From Brussels with love : Léopoldine Roux a posé ses couleurs à la Maison des Arts de Schaerbeek. Depuis quelque temps, sa carte postale de la rue Royale éclaboussée de jaune (l’affiche de l’exposition) me tire l’œil ici ou là, et j’ai donc poussé la porte de cette belle maison en retrait de la chaussée de Haecht dont je vous ai déjà parlé ici. Post-minimalisme et antiforme, les deux termes s’appliquent aussi à cette artiste française : elle se collette avec la peinture avant tout pour jouer avec la matière, avec les couleurs. Un art ludique.
Une série de vieilles cartes postales de Bruxelles sont accrochées dans le hall d’entrée, dans un cadre doré, des vues noir et blanc auxquelles elle redonne vie par petites touches de couleurs. Bulles multicolores dans les parcs bruxellois, pagode pâtissière au bout de la rue de la Régence, boules de crème dans les arcades du Cinquantenaire, Léopoldine Roux réinvente la ville. Des couleurs sur les stores autour de la place de Brouckère, aux abords de la prison de Saint-Gilles – du vernis à ongles ! (L’artiste avait fait parler d’elle en colorant ainsi les taches de chewing-gum sur un trottoir.)
© Léopoldine Roux, From Brussels with love, 2016 (vernis à ongles et collage sur cartes postales anciennes)
Dans la salle à manger de la Maison des Arts, sur un meuble, une cheminée, de grosses mottes blanches ou roses mettent une note incongrue. Ces sculptures brillantes, disait une animatrice à un groupe d’enfants en visite, Léopoldine Roux les couvre de peinture pour voiture (laque carrossier sur enduit et polyuréthane). Des antiformes, assurément.
A droite : © Léopoldine Roux, White Escaped, 2016 (laque carrossier sur enduit et polyuréthane)
Aux murs du premier salon, des images anciennes, le plus souvent des portraits. Elle y a posé du rose, du bleu ou du jaune, sur les visages surtout (laque ou vernis à ongles). A l’inverse, près d’une fenêtre, deux petits personnages ont pour tête une grande tache de couleur, dont le premier propriétaire de la Maison des Arts (ancienne Villa Eenens).
© Léopoldine Roux, Général Eenens Color Suicide / Marcel Duchamp Color Suicide , 2016 (laque et collage sur papier)
Sur le parquet du salon rose, Pot(e)s d’atelier : une ronde de verres, céramiques et faïences. Léopoldine Roux a superposé des pots, des bols, des tasses qui portent les traces de couleurs, de mélanges, où reste l’un ou l’autre pinceau, en une joyeuse parade de formes design. Sur la cheminée du salon rose, du rose, forcément, et aussi au milieu d’une partition sur le piano.
© Léopoldine Roux, Pot(e)s d’atelier, 2015-2016 (peinture sur verres, céramiques et faïences)
Mais c’est le vert qui a pris place à la bibliothèque, en harmonie avec ses boiseries : deux grandes toiles de trois mètres de haut s’y font face, intitulées Promenade#62 et #63, fouillis de petits points verts, bleus et blancs. Un seul livre sur un rayonnage : Alice au pays des merveilles en format de poche, ouvert et recouvert des mêmes couleurs, Livre de Promenade.
Tout a été conçu « in situ » en 2016, et jusque dans le jardin, puisque la fontaine, rebaptisée La laguna de Schaerbeek, crache une eau vert bleu (pigments biodégradables, un type d’intervention dont elle a l’habitude comme on peut le voir sur son site). En sortant pour la photographier, en ce dernier jour de novembre, j’ai eu l’impression d’entrer dans une carte postale revisitée à la manière de l’artiste, vous voyez ?
© Léopoldine Roux, From Brussels with love, 2016 (vernis à ongles et collage sur cartes postales anciennes)
Je ne savais rien de Léopoldine Roux en entrant à la Maison des Arts, aussi ai-je feuilleté les pages de son site pour me renseigner. Née à Lyon en 1979, elle a étudié à Rennes et à La Cambre, elle habite Bruxelles depuis plus de dix ans. A la radio, Pascal Goffaux a bien présenté son travail (« Bande de curieux », à écouter ici).
« La peinture en liberté, je la pratique quotidiennement et sans interdit. Une peinture décomplexée et élastique dans l’espace temps. » Si vous aimez les couleurs acidulées, « la couleur sortie du support », si la grisaille vous pèse, si la légèreté vous tente, il reste quelques jours pour découvrir la fantaisie de cette artiste contemporaine à la Maison des Arts jusqu’au 11 décembre (entrée libre).