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Les expos d'Ixelles

« PHOTOREALISM. 50 Years of Hyperrealistic Painting » : la grande exposition d’été au musée d’Ixelles présente trois générations de peintres américains pour la plupart, des années 1960 à 2010. Leur défi ? Peindre de façon aussi réaliste qu’une photographie la société de consommation pour la célébrer – ou en dénoncer les excès ? Je vous parlerai ensuite de l’exposition bis, « Rien ne va plus ! Tableaux d’une exposition », une installation très originale de Juan d’Oultremont.

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Des voitures et des motos, des carrosseries, des chromes, des jouets, des bars, des restaurants, des maisons, des intérieurs, des portraits, des nus… Dans le sillage du Pop-Art, les hyperréalistes dépeignent et critiquent l’« american way of life ». Je vous renvoie au site du musée pour la description de ce courant pictural qui opte pour une vision « documentaliste » du monde. A distance aussi bien de l’abstraction que de la subjectivité, ces peintres partent de photographies qu’ils transposent sur la toile en grand format.

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 Tjalf Sparnaay, Fried Egg, 2015 © Private Collection of Tjalf Sparnaay

La froideur des images qui en résultent est plutôt déconcertante, mais au fur et à mesure qu’on les découvre – certaines sont époustouflantes comme cet œuf sur le plat du Hollandais Tjalf Sparnaay –, on regarde, on s’étonne et on se pose plein de questions sur la démarche de ces peintres. En plus de l’aspect technique, au résultat forcément spectaculaire, le choix des sujets, le cadrage, la disposition des objets révèlent des orientations diverses et on finit par deviner parfois, d’une toile à l’autre, qu’il s’agit de la même signature.

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Ben Schonzeit, Poivrons (Source)

Remington#5 de Robert Cottingham montre une prédilection pour la typographie qui se confirme quand on google son nom à la recherche d’images. Ici la machine à écrire est coupée par le bord de la toile, manière de casser l’illusion. On trouve des natures mortes tout au long du parcours, comme ces Poivrons jaunes et rouges de Ben Schonzeit qui a souvent peint des légumes et des aliments. Audrey Flack rassemble des objets pour créer des « vanités » contemporaines.

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Tom Blackwell, Sequined Mannequin, 1985, Collection of Susan P. and Louis K. Meisel, New York
© Tom Blackwell, Courtesy by Institute for Cultural Exchange, Tübingen, Germany, 2016

Il s’agit donc bien de peinture et je l’ai perçu davantage devant un arrière-plan flou, des jeux de reflets dans une vitrine de magasin, des ombres, un visage sans contour… Les vues urbaines et les paysages sont particulièrement troublants de réalisme, mais quand nous regardons autour de nous en nous promenant, et même à l’intérieur, voyons-nous aussi net que sur ces peintures ? Ou le regard sélectionne-t-il toujours un point d’appui, laissant le reste dans le vague ?

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Anthony Brunelli, Main Street, 1994, Courtesy of Louis K. Meisel Gallery, N.Y., image
© Anthony Brunelli photo, Institut für Kulturaustausch, Tübingen, Germany, 2016.

La lumière se joue des choses, elle est bien sûr à l’œuvre sur ces toiles, particulièrement dans les représentations d’objets en verre (qui m’ont fait penser à Ken Orton, bien qu’il ne soit pas exposé ici). Les peintures de Richard Estes montrent les métamorphoses dues à la réflexion.

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© Richard Estes, Car Reflections, 1969 (Private Collection)

Bref, le photoréalisme, tout compte fait, donne beaucoup plus à voir que les choses mêmes ! « I’m not duplicating life, I’m making a statement about human values » déclarait le sculpteur hyperréaliste Duane Hanson, exposé ici en 2014.

