Bien sûr, Jean-Baptiste Baronian ne pouvait manquer de passer par Gand dans son Dictionnaire amoureux de la Belgique, ni d’évoquer deux écrivains qui me sont chers, différents à tout point de vue – seule leur initiale les rapproche : Marie Gevers et Michel de Ghelderode.
Hôtel de Ville de Bruxelles par Henri Cassiers (1858-1944)
Chez la « dame de Missembourg », les chroniques sur la nature, les « relations de voyages » et « recueils de textes plus ou moins anecdotiques » constituent « la part la plus originale de son œuvre », selon Baronian. Ce qu’il écrit à propos de L’Herbier légendaire et de Parabotanique est fort tentant (je n’ai lu ni l’un ni l’autre, les deux livres semblent épuisés). Quant à l’article sur Ghelderode et son « carnaval scénique », j’y ai appris le mot « middelmaestisme » par lequel l’écrivain désignait « la manie belge des compromis » (voir § 7).
Aux amateurs du ballon rond, je signale un bel hommage à Raymond Goethals à qui « aucun entraîneur de football à travers le monde ne ressemblera jamais ». Aux amateurs de la petite reine, un article sur Grammont, pour le fameux « mur de Grammont » que doivent franchir les coureurs du Tour des Flandres, « sorte de mont Ventoux en miniature » – et aussi, entre autres spécialités dont je vous laisse la surprise, pour la tarte au maton, dont le nom « tarte au maton de Grammont » est désormais protégé (on la fabrique aussi ailleurs en Belgique.)
Le plus surprenant, à cette lettre « G », c’est l’incroyable « Guerre de la vache et les Ronds du Hainaut », une affaire méconnue qui a vu périr bien des humains au Moyen Age… pour un vol de vache. On n’attendra pas le « J » pour regretter le beau revers de notre « Juju » nationale : Justine Henin récolte plus de trois pages à la lettre « H », pas mal. Hergé et Horta feront mieux, on s’en doute.
Et pourtant, c’est Victor Hugo qui gagne la première place : « De 1837 à 1871, il est venu dans le pays une bonne quinzaine de fois et, certaines années, il y a effectué de longs séjours. » Non seulement, il y a beaucoup écrit, mais il a beaucoup dessiné, parfois au lavis, au cours de ses voyages dans différentes villes belges. Hugo s’extasiait devant l’hôtel de ville de Bruxelles, « une éblouissante fantaisie de poète tombée de la tête d’un architecte ».
A « Humour », vous assisterez à une malicieuse estocade sur la façon dont les Français parlent du rire belge et des Belges, vous rencontrerez du beau monde dans le décalé voire dans l’absurde, et pas seulement Philippe Geluck, figure bien connue outre-Quiévrain. J’y inclurai d’ailleurs Baronian lui-même pour avoir introduit un seul sujet à la lettre « I » : I comme « Informateur ».
Par les temps qui courent, vous songez peut-être aux indicateurs de police, pas du tout. C’est l’occasion de revenir sur un épisode peu glorieux d’histoire contemporaine : la Belgique est restée 541 jours sans gouvernement en 2010-2011, au cours desquels le roi a dû nommer successivement des informateurs, médiateurs, conciliateur et clarificateur avant de pouvoir nommer un formateur (Elio di Rupo).
Un seul « J », trois « K » : je terminerai par une devinette – sans tricher, n’est-ce pas ? (Abstenez-vous si vous possédez ce Dictionnaire amoureux de la Belgique.) Que suggérez-vous pour ces entrées ? Non, pas « Juju », je vous l’ai dit (§ 4). Les paris sont ouverts – des paris « belges », cela va sans dire. (Un indice : deux peintres.)
