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Flem au fil du temps

Qu’il est gai à lire, ce petit livre rouge ! Dans Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans, Lydia Flem emboîte le pas à Perec à qui elle dédie son texte en 479 fragments ; le premier lui a donné son titre. Elle se souvient « de Sami Frey en costume sur son vélo, jouant à l’Opéra-Comique, les quatre cent quatre-vingts « Je me souviens » de Georges Perec. »

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Le titre annonce la couleur, toutes les couleurs : les verts, les bleus, les jaunes, les noirs, les rouges, les gris, et ces noms délicieux qui en disent les nuances. Mais l’imperméable de ses vingt ans n’est pas moins distributif. Le fil rouge de Lydia Flem, ce sont ces « mots merveilleux » que sa mère couturière prononçait, comme « crêpe de Chine, fil d’Ecosse, ciel de lit, ceinture coulissante, gros-grain, pattemouille ». Certains mots sont des bonbons d’enfance.

« Je préférais les textes aux textiles. » Si elle reprend au Dictionnaire de l’Académie française l’exemple d’une vie « tissue de chagrins et d’infortunes », à Proust celui d’une prairie « tissue seulement avec des pétales de poiriers en fleurs » – participe passé de l’ancien verbe tistre (tisser)– c’est qu’ils sont textiles, autant visuels que tactiles, ses souvenirs de vêtements portés ou remarqués au fil du temps, qu’il s’agisse des siens ou de ceux des autres. Derrière le texte et le tissu, un même mot latin, « textus ».

Des personnes élégantes s’y invitent : Inès de la Fressange, Julie Andrews dans Victor Victoria, Diane Keaton avec sa garde-robe masculine dans Annie Hall, Jack Lang, et aussi ses parents, sa mère avec sa collection de chemisiers allant du blanc à l’ivoire, son père aux costumes sur mesure lui laissant choisir sa cravate, elle-même écoutant le conseil de Grisélidis Réal en 1974 : « Osez l’élégance. »

Le plus souvent, Lydia Flem tire les fils de son passé personnel, mais comme cette Bruxelloise & Parisienne est notre contemporaine, ses souvenirs croisent parfois les nôtres. On tombe, par exemple, sur le nom d’une boutique où on est déjà allée, ou sur « une robe en lin vert pomme » achetée à Milan avec ses parents : « ras du cou, sans manches, de forme trapèze » – la description exacte de cette robe en laine vert pomme que je portais, parfois au-dessus d’un fin col roulé, du temps de mes premiers bas nylon.

Vous aussi, peut-être, vous avez porté « Rive gauche » de YSL ou une de ces « vestes afghanes brodées en mouton retourné » des années hippies ? La mienne prenait trop de place dans la garde-robe, je l’ai donnée un jour aux Petits Riens. Et ces « longs rubans à chapeau qui flottent dans le dos nommés : « suivez-moi-jeune-homme »Vous qui brodez, cousez, taillez, vous trouverez votre bonheur dans ce livre qui égrène les mots justes, les expressions précises pour désigner les étoffes, les plis, la forme d’une manche. Pour ArtisAnne, voici le souvenir 461 : « Je me souviens que parfois coudre c’est méditer. »

150 « Je me souviens qu’on s’habille un peu pour soi et beaucoup pour les autres. » 175 « Je me souviens qu’un vêtement lorsqu’il est choisi est une arme de séduction et de pouvoir ; imposé, il devient la marque de l’infériorité et d’une insupportable soumission. » 180 « […] A ces trois motifs de protection, de pudeur et de parure, Barthes en a ajouté un quatrième : le port du vêtement comme un acte de signification, un acte profondément social ». »

Entre autres associations de la mémoire, voilà un tailleur gris perle et un baisemain, un chemisier rose pâle et Ménie Grégoire, Colette en spartiates tropéziennes pour prononcer son discours de réception à l’Académie royale de Belgique, une robe en tissu Liberty et la Provence. Entre autres oppositions : le chic et le neuf, le bouton français cousu en parallèle et le bouton anglais cousu en croix.

Un « index subjectif » très détaillé (une trentaine de pages) – une coquetterie ? – permet de retrouver un sujet ou l’autre et d’observer des occurrences (et toute une page de titres de films). Enfin, la liste des livres de Lydia Flem traduits (en une vingtaine de langues), à retrouver sur son blog, montre l’énorme succès de Comment j’ai vidé la maison de mes parents et aussi des essais sur Freud et Casanova.

En plus des tenues et des tissus, Lydia Flem se souvient bien sûr des accessoires – chaussures, turbans,  ceintures – auxquels elle attribue certaines vertus toutes personnelles : « Je me souviens que nous accordons de la magie à certains vêtements, foulards, bijoux. Avec le secret espoir que ces talismans puissent infléchir le destin. » Cela vous arrive-t-il ?

