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juifs - Page 5

  • De Modiano à Kichka

    Dora Bruder est le premier récit que je lis de Patrick Modiano, prix Nobel de littérature 2014. Je ne me souviens plus du titre d’un roman dont j’avais abandonné la lecture, ce qui ne m’arrive pas souvent, il y a bien des années.

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    Avec celui-ci, on est très vite au diapason. Au début des années 1990, Modiano lit dans un vieux Paris-Soir de 1941 une petite annonce : « On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1m55, visage ovale, yeux gris-marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussures sport marron. Adresser toutes indications à M. et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris. » Un quartier qu’il connaît depuis longtemps, où il allait avec sa mère au marché aux Puces de Saint-Ouen.

    Et le narrateur de décliner ses souvenirs du trajet qu’ils suivaient dans son enfance, de ce qu’il voyait sur le parcours à toutes les saisons : personnes, cafés, commerces, voitures, entrée du cinéma Ornano 43… « D’hier à aujourd’hui » (le titre de la rubrique où se trouvait l’annonce), les années se superposent dans sa mémoire, en particulier deux hivers : l’hiver 1965 où il habitait le quartier – il ne savait rien alors de Dora Bruder – et l’hiver 1942.

    « Il faut longtemps pour resurgisse à la lumière ce qui a été effacé. Des traces subsistent dans des registres et l’on ignore où ils sont cachés et quels gardiens veillent sur eux et si ces gardiens consentiront à vous les montrer. Ou peut-être ont-ils oublié tout simplement que ces registres existaient.
    Il suffit d’un peu de patience. »

    Ainsi, il a fini par apprendre que la famille Bruder habitait déjà là dans les années 1937 et 1938, « une chambre avec cuisine au cinquième étage, là où un balcon de fer court autour des deux immeubles ». En mai 1996, il revient dans le quartier pour observer les lieux et mener l’enquête sur l’école du quartier qu’a dû fréquenter la jeune Dora, mais aucune ne retrouve son nom. Il a mis quatre ans à découvrir sa date de naissance : le 25 février 1926, dans le XIIe arrondissement.

    Comme il n’était pas de la famille, il a dû surmonter bien des obstacles pour obtenir un extrait d’acte de naissance, qui l’a renseigné aussi sur les parents de Dora Bruder : un père autrichien, manœuvre, et une mère hongroise qui a accouché au 15, rue Sancerre, à la maternité de l’hôpital Rotschild, comme « de nombreux enfants de familles juives pauvres qui venaient d’immigrer en France ».

    Chaque élément retrouvé – date, lieu, nom, document – permet au narrateur enquêteur de restituer des bribes de l’existence de la jeune fugueuse inscrite en mai 1940 dans un internat religieux, rue de Picpus, le pensionnat du Saint-Cœur-de-Marie tenu par des Sœurs des Ecoles chrétiennes de la Miséricorde, où ses parents avaient cru sans doute la mettre à l’abri. Quand les juifs ont dû se faire recenser, à l’automne, Ernest Bruder n’avait pas déclaré sa fille.

    Mêlant les faits avérés de la vie de Dora et de ses parents à ses propres souvenirs, passant d’une époque à l’autre, de la description d’un quartier à un souvenir de lecture ou de cinéma, Modiano superpose leurs existences, trouve des points de rencontre. Ainsi, les fugues de Dora, puisqu’il y en a eu plusieurs, il les rapproche de celle qu’il a faite lui-même en 1960, bien qu’il n’y ait pour seul point commun entre elles que la saison : l’hiver.

    « Dora Bruder est autant le récit d’une vie que le récit d’une recherche. » (Jeanne Bem, Dora Bruder ou la biographie déplacée de Modiano) Peu à peu, l’écrivain rend de l’épaisseur à ces années de guerre dont il retrouve des traces, même si elles ne sont plus visibles dans le Paris contemporain – des immeubles disparus, des quartiers modifiés, des noms de rue même. En mettant ses pas dans ceux des Bruder, en accueillant les coïncidences, Patrick Modiano leur restitue une part d’existence dans le Paris de l’Occupation et les suit jusqu’à leur arrestation, leur déportation en 1943.

