chère Colo. Caroline Zoob, ancienne conservatrice des lieux, signe cette « Histoire du jardin de Monk’s House » abondamment illustrée. Les photographies de Caroline Arber, les plans du jardin et des plates-bandes avec leurs légendes détaillées, les bouquets, sont un régal à part entière.

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    Le jardin des Woolf : tous deux l’ont désiré, aimé, tous deux en ont récolté les fruits, mais le jardinier, c’est Leonard Woolf qui écrira après la mort de Virginia : « Je sais que V. ne traversera plus le jardin, depuis son pavillon, et pourtant je regarde dans cette direction et je l’attends. » L’acquisition de Monk’s House (Rodmell, Sussex) est une belle histoire. Le bail de leur maison d’Asheham terminé, ils n’imaginent ni l’un ni l’autre de ne plus pouvoir quitter Londres pour la campagne dès qu’ils le peuvent. A Lewes, Virginia visite seule, en juin 1919, la « Maison Ronde », partie d’un ancien moulin, la trouve à son goût : son offre est acceptée.

    Quand elle y retourne avec Leonard, ils voient une affiche en passant : « Monk’s House, à Rodmell, maison ancienne de trois mille mètres carrés de terrain, à saisir » – « juste ce qu’il nous aurait fallu », aurait dit Leonard, que la « Round House » n’enthousiasme pas. Virginia reprend sa bicyclette le lendemain pour Rodmell, décidée à faire preuve d’objectivité : les pièces sont petites, Monk’s House manque de confort, mais les arbres chargés de fruits, les fleurs, le potager, la vue sur « l’éteignoir gris du clocher » l’emballent. A la vente aux enchères, le premier juillet, ils emportent la partie, elle « le rouge aux joues » et lui « tremblant comme la feuille ».

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    Monk's House : Le salon vert

    Dans une lettre, Virginia W. annonce : « notre nouvelle adresse est désormais Monk’s House, dotée de niches pour l’eau bénite et d’une superbe cheminée [deux niches flanquent la cheminée] ; mais la grande affaire, c’est le jardin. Je ne vous en dis pas plus, il vous faudra venir, vous asseoir sur l’herbe avec moi, ou vous promener sous les pommiers, ou grappiller des fruits – cerises, prunes, poires, figues, et des masses de légumes. C’est notre nouvel enfant chéri, je vous préviens. »

    Ni électricité, ni eau courante, ni salles d’eau, cabinet au jardin… Virginia a déjà vendu des bijoux pour payer ses médecins et infirmières, les débuts sont très rustiques, on tire l’eau à la pompe. « Durant cinq ans, Virginia et Leonard se lavèrent dans la cuisine, derrière un rideau, et dans une bassine en fer blanc. » Mais au jardin, Leonard est dans son élément : il nettoie, désherbe, taille, fait des plans. Virginia chaule les murs de la maison de couleurs vives : rouge grenade pour la salle à manger, jaune vif dans les toilettes dehors, salon en vert vif (sa couleur préférée).

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    Virginia et Leonard Woolf dans leur jardin de Monk's House
    (leur photo préférée de Caroline Zoob © Famille Keynes)
     

    Les photos des Woolf dans le jardin de Monk’s House montrent leur bonheur d’y vivre, leur entente. Au fur et à mesure de l’argent gagné, ils vont le transformer, l’embellir, acheter un bout de champ voisin pour préserver leur vue et leur intimité. Allées de briques, terrasses – notamment la « terrasse aux meules » qui intègre les meules des anciens propriétaires –, bassin aux poissons rouges… Leonard devra engager quelqu’un pour se faire aider.

    Virginia l’aide comme elle peut, tient l’échelle, fait des confitures. Elle aime écrire dans la cabane à outils, ce qui est impossible par temps froid. Plus tard, elle aura son pavillon de travail « sous l’arbre près du mur du cimetière ». Ils adorent tous deux s’installer au jardin, y recevoir leur famille, leurs amis, jouer aux boules.

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    Le pavillon de travail de Virginia Woolf à Monk's House ("Du temps de Virginia, il était moitié moins grand.
    La partie à droite de l'arbre fut ajoutée après sa mort et reçoit désormais une exposition sur la maison.")

    Caroline Zoob, dans Le jardin de Virginia Woolf, raconte et décrit chaque partie du jardin, les achats de plantes, les aménagements, le décor, les meubles, la lumière selon les saisons, au fil des années. Les variétés de plantes et d’arbustes sont nommées précisément. Son texte est émaillé de citations issues des écrits personnels du couple. Celui-ci surnommait les deux ormes qui se dressent au bord de la propriété « Leonard » et « Virginia ».

    La conservatrice de Monk’s House durant sept ans raconte aussi ce que devient le jardin « après Virginia », la relation platonique de Leonard Woolf avec Trekkie Parsons-Ritchie qui partageait sa passion pour l’horticulture et le persuadera d’installer une serre contre la maison, dans les années 50, en plus des serres du verger, pour cultiver des espèces exotiques qui lui rappellent Ceylan, et à elle l’Afrique du Sud. Leonard Woolf ne voulait pas que la maison devienne un sanctuaire, il l’a léguée à Trekkie. Celle-ci la confia à l’université du Sussex, qui y logeait des universitaires – « Saul Bellow fut horrifié par le confort primitif de la maison au point de ne pas y passer une seule nuit. »

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    La chambre de Virginia Woolf à Monk's House (carreaux de la cheminée de sa sœur Vanessa Bell,
    "avec un phare, un petit cutter aux voiles rouge sang et des touches du vert de Virginia")

    Mais le jardin en a souffert et Nigel Nicolson, le fils cadet de Vita Sackville-West, œuvra au rapprochement entre l’université et le National Trust. Avec l’aide de ceux qui l’avaient connue du vivant de Virginia et Leonard, la maison de Monk’s House a été « interprétée » dans ce sens avant d’être ouverte en partie au public : photos, tableaux, tissus reproduits, peintures recomposées, objets leur ayant appartenu. « Ce qui manque, sans doute, c’est le fouillis chaotique de livres, papiers, et les assiettes de nourritures pour chiens et chats posées sur l’escalier, dont se souviennent presque tous les visiteurs des Woolf à Monk’s House. »

  • Rosé, livre, expo

    "Rosé" est à présent publié aux éditions Espaces Regards.
     

