Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jean-baptiste - Page 2

  • Belgique LMNO...

    Nouvelle balade dans le Dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian : cette fois nous irons de Laeken jusque chez Thomas Owen (qui a habité pas loin de chez moi). Je vous ai déjà présenté les Serres royales de Laeken, mais jamais je n’ai mis les pieds au « Père-Lachaise » bruxellois selon certains, à savoir le cimetière de Laeken où Baronian a eu « la curieuse impression de dégringoler les âges à la vitesse de l’éclair » dans une « métropole totalement désuète et, qui plus est, d’une laideur infinie ». Dans ce « gris répulsif », que de « Belges qui ont fait la Belgique », pourtant !

    Baronian Van den Abeele.jpg
    Albijn Van den Abeele, Bois de sapins en février, 1900
    (en couverture du catalogue Le premier groupe de Laethem-Saint-Martin 1899-1914, Bruxelles, 1988)

    A « Laethem-Saint-Martin », on respire mieux, avec les deux groupes d’artistes de ce « foyer de la peinture et de la sculpture flamandes du XXe siècle ». Un millier d’habitants vers 1900, quand les premiers s’y installent, neuf fois plus (« près de vingt fois plus si on compte la population de Deurle, la commune limitrophe ») aujourd’hui dans cette région cossue où musées et galeries d’art prospèrent. Baronian rappelle ce qui motivait ces artistes et admire Bois de sapins en février, chef-d’œuvre de Van den Abeele : « Le mystère de la lumière verte dans tous ses états. Le mystère tout court sublimé par des arbres. Un miracle. »

    La littérature française de Belgique prend volontiers sa source officielle dans La Légende d’Ulenspiegel de Charles de Coster (1827-1879), roman passé presque inaperçu à sa parution en 1867, écrit Baronian, mais relancé par diverses rééditions, surtout posthumes, et par le monument élevé aux étangs d’Ixelles en hommage à l’écrivain volontiers archaïsant, représentant le couple héroïque, Thyl Ulenspiegel et Nele (j’ai vu passer l’une ou l’autre fois la sculpture de Charles Samuel, en bronze et en format réduit, mais à des prix hors de ma portée.)

    Baronian Leirens affiche.jpg

    Si comme moi, vous ignoriez le nom du photographe Willy Kessels (devinette du billet précédent), celui de Charles Leirens devrait être plus familier à ceux qui fréquentaient l’ancienne librairie du palais des Beaux-Arts tenue par la Promotion des lettres belges de langue française : on y trouvait en cartes postales ses beaux portraits d’écrivains et d’artistes. Baronian nous apprend qu’il était féru de musique, lui-même compositeur, organisateur de concerts marquants, notamment à la Maison d’Art qu’il avait fondée avenue Louise. « Grand photographe, grand mélomane et grand animateur culturel : j’ai beau chercher, je ne vois pas quel nom je pourrais mettre en regard de celui de Charles Leirens », conclut Baronian.

    Je ne m’attarderai ni sur nos anciens rois Léopold I, II et III, ni sur « Lemaître », « Lemonnier », « Leys », ni sur « Liège », qui le méritent assurément. Pardonnez-moi de quitter le L, mais (comme dans ma bibliothèque) la lettre M qui suit est la plus fournie dans ce dictionnaire : 23 entrées en commençant par « Maeterlinck » et « Magritte », c’est une gageure d’en rendre compte. Alors tant pis (tant mieux pour vous quand vous ouvrirez ce Dictionnaire amoureux de la Belgique), pas de « Meunier (Constantin) » ni de « Mer du nord » ni même de « Moules », je m’arrêterai sur un seul article en M.

    Baronian Misonne Brouillard.jpg
    Léonard Misonne, Brouillard et poussière, 1908

    C’est au Musée de la photographie à Charleroi que j’ai vu les œuvres de Léonard Misonne – on hésite à nommer « photographies » les créations de ce photographe impressionniste. Méconnu, affirme Baronian, parce que la photographie pictorialiste (imitant la peinture) « a totalement été déconsidérée après la seconde guerre mondiale » au profit de la photographie réaliste et documentaire. Misonne composait des « tableaux photographiques », souvent des paysages champêtres, des scènes de ville aussi, et toujours avec une lumière, une atmosphère particulière.