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    Henri Kichka

    Je terminais de lire Dora Bruder quand j’ai appris la mort de Henri Kichka, victime du Covid-19. Ce survivant des camps de concentration nazis, issu d’une famille juive d'origine polonaise, a été le seul de sa famille à survivre à la déportation (en passant par la Caserne Dossin). Une fois pensionné, Henri Kichka a été un infatigable témoin de la Shoah, en particulier auprès des jeunes, participant à de nombreux voyages commémoratifs à Auschwitz. Fidèle au devoir de mémoire, il était une figure bien connue en Belgique. Son fils Michel a mis sur son blog leur arbre généalogique, dessiné pour ses 90 ans. Henri Kichka était né à Bruxelles, le 14 avril 1926, moins de deux mois après Dora Bruder.

  • Voilà comment

    dalembert,avant que les ombres s'effacent,roman,littérature française,pologne,allemagne,france,haïti,nazisme,exil,réfugiés,juifs,langue française,famille,culture« Voilà comment, trois mois après son arrivée, le Dr Schwarzberg brûla son dossier de demande de résidence aux Etats-Unis, sans en toucher mot à la famille, oncle Joe excepté. Cela le concernait lui, et lui seul. L’envie l’avait pris un jour en début de soirée. Il était rentré de l’hôpital, fourbu, mais heureux d’une journée de travail débutée sur le coup de sept heures du matin. Il en avait ramené la sensation d’être plus utile qu’il ne l’aurait jamais été à Berlin, même sans la folie nazie. Il s’était installé sur la terrasse, dans un de ces fauteuils à bascule que les Haïtiens appellent dodine, un accessoire nouveau pour lui, qui lui permettait de décompresser après les longues journées de consultation. dalembert,avant que les ombres s'effacent,roman,littérature française,pologne,allemagne,france,haïti,nazisme,exil,réfugiés,juifs,langue française,famille,cultureLa baie de Port-au-Prince s’étendait à ses pieds, à demi noyée par le bref crépuscule en fin de parcours. Il s’était versé un verre de rhum vieux, en avait avalé une bonne rasade, comme maintenant face à Deborah, avait craqué une allumette et mis le feu au dossier de plusieurs pages qu’il avait regardé se consumer, puis se réduire en cendres. Le papier avait cramé très vite, avant même qu’il n’ait eu le temps de siroter une troisième gorgée du nectar de canne. Il avait ressenti un énorme soulagement, comme après s’être débarrassé d’un fardeau. Le lendemain, il s’était réveillé dans la peau d’un homme nouveau : celle d’un Haïtien, pas tout à fait un natif-natal, puisqu’il n’avait pas vu le jour dans le pays, mais pas loin. »

    Louis-Philippe Dalembert, Avant que les ombres s’effacent

  • De Pologne en Haïti

    Louis-Philippe Dalembert raconte, dans Avant que les ombres s’effacent, l’étonnante destinée du Dr Ruben Schwarzberg. Cette histoire attachante emmène le lecteur avec lui de Pologne à Berlin puis Haïti, en passant par Paris. Le roman illustre un fait d’histoire méconnu : en 1939, l’Etat haïtien a décidé d’octroyer la naturalisation immédiate à tous les Juifs qui le souhaitaient ; en 1941, il a déclaré la guerre au IIIe Reich et au Royaume d’Italie.

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    Lettre de naturalisation délivrée en 1940 suite au décret-loi du 29 mai 1939
    octroyant la nationalité aux réfugiés juifs d’Haïti 
    (Source : la maison d'Haïti)

    Ruben naît en 1913 à Lödz, « ville polonaise sous administration russe » où la communauté juive comptait pour un tiers de la population, dans une famille de fourreurs. C’est Salomé, sa sœur aînée, qui a choisi son prénom, d’après le mot « rubis » dont elle aimait la consonance, pêché dans un livre où elle apprivoisait le français : De l’égalité des races humaines, « écrit par le médecin et intellectuel haïtien Anténor Firmin ».