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    Du 25 au 29 novembre, à la Maison des Femmes de Schaerbeek,

    [ Journée internationale de lutte

    contre les violences faites aux femmes ]

    une exposition autour du livre de Florence Marchal & Annabel Sougné

    253, rue Josaphat - de 9 h à 16 h.

  • Virginia à Cassis

    Glané à Toulon chez Mona lisait (la librairie d’occasion est bien située, à deux pas du nouvel embarcadère du réseau Mistral), un petit livre à la couverture irrésistible : Virginia Woolf à Cassis. Roches et failles. Les textes de Joëlle Gardes et les photographies de Christian Ramade « sont le fruit d’une rêverie autour des séjours que fit à Cassis l’écrivain anglais Virginia Woolf entre 1925 et 1929. » 

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    Rêver de Virginia dans le Cassis d’aujourd’hui, retrouver un état d’esprit, c’est le thème du premier texte, « monologue d’une visiteuse moderne », rêverie personnelle de Joëlle Gardes, qui vit entre Cassis et Paris. Le second décrit les circonstances des vacances cassidaines de Virginia Woolf. N’y cherchez pas un reportage photographique : « la rade ouverte, le phare et la lumière », voilà ce que Christian Ramade cherche à montrer ici, et « l’intimité des lieux et des atmosphères » (26 illustrations).

    Même en petit format, les photographies sont belles – deux d’entre elles illustrent le phare, celle de la couverture, reprise en double page, et une autre où se dresse près du phare, de dos, une femme en manteau devant la mer. Penser à Virginia, aller jusqu’au phare. « Ce matin, une brume flottait sur la mer et montait le long du cap Canaille. La lumière était froide et j’ai frissonné. » Ainsi commence « Ouvertures ».

    Bien sûr, on pense à La promenade au phare : « Sur le paysage bien réel de Cassis s’est superposé le paysage intime et recomposé de Saint-Ives. » Au début du XXe siècle, Cassis était à la mode. (Je vous ai déjà parlé des écrivains anglais à la découverte des charmes de Sanary et de la Côte d’Azur.) Vanessa, sa sœur, mariée à Clive Bell, puis en couple avec Duncan Grant, parle de Cassis dans une lettre à Virginia comme de « Bloomsbury-sur-Méditerranée ».

    A l’époque, au printemps, on trouvait des tulipes dans les champs – « dans ces avrils lointains où Virginia séjournait à Cassis, les tulipes rouges aux pétales pointus étaient le signe de la saison nouvelle. » En ces printemps « miraculeux », loin de Londres, des journaux et des critiques, de l’agitation, « on pouvait peut-être impunément savourer la saveur de miel du bonheur. »

    Virginia Woolf logeait à la pension « Cendrillon » qui pouvait accueillir huit pensionnaires, remplacée aujourd’hui par un hôtel sans jardin, une brasserie restaurant avec terrasse « ouverte et bruyante », au pied de la falaise, sous le château de Cassis. Le second texte, « Intérieurs », résume la vie de Virginia, née Stephen, les deuils qui l’ont marquée. Avec Leonard Woolf, épousé en 1912, elle partage son temps entre Londres et Rodmell, leur maison à la campagne, et ils voyagent fréquemment à l’étranger.

    C’est sans doute grâce à Roger Fry, « amoureux des cubistes et de Cézanne », qui faisait partie du cercle de Bloomsbury, que le groupe a découvert Cassis, la villa « Les Mimosas » et la villa « Corsica » toute proche. Vanessa loue pour dix ans la villa « La Bergère » sur le domaine de Fontcreuse, au milieu des vignes. Elle y passe plusieurs mois chaque année auprès de Duncan Grant avec leur fille Angelica, jusqu’en 1939.

    Peu après son premier séjour à Cassis, en 1925, Virginia Woolf a commencé à écrire To the Lighthouse. Deux ans plus tard, elle y rend visite à Vanessa en train de soigner Duncan, atteint d’une pneumonie. Virginia loge alors à la villa « Corsica » : sur un balcon, elle écrit une lettre à son amie Vita, elle y évoque les gens, la mer, les bouquets de tulipes sauvages. En 1928, les Woolf louent des chambres à Fontcreuse pour se rapprocher de Vanessa alors installée à « La Bergère », à deux cents mètres du château. L’année suivante, ils reviennent à Cassis en juin, il fait plus chaud, ils projettent même d’acheter une petite maison, « La Boudarde », pour vivre plus longtemps auprès de Vanessa. Les deux sœurs ne pouvaient rester longtemps sans se voir.

    Une traduction anglaise par Christopher Carsten termine cet ouvrage, plus évocateur qu'exhaustif, d’une centaine de pages en tout. J’ai laissé le cordon du livre vers le milieu, une double page pour « Les chemins de Virginia », quatre variations photographiques sur les chemins caillouteux où elle aimait marcher. « Le nom de Cassis revient souvent dans sa correspondance, écrit Joëlle Tardes, chaque fois avec émotion, comme celui du lieu où elle avait, ne fût-ce qu’un instant, éprouvé la plénitude du bonheur. »