    Bien sûr, à M vous trouverez bien « Mons » et à N « Namur » ! Puis les écrivains se succèdent : Norge précède Amélie Nothomb et Paul Nougé. Thomas Owen n’est pas loin, juste derrière « Ostende », où Baronian invite Stefan Zweig (La saison à Ostende), Henri Storck qui a filmé « Ostende, reine des plages » du temps où elle était ce qu’elle n’est plus (mais elle a de beaux restes), et bien sûr les deux grands peintres ostendais, James Ensor et Léon Spilliaert.

    Désolée de terminer ce billet sur un mode énumératif, je vous promets pour le prochain un extrait plus... élégant.

  • Coup d'archet

    Baronian grumiaux_arthur.gif« Au vrai, ce soir-là, il m’a profondément bouleversé et, chaque fois que j’entends le Concerto de Mendelssohn, je le vois, lui, Arthur Grumiaux, je le vois et le revois au Palais des Beaux-Arts, tout inhibé, comme en retrait de l’orchestre et de l’assistance, mais faisant jaillir de son instrument les timbres les plus magiques. C’est ce que disent et répètent d’ailleurs tous les mélomanes, tous les critiques : la pureté du style, la beauté lumineuse de la sonorité, l’élégance du coup d’archet. » 

    Jean-Baptiste Baronian, « Grumiaux, Arthur » in Dictionnaire amoureux de la Belgique

    Photo : Arthur Grumiaux (Wallonie en ligne)

  • Belgique GHIJK...

    Bien sûr, Jean-Baptiste Baronian ne pouvait manquer de passer par Gand dans son Dictionnaire amoureux de la Belgique, ni d’évoquer deux écrivains qui me sont chers, différents à tout point de vue – seule leur initiale les rapproche : Marie Gevers et Michel de Ghelderode.

    Cassiers Hôtel de Ville de Bruxelles.jpg
    Hôtel de Ville de Bruxelles par Henri Cassiers (1858-1944)

    Chez la « dame de Missembourg », les chroniques sur la nature, les « relations de voyages » et « recueils de textes plus ou moins anecdotiques » constituent « la part la plus originale de son œuvre », selon Baronian. Ce qu’il écrit à propos de L’Herbier légendaire et de Parabotanique est fort tentant  (je n’ai lu ni l’un ni l’autre, les deux livres semblent épuisés). Quant à l’article sur Ghelderode et son « carnaval scénique », j’y ai appris le mot « middelmaestisme » par lequel l’écrivain désignait « la manie belge des compromis » (voir § 7).

    Aux amateurs du ballon rond, je signale un bel hommage à Raymond Goethals à qui « aucun entraîneur de football à travers le monde ne ressemblera jamais ». Aux amateurs de la petite reine, un article sur Grammont, pour le fameux « mur de Grammont » que doivent franchir les coureurs du Tour des Flandres, « sorte de mont Ventoux en miniature » – et aussi, entre autres spécialités dont je vous laisse la surprise, pour la tarte au maton, dont le nom « tarte au maton de Grammont » est désormais protégé (on la fabrique aussi ailleurs en Belgique.)

    Le plus surprenant, à cette lettre « G », c’est l’incroyable « Guerre de la vache et les Ronds du Hainaut », une affaire méconnue qui a vu périr bien des humains au Moyen Age… pour un vol de vache. On n’attendra pas le « J » pour regretter le beau revers de notre « Juju » nationale : Justine Henin récolte plus de trois pages à la lettre « H », pas mal. Hergé et Horta feront mieux, on s’en doute.

    Et pourtant, c’est Victor Hugo qui gagne la première place : « De 1837 à 1871, il est venu dans le pays une bonne quinzaine de fois et, certaines années, il y a effectué de longs séjours. » Non seulement, il y a beaucoup écrit, mais il a beaucoup dessiné, parfois au lavis, au cours de ses voyages dans différentes villes belges. Hugo s’extasiait devant l’hôtel de ville de Bruxelles, « une éblouissante fantaisie de poète tombée de la tête d’un architecte ».

