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bruxelles - Page 39

  • Flora au Civa

    « Le « new Civa » évoque fleurs et Art nouveau » : l’article de Guy Duplat dans La Libre Belgique m’a conduite à la rue de l’Ermitage (Ixelles) admirer « Flora’s Feast, le motif floral dans l’Art nouveau », un titre anglais emprunté à Walter Crane, grand illustrateur du mouvement Arts and Crafts. La nouvelle Fondation Civa (qui réunit à présent les Archives d’Architecture Moderne, la Bibliothèque René Pechère, le Fonds pour l’architecture, le Centre Paul Duvigneaud) y offre une jolie exposition (entrée libre) à ne pas manquer pour les amoureux de l’art et du patrimoine bruxellois, ou des fleurs, tout simplement.

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    On est accueilli par les superbes photos grand format du photographe liégeois Matthieu Litt (présentées en 2015 aux Halles Saint-Géry) : pivoine, anémone, pavot et autres vedettes des jardins posent sur un fond blanc, sous leur nom latin. Au mur, près d’une série de chromolithographies pour la Revue de l’Horticulture belge et étrangère (années 1880), un bel ensemble permet de comparer des dessins botaniques et la stylisation raffinée des mêmes fleurs dans les décors Art nouveau.

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    A travers les estampes, les éventails peints, les bibelots, la mode du japonisme a aussi contribué à renouveler les sources d’inspiration dans les arts décoratifs européens. La nature et les fleurs occupent une place privilégiée dans l’esthétique japonaise. Nature et culture s’y nourrissent l’une de l’autre, loin des conventions académiques, et les artistes de l’Art nouveau y trouvent « un champ d’exploration formel » (Guy Conde-Reis, La fleur au Japon, catalogue).

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    Une photographie d’une aiguière « Pivoines » en argent (de l’orfèvre Philippe Wolfers) voisine avec la présentation sur tréteaux de différents documents iconographiques : chaque table est consacrée à un seul type de fleur et à ses déclinaisons sur les façades de bâtiments bruxellois Art nouveau. Juste en face du Civa, à travers les baies vitrées, on aperçoit de très beaux sgraffites « magnolia » au-dessus des fenêtres d’une maison particulière, fraîchement restaurés.

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    Panneaux, cimaises, tréteaux, vitrines, rien d’uniforme dans cet espace d’exposition. Ça et là des objets : un fauteuil de Victor Horta, exposé à Turin en 1902, se trouvait dans sa véranda, tourné vers le jardin. Le plus célèbre des architectes belges de l’Art nouveau dessinait aussi des meubles, luminaires, vitraux, et tous les détails d’un intérieur. Ici, le fauteuil est présenté devant des croquis de fleurs dont les courbes et les formes déliées stimulaient sa créativité. Sur la photo de lui dans ce fauteuil, on retrouve les lignes végétales jusque sur le sol.

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    Le musée Horta a prêté aussi un grand vase en cristal monté sur bronze « à décor de feuilles de marronnier gravées ». J’ignorais que les premières graines de marronnier d’Inde ne sont arrivées en Europe qu’au XVIe siècle. Le roi Léopold II aimait particulièrement les marronniers et leurs fleurs pyramidales, il en a fait planter sur les grands axes de la capitale belge. Leurs feuilles palmées serviront souvent de motif dans la ferronnerie Art nouveau ou encore en arrière-plan dans les sgraffites de Privat-Livemont.

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    Soliflores du Val-Saint-Lambert, affiches publicitaires, couvertures de revues, dessins préparatoires (pour des façades, plafonds, balcons, mosaïques, tapis…), l’exposition montre à quel point le motif floral a inspiré toute une génération de créateurs : les architectes Paul Hankar, Henry van de Velde, Ernest Blérot, les décorateurs Adolphe Crespin et Privat-Livemont, entre autres.

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    Même les cinéastes de la Belle Epoque s’en inspiraient pour de petits films muets « délicieux », comme l’écrit Guy Duplat, prêtés par la Cinematek : de jeunes femmes y composent des tableaux vivants et fantaisistes où les fleurs surabondent, la danseuse Loïe Fuller dessine avec ses voiles d’éphémères corolles sur scène.

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    Une citation de Maeterlinck invite à monter l’escalier vers le « cabinet des orchidées » : on peut y admirer de beaux dessins d’Alphonse Goossens accrochés sous une citation empruntée à Proust (vous vous souvenez des catleyas dans Un amour de Swann) et des objets inspirés par ces fleurs précieuses, « manifestations les plus parfaites et les plus harmonieuses de l’intelligence végétale » (Maeterlinck, L’intelligence des fleurs, 1910).

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    Une fenêtre intérieure y donne une belle vue d’ensemble sur l’exposition, visible à la Fondation Civa jusqu’en octobre prochain. Un très beau catalogue, avec une orchidée blanche en couverture, permet de prolonger chez soi cette promenade chatoyante au royaume de Flora, « Flora’s Feast », de fleur en fleur.