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Juan d'Oultremont, Dresser le tableau, 2016
© 
Juan dOultremont photo Cissiste international

« RIEN NE VA PLUS ! Pictures at an exhibition. Juan d’Oultremont » : il vous faut traverser les collections permanentes – leur nouvelle présentation est très belle – pour visiter la deuxième exposition d’été au musée d’Ixelles. J’ai eu la chance de la découvrir en compagnie de Juan d’Oultremont, un artiste bruxellois qui aime surprendre et qui le fait bien, fondateur du mouvement Cissiste International 

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Palette de nettoyage 2013 atelier Francis Alys © photo Juan d'Oultremont - Cissiste International

Au départ, une pochette 33 tours des Tableaux d’une exposition de Moussorgski décorée d’une palette. 63 artistes belges et étrangers à qui il en a envoyé un exemplaire ont accepté d’utiliser cette pochette comme leur propre palette et ces 63 palettes contemporaines forment une des pistes du grand jeu musical et pictural auquel nous sommes invités ici : les connaisseurs reconnaîtront peut-être tel ou tel peintre avant de chercher à quel nom correspond le numéro sur la liste (elle-même présentée sur une pochette à prendre à l’entrée du parcours). Michaël Borremans a couvert presque toute la surface de tons bruns, Annick Leizin y a formé des bulles de couleurs diverses, d’autres se sont limités aux contours de la palette initiale ou ont carrément tout recouvert.

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Palette Annick Lizein ©  photo Juan d'Oultremont - Cissiste International

A côté de ces variations sur un même thème, des toiles – surprenante Charlotte Beaudry –, quelques sculptures, et même une voiture peinte par un système de car-wash reconverti ! Sur des tables, Juan d’Oultremont a disposé par « familles » une collection de 250 pochettes, autant de versions discographiques différentes des Tableaux d’une exposition. (Lui-même a dessiné des pochettes pour certains chanteurs, comme vous pouvez vous en rendre compte sur le site de cet artiste pluridisciplinaire.)

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Palette Stephan Balleux © photo Juan d'Oultremont - Cissiste International

Les diverses façons dont le titre suggestif de Moussorgski a été illustré sur les pochettes de disques reflètent une évolution visuelle, des choix d’illustrateurs : déambulation dans une salle d’exposition, portraits d’interprètes, paysages, graphismes attendus ou inattendus. J’ai pensé d’abord à chercher Ekaterina Novistkaya qui avait gagné en 1968, le Reine Elisabeth de piano en jouant Moussorgski à seize ans – elle m’avait épatée – et je l’ai trouvée ! Une bande-son accompagne évidemment cette installation pleine de fantaisie. « L’art est-il un jeu ? » titrait déjà Juan d’Oultremont en 2002.

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Catalogue Rien ne va plus Tableaux d'une exposition Juan d'Oultremont

J’ai malheureusement oublié de me procurer le catalogue original de « Rien ne va plus ! » au format livre de poche, qui m’aurait permis de vous en dire davantage, mais au fond, c’est aussi bien : allez-y, le musée d’Ixelles vous invite à ces deux expositions jusqu’au 25 septembre. Et en prime, celle d’Oriol Vilanova, lauréat Art’Contest 2015 (dont je ne vous dis rien, ne l’ayant pas vue).

Commentaires

  • Ce n'est pas mon genre préféré de photos mais elles sont très réussies j'aime beaucoup la palette

  • Ha ha, tu es tombée dans le piège : ce ne sont pas des photos, mais des peintures (à part celle de Juan d'Oultremont lui-même) ! Incroyable, le photoréalisme, n'est-ce pas ?

  • c'est fascinant de réalisme et en même temps ça a quelque chose d'inquiétant (enfin, pour moi ;-))

  • Contente que tu te sois souvenue de notre ami Ken Orton à qui j'ai tout de suite pensé.
    J'aime beaucoup "Car reflections".
    Cette peinture du réel est d'une immense difficulté technique, admiration.

  • @ Adrienne : Oui, je trouve aussi que cet hyperréalisme a quelque chose de froid. Bonne fête nationale, Adrienne.

    @ Colo : J'ai pensé que les "bocaux" de Ken Orton auraient certainement leur place dans cette expo. (Le billet de samedi abordera le côté technique.) Bonne journée, Colo.