    A « Humour », vous assisterez à une malicieuse estocade sur la façon dont les Français parlent du rire belge et des Belges, vous rencontrerez du beau monde dans le décalé voire dans l’absurde, et pas seulement Philippe Geluck, figure bien connue outre-Quiévrain. J’y inclurai d’ailleurs Baronian lui-même pour avoir introduit un seul sujet à la lettre « I » : I comme « Informateur ».

    Par les temps qui courent, vous songez peut-être aux indicateurs de police, pas du tout. C’est l’occasion de revenir sur un épisode peu glorieux d’histoire contemporaine : la Belgique est restée 541 jours sans gouvernement en 2010-2011, au cours desquels le roi a dû nommer successivement des informateurs, médiateurs, conciliateur et clarificateur avant de pouvoir nommer un formateur (Elio di Rupo).

    Un seul « J », trois « K » : je terminerai par une devinette – sans tricher, n’est-ce pas ? (Abstenez-vous si vous possédez ce Dictionnaire amoureux de la Belgique.) Que suggérez-vous pour ces entrées ? Non, pas « Juju », je vous l’ai dit (§ 4). Les paris sont ouverts – des paris « belges », cela va sans dire. (Un indice : deux peintres.)

  • Folon dans le métro

    Baronian Folon Montgomery.jpg« La station de métro Montgomery à Bruxelles est décorée d’une gigantesque fresque de Jean-Michel Folon (1934-2005). Chaque jour, d’innombrables voyageurs passent devant, mais ceux qui la contemplent, ne serait-ce qu’une poignée de secondes, sont des plus rares. Je sais de quoi je parle : avant d’écrire la présente notice, je suis allé à deux reprises me poster devant la fresque, l’air de lire mon journal ou d’attendre quelqu’un, et j’ai observé du coin de l’œil, un bon quart d’heure, l’incessant va-et-vient. Les deux fois, personne ne m’a donné l’impression de regarder la fresque. […] »

    Jean-Baptiste Baronian, « Folon, Jean-Michel » in Dictionnaire amoureux de la Belgique

    Photo La Libre.be : "Le métro, ce musée souterrain" par Lauranne Garitte (31/8/2014)
    Reportage photo
    © Jean-Christophe Guillaume 

    ***

    Deux émissions consacrées à Bruxelles sur France Culture (merci de me les avoir signalées, Aifelle) :
    Villes-Mondes : Bruxelles en belgitude et en amour vache (10/1/2016)
    Villes-Mondes : Babel Bruxelles (17/1/2016)

  • Belgique CDEF...

    A la lettre C de son Dictionnaire amoureux de la Belgique, Jean-Baptiste Baronian rend hommage à Maurice Carême dont les poèmes, « quoi qu’en pensent les cuistres », sont si populaires à travers le monde qu’« il existe quelque deux mille huit cent cinquante mises en musique de ses textes ! »

    baronian,jean-baptiste,dictionnaire amoureux de la belgique,culture,essai,littérature française de belgique,écrivain belge,histoire,art
    La bibliothèque du Château de Beloeil © ASBL Fonds Château de Beloeil

    On compte à peu près le même nombre de châteaux dans notre pays, de toutes les sortes, et Baronian qui s’avoue attiré par la vie de château s’installerait volontiers à Beloeil pour lire les œuvres complètes du prince de Ligne. Il y aurait forcément du chicon à table, « cette excellente variété d’endive » nommée « witloof » (feuillage blanc) en flamand, et bien sûr du chocolat (on compte actuellement près de sept cents chocolatiers belges).

    Après quelques écrivains – Hugo Claus pour son Chagrin des Belges, Gaston Clément pour Le conseiller culinaire (1947), Jacques Albin Simon Collin de Plancy (un Français) pour son Dictionnaire infernal et son Histoire de Manneken-Pis racontée par lui-même (XIXe) –, vient le tour du Concours reine Elisabeth que l’auteur a souvent critiqué (et aussi son public bon chic bon genre), mais qu’il reconnaît comme « le plus sérieux » des concours musicaux internationaux.