    A son tour, Ruben apprend à lire le français dans ce livre, aidé par sa sœur et « petite mère ». « Elle fut la première à lui apprendre que des Polonais « comme [eux] » avaient aidé le pays d’origine de l’auteur à devenir indépendant. » Mais au vieux docteur installé en Haïti, les souvenirs de Lödz sont vagues, à part l’odeur de la maison venant de l’atelier du père. Quand il a cinq ans, après qu’une quarantaine de Juifs « avaient trouvé la mort sous les balles des soldats de leur propre pays » à Pinsk, toute la famille, poussée par tante Ruth, prend la direction de Berlin et s’établit à Charlottenbourg.

    Très vite, les affaires prospèrent. A l’école publique – « une école confessionnelle aurait constitué un repli sur soi » –, Ruben se montre excellent élève, encouragé par sa sœur. Il termine sa deuxième ou troisième année à l’école de médecine de Berlin l’année où « le petit caporal accéda au pouvoir ». La famille vient de fêter les quarante ans de tante Ruth, le 9 novembre 1938, quand Ruben et son père découvrent des graffiti antisémites sur le rideau métallique de l’atelier. Comme ils décident d’aller porter plainte au commissariat, ils découvrent les saccages et les violences de la Nuit de Cristal. Des voyous ont vu la kippa du père, ils leur échappent grâce à une portière qui s’ouvre : « Montez. » Une voiture de la légation d’Haïti.

    Une fois le mariage de Salomé célébré, sobrement, c’est à nouveau tante Ruth qui les pousse à partir. Pour elle-même, c’est clair, il faut aller vivre en Palestine, y fonder un Etat. Les autres ne sont pas emballés à l’idée de refaire leurs valises. Le père de Ruben préférerait le soleil de Haïti ; sa mère, Paris. Tante Ruth juge imprudent de rester en Europe et conseille un exil aux Etats-Unis où Salomé va de toute façon suivre son mari professeur. Tous y obtiennent l’asile, sauf oncle Joe et Ruben, « majeurs et célibataires », sans recevoir d’explication. Près de la gare de Hambourg, l’oncle et le neveu seront pris dans une rafle, jetés dans un train qui les emmène à Buchenwald.

    « Longtemps, le Dr Schwarzberg choisirait de taire cet endroit sur lequel tant de choses seraient racontées, filmées, écrites, peintes, chantées, sculptées, sans épuiser l’étendue des abominations qui y furent perpétrées […] ». Un certain « Johnny l’Américain », enfermé là pour la couleur de sa peau, travaille comme aide-soignant à l’hôpital des détenus où Ruben est bientôt affecté. Quand l’oncle Joe apprend que deux camarades ont été libérés grâce à des contacts, Ruben écrit à un ancien professeur de Berlin ; il est libéré avec son oncle à l’occasion du cinquantième anniversaire du Führer. A Berlin, son professeur propose alors de les aider à émigrer à La Havane.

    Mais à Cuba, tous ceux qui ont embarqué sur le Saint Louis le 13 mai 1939 ne sont pas autorisés à débarquer et l’errance des réfugiés renvoyés chez eux émeut l’opinion publique. Ruben demande l’asile en France pour un séjour provisoire, dans l’idée de rejoindre sa famille aux Etats-Unis. La suite de son histoire viendra après un bond dans le temps : en 2010, le vieux Dr Schwarzberg accueille à Haïti la petite-fille de sa défunte tante Ruth, Deborah, et c’est sur son insistance qu’il revient sur son passé.

    A côté de la famille de Ruben, Dalembert campe de beaux personnages secondaires, notamment celui d’Ida Faubert, grande dame et femme de lettres haïtienne du XVe arrondissement que Johnny avait recommandée à Ruben s’il arrivait un jour à Paris. L’amour de la langue française et l’hospitalité haïtienne sont des constantes dans Avant que les ombres s’effacent, où l’histoire de Ruben s’enracine dans les relations fortes qui le soutiennent tout au long de sa vie.

    Dalembert est un vrai conteur, son style narratif à la fois précis et familier rend les vicissitudes des Schwarzberg sans lourdeur – ni légèreté pour autant. La tendresse, l’humour s’infiltrent jusque dans les épisodes les plus dramatiques. Plusieurs fois primée, cette fiction – faut-il le dire – renvoie à l’actualité d’un monde où les réfugiés ne trouvent pas toujours un accueil à hauteur de la dignité humaine.