  • Le photoréalisme n'est pas ce que je préfère en peinture, mais ce que tu montres est bluffant ! C'est du réalisme augmenté (l'oeuf !). La deuxième exposition est originale et a l'air très bien conçue.

  • Les fruits etc ne me disent rien, qui sait pourquoi, peut-être parce que je me demande pourquoi passer tant de temps à faire ce qu'un bon clic fera? C'est la même chose avec les reflets, et là voici mon illogisme qui pointe son vilain nez car ... je trouve ça génial.

    Je vais aller me mettre dans le coin pour ne pas savoir ce que je veux. J'en sortirai quand j'aurai pris une décision :)

  • j'aime beaucoup la photo " Sequined" de Tom Blackwell. C'est très réussi pour une "vanité". la Palette bleue est belle, on ne dirait pas une photo...

  • Edmée, tu me fais rire, voilà exactement le genre de réflexion qu'on se fait devant ces peintures "photoréalistes" ! Peindre pour cacher la peinture ? pour rivaliser avec la photographie et montrer qu'on peut lui tenir tête ?
    Cette expo a le mérite de nous confronter avec l'idée que nous nous faisons de l'art, de la peinture, de la représentation, de l'illusion...
    Que tout cela ne t'empêche pas de sortir du coin ;-).

  • "Sequined Mannequin" est bien une peinture d'après photo, c'est troublant, n'est-ce pas ? Quant à la palette de Stephan Balleux, c'est bien une peinture - photographiée. Tu t'y retrouves ? Allo Magritte, ceci n'est pas...

  • Les tableaux de fruits, œuf sur le plat et ustensiles sont stupéfiants de réalisme. --- A part la performance et le talent de transposer avec réalisme des photos sur la toile, qui ne tient plus de l’art mais de la copie, à quoi cela peut-il servir ce « photoréalism »? –

    Une fois de plus, de qui se moque-t-on ? --- Il y en a qui en feront « leurs choux gras » pour s’étendre en terme et phrases alambiquées sur les côtés hautement intellectuels de ces réalisations. --- A croire qu’on vit une époque de détraqués !!!

    L'art est devenu une "poubelle" : il faut chercher pour trouver l'art véritable. ---

    Le vieux rouspeteur.

  • Comme répondu à Edmée, en effet, on peut se poser la question et, comme tu l'écris, on peut y voir une "performance" plutôt que de l'art - ce qui rejoint notre vieux débat (qui fera encore couler beaucoup d'encre) sur la définition de l'art... Tu soulèves aussi une autre question à laquelle il n'est pas plus simple de répondre : à quoi sert l'art ?
    Mais si le photoréalisme n'est pas le genre de peinture que j'apprécie le plus (je suis allée à cette expo par curiosité plus que par goût), je ne me permettrais pas de traiter un artiste de "détraqué" (n'oublions pas qu'à une sombre époque du siècle dernier, on a brûlé l'art dit "dégénéré"). D'accord avec toi pour dire qu'il faut "chercher pour trouver l'art véritable" - tout ce qui est porté aux nues et vendu très cher sur le marché de l'art ne l'est sans doute pas.
    Cher vieux rouspéteur, comme tu l'écrivais sur son blog dans ta "définition du bonheur", la tolérance en fait partie. Et si tu nous écrivais ta définition de l'art un de ces jours, dans tes "propos d'un octogénaire" ?http://philippemailleux.blogs.lalibre.be/archive/2016/07/11/92a-ma-definition-du-bonheur-1152053.html

  • Impossible de définir l'art o;) (ou alors, qu'est-ce que l'art pour moi? Là, on pourrait disserter, car c'est éminemment subjectif! Ainsi, je n'avais guère aimé l'expo Agnès Varda - tant qu'on est à ixelles...)

    mais je ne savais pas trop quoi faire aujourd'hui, je pourrais peut-être y aller...

  • L'expo d'Agnès Varda m'avait déçue aussi, j'en attendais davantage.
    Bonne visite si tu vas au musée d'Ixelles - ce mouvement pictural pourrait t'intéresser, toi qui aimes tout ce qui touche à la photo, me semble-t-il.

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