    Pas d’entrée pour le Congo, mais bien pour Congo, une histoire, l’essai retentissant de David Van Reybrouck, « un grand hymne d’amour au peuple congolais ». Pour avancer, je ne vous parle ni de « Contrefaçons » (le mot est impropre ; selon Baronian, en réalité, c’étaient des « réimpressions belges » de textes français) ni d’Annie Cordy ni des « coulonneux » (comme on nomme les colombophiles en Wallonie) – salut tout de même à feu mon grand-père flamand grand lâcheur de pigeons dont il était fier.

    La succession de notices le plus souvent sans lien avec ce qui précède et ce qui suit est un des charmes de la collection des Dictionnaires amoureux. Sauter les crevettes grises ? Impensable, vu leur place « au patrimoine culinaire national ». Baronian confie qu’il teste un restaurant à la qualité de ses croquettes de crevettes grises. Le pamplemousse aux crevettes grises n’y est pas mentionné, mais bien la fameuse « tomate aux crevettes ». L’article « Cuisine » offre l’occasion d’une petite passe d’armes sur la cuisine belge par rapport à ce qu’en disent certains guides français.

    « Cyclisme » : que de bons souvenirs pour l’auteur et de héros belges de la petite reine ! Au D, le père Damien est premier, d’ailleurs canonisé en 2009. Le missionnaire dévoué aux lépreux a été calomnié de son vivant, raconte Baronian, et c’est une lettre de Robert Louis Stevenson dans le Times qui a rétabli son honneur.

    Hommage au cinéma réaliste des frères Dardenne, « à condition de considérer, comme l’a écrit Bertolt Brecht, que le réalisme ne consiste pas à dire des choses vraies, mais à dire ce que sont vraiment les choses. » Et aux films d’André Delvaux, regroupé sous son patronyme avec Laurent (sculpteur), Charles (maroquinier), Paul (peintre) et les autres, sans aucun lien de parenté entre eux.

    Baronian préfère Anna Teresa De Keersmaeker à Maurice Béjart et Camille De Taeye à Jules Destrée. Après avoir ressuscité les raquettes de tennis Donnay, il consacre un bel article à Christian Dotremont « un écrivain qui a peint ou un peintre qui a écrit ? » Clément Doucet récolte cinq pages du Dictionnaire amoureux de la Belgique, ce pianiste qui jouait « d’instinct » a formé un inoubliable duo avec Jean Wiéner.

    Le D finit avec Christian de Duve, Prix Nobel de médecine (dont Doulidelle ne cesse de relayer l’appel). Et voici E comme L’Economie culinaire de Cauderlier, seul livre de cuisine des parents de Jean-Baptiste Baronian, E comme « Elskamp, Max », E comme « Ensor, James » : le peintre mais aussi l’écrivain et l’épistolier qui « a tordu le cou à l’académisme, le mal incurable des lettres de Belgique ».

    E ou F ? Etrange ou Fantastique ? Bien sûr, le grand connaisseur du genre qu’est Baronian consacre un long article à l’« Ecole belge de l’étrange » (il cite une quinzaine d’écrivains qui en font partie et revendique en toute modestie la paternité de l’expression), saluant au passage les éditions Marabout qui ont joué un grand rôle dans la reconnaissance de cette littérature singulière.

    L’histoire de la « Fête des chats » célébrée en mai à Ypres fera frémir tous les amis des chats, avec durant des siècles des « jets de chats vivants » même du haut du beffroi, entre autres mauvais traitements. Depuis 1938, les habitants se contentent « de lancer des chats en peluche » et de se déguiser en chat, « une orgie féline en somme ».

    Je n’en ai pas fini de décliner l’alphabet du Dictionnaire amoureux de la Belgique. On s’y amuse de l’inattendu, de l’inconnu, du méconnu, que Baronian accommode à la sauce belge et agrémente d’anecdotes personnelles. Bien sûr, certaines entrées s’imposent, comme « De Coster, Charles », « Expo 58 », « Francorchamps » et « Frites ». Bon appétit, messieurs dames !