  • La vie réelle

    brontë,charlotte,le professeur,roman,littérature anglaise,apprentissage,société,enseignement,amour,bruxelles,culture« Si les romanciers observaient consciencieusement la vie réelle, les peintures qu’ils nous donnent offriraient moins de ces effets de lumière et d’ombre qui produisent dans leurs tableaux des contrastes saisissants. Les personnages qu’ils nous présentent n’atteindraient presque jamais les hauteurs de l’extase et tomberaient moins souvent encore dans l’abîme sans fond du désespoir, car il est rare de goûter la joie dans toute sa plénitude, plus rare peut-être de goûter l’âcre amertume d’une angoisse complètement désespérée ; à moins que l’homme ne se soit plongé, comme la bête, dans les excès d’une sensualité brutale, qu’il n’y ait usé ses forces et détruit les facultés qu’il avait reçues pour être heureux. »

    Charlotte Brontë, Le professeur

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    Avis aux amateurs : les concerts gratuits du vendredi midi (12h30) ont repris dans le jardin de la Maison des Arts.
    Tout le programme de la Guinguette 2016 sur Schaerbeek.be

  • Brontë à Bruxelles

    Le professeur de Charlotte Brontë est un roman posthume, le premier qu’elle ait écrit, paru sous le pseudonyme de Currer Bell en 1857. Le titre donné par Catherine Rihoit à sa préface, « Portrait d’une solitude », souligne le trait dominant de William Crimsworth, un orphelin que rien ne destinait a priori au métier de professeur d’anglais à Bruxelles – Charlotte Brontë elle-même y a enseigné.

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    Le roman s’ouvre sur une lettre que le héros adresse à un ancien camarade d’Eton, où il lui résume ce qu’il est devenu depuis leurs études. Ses oncles ne lui ayant proposé que deux voies qui lui déplaisent, l’Eglise (la cure de Seacombe) et le mariage (avec une de ses cousines), son manque de fortune ne lui laisse qu’une possibilité : l’industrie. Edward, son frère aîné de dix ans, a repris l’usine de leur père et accepte de le caser « si la chose était possible ».

    C’est donc à Crimsworth Hall que le récit commence : William y est accueilli avec une extrême froideur. Il connaît le français et l’allemand, son frère l’engage « en qualité de second commis pour traiter la correspondance étrangère » avec un salaire minimum et le prie de se trouver un logement en ville. Un peu d’épargne accumulée à Eton permet à William de louer « une petite chambre et un cabinet fort modestes ».

    Invité comme les autres employés à la fête d’anniversaire du « maître », ignoré par son frère et sa belle-sœur, William s’éloigne de la salle de danse pour se réfugier dans la salle à manger où il retrouve avec émotion le portrait de sa mère. Monsieur Hunsden, un propriétaire d’usine, qui l’admire aussi, lui manifeste de l’intérêt et s’étonne franchement de voir travailler William dans une maison de commerce, métier pour lequel son caractère « aristocratique » ne lui semble pas fait du tout.

    Ce travail routinier lui déplaît, son frère le traite mal, mais que faire d’autre ? Lorsque M. Hunsden réapparaît sur son chemin et l’invite chez lui, il accepte d’aller le voir et de discuter avec lui de son avenir. Le jour où son frère, furieux, lui fait une scène pour l’avoir calomnié en ville – il n’en est rien, mais Hunsden, lors d’une réunion, a traité Edward de « tyran domestique » –, c’en est trop. William démissionne sur-le-champ. Hunsden s’en réjouit, lui offre un peu d’argent et une lettre de recommandation pour une de ses connaissances à Bruxelles.

    « Peut-être, lecteur, n’êtes-vous jamais allé en Belgique ; peut-être ne connaissez-vous pas la physionomie de cette contrée, dont les lignes sont gravées si profondément dans ma mémoire ? » Voici donc William Crimsworth à Bruxelles où on lui propose d’enseigner le latin et l’anglais dans une grande institution dirigée par M. Pelet, un homme dans la quarantaine.

    « Peu à peu les obstacles s’aplanirent devant moi. J’avais, en moins de cinq ou six semaines, vaincu les difficultés inséparables de tout début dans une carrière nouvelle. Je parlais maintenant le français avec assez de facilité pour être à l’aise en face de mes élèves. Je les avais mis tout d’abord sur un bon pied. Et, comme je sus les y maintenir, jamais l’idée de révolte ne germa parmi eux : chose extraordinaire pour des Flamands, et qu’apprécieront tous ceux qui connaissent les usages des pensions belges et la manière dont les élèves s’y conduisent avec leurs professeurs. »

    Le nouveau professeur est bientôt présenté à Mlle Zoraïde Reuter, la directrice d’un pensionnat de jeunes filles voisin, qui cherche un professeur de confiance. Un jeune professeur masculin face à des jeunes filles pleines d’assurance… William Crimsworth est mis à l’épreuve dès la première leçon. Le professeur de Charlotte Brontë est un roman d’apprentissage ; à chaque étape, le personnage affronte ses doutes, ses craintes, l’inconnu, dans sa profession comme dans ses rencontres. Mlle Reuter s’intéresse à lui, lui s’intéresse surtout à ses élèves, et plus particulièrement à l’une d’elles, ce qu’elle ne pourra tolérer.

    Les états d’âme du héros sont évidemment détaillés tout au long de cette histoire ; à l’époque, les bienséances et les codes sociaux gouvernent strictement les relations entre les gens et particulièrement entre les hommes et les femmes. L’intérêt de Charlotte Brontë pour l’enseignement, les rapports entre professeurs et élèves, la question de l’autorité, est manifeste. Son premier roman mêle l’observation sociale à l’analyse des sentiments dans ce récit du cheminement personnel d’un jeune homme pauvre et imparfait qui cherche sa voie.