  • Tziganes

    « L’occupation nazie a des conséquences catastrophiques pour les Tziganes d’Europe. Persuadés d’appartenir à une race supérieure, les nazis veulent se débarrasser des « asociaux » et des individus « inutiles à la société ». Dans cette perspective, les Tziganes sont condamnés d’avance. Ils seront finalement exterminés en masse. (…)

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    Mais qui est Tzigane ? Ce n’est pas l’occupant allemand, mais l’administration belge qui, fin 1941, prend l’initiative d’enregistrer sous la contrainte les Tziganes en tant que « race ». Des problèmes dans la distribution des timbres de ravitaillement servent de prétexte à cette décision. L’enregistrement est effectué par la gendarmerie, qui arrête temporairement les intéressés et leur procure une « carte de Tzigane ». Après les Juifs, les Tziganes deviennent ainsi la deuxième catégorie ethnique officielle en Belgique occupée. »

    Kazerne Dossin, Holocauste et Droits de l’homme, Communauté flamande, 2012.

  • Kazerne Dossin

    Depuis son inauguration en 2012, je m’étais promis de visiter le Musée et Centre de Documentation sur l’Holocauste et les Droits de l’Homme à Malines, connu sous le nom de Kazerne Dossin. C’est un lieu de mémoire essentiel en Belgique : de la caserne Dossin sont partis, de 1942 à 1944, vingt-huit convois de transport, en tout 25 274 Juifs et 354 Tziganes déportés par les nazis vers les camps de concentration, principalement Auschwitz-Birkenau.

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    Entrée du musée et logo

    Le musée se situe juste en face de la caserne Dossin, « édifiée en 1756 sur ordre de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche comme quartier pour des soldats autrichiens » et qui porte le nom d’un général liégeois « glorifié en Belgique pour sa conduite héroïque lors de la bataille de l’Yser » en 1914. Vous pourrez lire sur le site de Kazerne Dossin l’histoire de ses affectations successives. A mi-chemin entre Bruxelles et Anvers, villes où vivaient la plupart des Juifs, ce fut le camp de rassemblement des Juifs et des Roms de juillet 1942 à septembre 1944, avant leur déportation. Deux tiers des déportés ont été gazés dès leur arrivée. Au moment de la libération des camps, seuls 1395 d’entre eux étaient encore en vie.

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    Rassemblement dans la cour intérieure de la caserne Dossin en 1942
    Plaque commémorative apposée en 1948

    Une plaque commémorative, apposée au mur de la caserne en 1948, attire l’attention vers ce bâtiment blanc : j’ai pensé à JEA (Jean-Emile Andreux) qui m’avait parlé du combat mené pour éviter à ce lieu d’être rasé et s’indignait de sa transformation en appartements. Une partie a été finalement dédiée au Musée juif de la Déportation et de la Résistance ouvert en 1995, sous la présidence de Natan Ramet, rescapé des camps. Vu l’afflux de visiteurs, il a été décidé de construire un nouveau musée juste en face, celui que j’ai visité.

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    Mur de portraits (vue partielle) / Panneau explicatif

    A chaque étage, un mur couvert de visages – hommes, femmes, enfants – affiche d’emblée une intention : rendre hommage à tous ceux dont la vie a basculé en passant par ici et s’interroger : pourquoi ? comment ? On rappelle d’abord comment vivaient alors les Juifs en Belgique, la plupart « installés depuis plusieurs générations et parfaitement intégrés » et l’afflux, dans les années trente, de Juifs d’Europe centrale et orientale fuyant la pauvreté, puis la discrimination et les pogroms. A divers endroits du musée, on peut voir et écouter sur écran cinq témoins, survivants de la Shoah, qui racontent leur vie et les événements qui l’ont bouleversée tragiquement. (Tout est proposé en trois langues : néerlandais, français, anglais.)