Commentaires
Je suis un belge et un bruxellois, fière de son pays et de sa ville, considérés comme des hauts lieux du savoir, de l’originalité, des grands noms dans tous les domaines et un des « creusets » les plus diversifiés du savoir humain. …
Il est loin le temps du mépris de nos voisins, heureux de se « gausser » de notre naïveté et de notre suffisance (Monsieur Beulemans à Paris) . … Merci à l’auteur et à Tania de nous démontrer la richesse de notre culture originale. …
En cette période tumultueuse, c'est plus que jamais le moment de se rappeler tout ce qui rend la Belgique aimable, parfois de façon inattendue.
Distrait et pressé, j'ai laissé passer une horreur : fière au lieu de fier....
comme peintre à la lettre K je ne vois que Khnopff (j'espère que j'écris bien son nom ;-)) et au J Jacobs pour la bande dessinée (il n'y a qu'un seul J, vraiment?)
tu m'intrigues!!!
@ Doulidelle : On ne prend pas toujours le temps de relire son commentaire ou c'est en le revoyant qu'on le relit mieux.
@ Adrienne : Bravo pour Khnopff, Adrienne, et aussi pour Jacobs... qui n'est que mentionné devant un renvoi à "Marque jaune (la)". Encore un peintre à trouver pour le J, un photographe et un lieu pour le K.
ma décision est prise = je veux ce dictionnaire :)
Je sèche pour la devinette, je ne connais pas assez la culture belge. Je ne savais pas que Victor Hugo avait fait tant de séjours en Belgique.
Knokke Le Zout pour la ville ; une si jolie plage
Elisée Reclus et Hugo ont trouvé asile à Bruxelles au temps où les opposants politiques risquaient gros
Belgique terre d'asile
@ Niki : Je t'y souhaite de bonnes découvertes.
@ Aifelle : Baronian dit que Victor Hugo aurait même pu écrire un Dictionnaire amoureux de la Belgique ou de Bruxelles. Son dernier séjour s'est mal terminé, par une expulsion, à la suite des émeutes provoquées par sa lettre ouverte aux communards, dans le journal L'indépendance belge, où il les invitait à venir se réfugier chez lui (4 , place des Barricades), en mai 1871.
@ Dominique : C'est une bonne suggestion, mais pas d'entrée "Knokke". Baronian a choisi Koekelberg (commune bruxelloise) pour la basilique du Sacré Coeur, "fort probablement le monument le plus décrié de Belgique" (de mes fenêtres je la vois dominer l'horizon).
Félicitations pour les dix ans de "Nuages et vent" !
@ Dominique : Terre d'asile jusqu'à son expulsion, le gouvernement belge ne voulant pas "mécontenter Adolphe Thiers et les Versaillais", Victor Hugo est allé au Grand-Duché de Luxembourg, avant de rentrer en France fin septembre 1871.
Elisée Reclus, lui, est resté en Belgique où il est enterré.
Les autres solutions de la devinette, je ne vois pas, mais je n'ai pas beaucoup cherché, pourtant un peintre photographe.
Votre lien Jean-Baptiste Boronian, on croit au serpent qui se mord la queue, puisque GHIJK revient en tête, il faut bien descendre pour comprendre. Intrication des contraintes et merveilles de l'informatique.
Voici les autres réponses :
Jacob Jordaens, peintre anversois (XVIIe)
Willy Kessels, photographe flamand dont la rétrospective au Musée de la photographie a suscité la controverse (pour collaboration).
Désolée pour la boucle informatique, c'est bien comme vous le décrivez.
Jordaens! je le croyais hollandais...
La Belgique n'existait pas encore, elle faisait partie des Pays-Bas, en effet.
J'arrive un peu tard pour la devinette sur J et K, et j'avoue que sans les indices, je n'avais pas trop d'idées... Je n'avais jamais entendu parler du photographe belge Willy Kessels. Et c'est vrai que la suggestion de Dominique (Knokke-le-Zoute) me paraît plus parlante que Koekelberg, mais bon, le principe des Dictionnaires Amoureux, c'est de respecter la subjectivité de l'auteur.
Bon week-end Tania.
Voilà qui donne une idée de la singularité du point de vue choisi par Baronian, qui mêle l'attendu et l'inattendu. Bon week-end à toi.