Commentaires

  • Dans le style de Pérec aussi, on m'a recommandé 209 rue de Maur de Ruth Zylberman, mais je ne l'ai pas lu, ni celui dont tu parles, qui, pourtant, au vu de l'article m'intéresserait.
    Le monde est drôle. figure-toi que, pour un mariage, je loue une maison airBnB (moi même accueillant d'ailleurs des hôtes!) et je tombe sur quelqu'un dont la fille m'a eue étant élève...et qui est devenue prof de français....
    PS je ne savais pas du tout cette histoire de boutons anglais et français. Où va se nicher la différence!

  • Merci pour cet autre titre que je ne connais pas. Celui-ci pourrait te plaire en tout cas.

  • c'est vrai qu'il y a tout un vocabulaire très spécialisé en couture, ça me rappelle ma grand-mère Adrienne :-)

  • De bons souvenirs, tant mieux. Bonne journée !

  • J'ai lu "Comment j'ai vidé la maison de mes parents" d'elle et "Lettres d'amour en héritage" (avant le blog). Celui que tu viens de lire me plairait tout autant je pense et je suis très tentée par le dernier "Paris fantasme". J'ai aimé son passage à la Grande Librairie.

  • Un livre très agréable à lire, je te le conseille.

  • Un livre qui doit être une délice de lecture, entre souvenirs, tissus, couleurs, je repense après avoir lu à ton billet à tant de vêtements de jeunesse aussi, comme toi !

  • Oui, une chouette lecture qui réveille la mémoire des choses d'antan.

  • une auteure que j'aime bien, depuis ma lecture d'une bio de Freud je me suis toujours intéressé à ses écrits j'ai bien aimé "je vide la maison" du moins un titre approchant car il m'avait beaucoup touché

  • Son plus grand succès, je pense - un sujet universel.

  • Voilà un titre que je note immédiatement, j'aime tellement ce qu'écrit Lydia Flem !

  • Bonne lecture un jour ou l'autre, Anne.

  • Déjà lu l'auteur (excellent souvenir) donc peut être, un mois belge...

  • Bon amusement quand tu ouvriras ce livre-ci, le deuxième titre que je découvre de Lydia Flem.

  • Coquetterie de poète, voire élégance ?

  • Merci pour vos articles et surtout merci d'avoir souligné les mots " texte et tissu" dans votre article.
    Ces mots renvoient au site de la créatrice textile Jacqueline Fisher qui est aussi une poétesse de talent.
    Joie de la recroiser par votre intermédiaire !
    Merci de faire lien entre tous les créateurs de beauté.
    Catherine

  • Bienvenue, Catherine. Mes recherches sur la Toile m'ont menée vers cet article sur le site "Du textile aux textes" et je l'ai trouvé intéressant à mettre en lien avec le sujet de ce billet sur un livre qui va plutôt du texte aux textiles - ça se répond.
    Je ne connaissais pas la poésie de Jacqueline Fisher dont j'ai trouvé ce texte-ci : https://linstantpoeme.wordpress.com/2021/04/15/jacqueline-fischer-7/

  • Merci pour votre accueil.

  • Bizarrement, Catherine, la suite de votre commentaire n'est pas passée, ça doit être à cause des émoticônes. Je le complète ici d'après le message reçu de BlogSpirit. Merci pour le lien.

    "Merci pour votre accueil. Je suis une passionnée de poésie et j'ai découvert Jacqueline Fisher sur les réseaux sociaux, à savoir Facebook. Son œuvre textile est magnifique, son parcours poétique vaste et singulier, comme je les apprécié. Pour celles et ceux qui s'intéressent à la poésie, je me permets de mettre un lien qui parle de sa poésie. Je précise que je ne suis pas editrice du tout! Simplement, comme vous, j'aime à partager la beauté et je me pose en simple lectrice. http://www.lelitteraire.com/?p=68293 Belle soirée à vous!"

  • Quel article adorable ! Mais oui, coudre (ou tricoter, ou broder), c'est un moment de prière ou de méditation. J'aime beaucoup ce vocabulaire si riche et si coloré, et joyeux. C'est le sentiment qui me vient à l'évocation de ce livre. Merci !

  • Merci, Marie. C'était une lecture très plaisante, légère, juste ce qu'il faut parfois.

  • Belle découverte, l'amateur d'oulipismes divers que je suis note immédiatement ! Merci.

  • Avec plaisir, K, à bientôt.

  • Un ravissement cette lecture d'après ce que j'en lis, le vocabulaire des couturières (et couturiers) est tellement imagé ! Et j'ignorais (mes cours de latin sont loin....) que "tissu" et "texte" avaient la même origine.
    Merci Tania, je note ce livre qui semble délicieux !

  • Il me semble qu'il devrait te plaire, celui-ci.

  • J'en suis certaine. Merci Tania !

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