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    Des survivants de la Shoah : Fortunée Ariel (1926-2008) / Cinq témoins

    En novembre 1941, l’occupation allemande oblige les Juifs à constituer un conseil, l’Association des Juifs en Belgique. C’est le début d’une série de mesures discriminantes qui vont les empêcher de vivre normalement et déboucher sur les arrestations et la déportation. Puis on s’en prend aux Tziganes, rejetés par une partie de la population et eux aussi « fichés » sur des listes. Toutes sortes de documents en témoignent, sur cinq étages : courrier administratif, affiches, papiers d’identité, photographies, cartes, listes… Quelques objets, comme le carnet de poésie d’Anna Rubinzstajn, enfant cachée qui a survécu, ou celui de Karola Jalowiec, confié à un ami non juif juste avant d’entrer à la caserne Dossin.

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    Calendrier des mesures discriminatoires / pages du carnet d'Anna R. et de l'album de Karola J.

    Ces années noires sont racontées non pas à la manière d’un livre d’histoire, même si les faits sont chaque fois bien décrits et commentés en légende, mais en mettant à l’avant-plan des êtres humains : victimes, résistants, témoins et aussi collaborateurs, bourreaux. Kazerne Dossin aborde la Shoah dans une perspective belge, rappelle l’histoire de la guerre en Belgique et l’attitude des autorités belges – « un manque de courage et un refus systématique de prendre ses responsabilités » par rapport à la persécution des Juifs, excepté quelques fonctionnaires « courageux » comme le bourgmestre de Bruxelles, Joseph Van de Meulebroeck. Les différences entre les régions apparaissent clairement : « Bruxelles s’est conduite avec davantage de générosité qu’Anvers à l’égard de ses citoyens juifs. » (Kazerne Dossin, Holocauste et Droits de l’homme, Communauté flamande)

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    Proclamation du bourgmestre Van de Meulebroeck / Carte allemande des sabotages de début décembre 1943

    Tant de portraits accrochent le regard. J’ai été particulièrement touchée par la présentation des victimes des 28 convois partis de Malines : en dessous de chiffres éloquents, convoi par convoi, des photos de personnes déportées dans leurs activités d’avant-guerre, de moments heureux, présentées dans des cadres dorés. En s’approchant, on distingue une mention très discrète sous chacune d’elles : numéro du convoi, numéro d’inscription (donné à la caserne Dossin). Des personnes rendues à leur dignité, à leur vie perdue.

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    Quelques portraits parmi les déportés des premiers convois (leurs noms figuraient plus bas) 
    Infographie : Bilan du génocide des Juifs durant la seconde guerre mondiale

    A l’étage de « La mort », des camps, les photos sont glaçantes. L’horreur des exterminations de masse au bord de fosses communes, femmes nues serrant leur enfant dans les bras, pressées les unes contre les autres, avant et après. Personnel des camps qui s’amuse, prisonniers qui souffrent. Certains artistes ont dessiné ou peint ce qu’ils voyaient, des témoignages de terreur sur les fours crématoires, .

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    kazerne dossin,musée,holocauste,droits de l'homme,malines,belgique,occupation,shoah,collaboration,résistance,allemagne,déportation,juifs,tziganes,roms,témoignages,histoire,cultureDeux ceintures brodées par Rosa Mandel brodant des scènes de la vie à la caserne Dossin où elle a été détenue pendant près de deux ans
    Projet Charlotte – Esra (Charlotte Klipstein, 93 ans – Esra, 12 ans, réfugiée dans un centre d’accueil de la Croix-Rouge) : Es-tu heureux ? Qu’est-ce que le bonheur signifie pour toi ?

    La question des Droits de l’homme est abordée ici et là dans le musée, en rappelant d’autres génocides, en interpellant sur la situation actuelle des migrants. Cela m’a paru à la fois un peu plaqué sur les réalités historiques dont Kazerne Dossin porte témoignage et trop brièvement évoqué. Des groupes de jeunes visitaient le musée, certains avec des guides, d’autres par petits groupes aux réactions parfois immatures (défense contre l’émotion ?) Kazerne Dossin est un excellent instrument de réflexion sur l’histoire qui nous met en face de questions auxquelles personne ne peut se dérober.