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Essai - Page 50

  • Balades picturales dans Bruxelles

    La ville est une succession de tableaux pour les promeneurs qui aiment la regarder : façades, portes, décors de fenêtres, jardinets, jeunes et vieux arbres, passants, marchés, roses trémières et grimpantes de trottoir, carrefours animés, commerces, parcs… Sous un angle très original, Fabien De Roose propose des « promenades au cœur de la ville » dans Bruxelles vue par les peintres, dont je viens de découvrir le deuxième tome. Fondateur et animateur de l’asbl Dédale, guide à la Fondation Monet à Giverny, il organise des « promenades picturales » en France et en Belgique.

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    Auderghem, Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek, Watermael-Boitsfort, Woluwe-Saint-Lambert et Woluwe-Saint-Pierrre, ce sont ces six communes de l’est de Bruxelles qu’il donne à voir ici sous l’œil d’une cinquantaine de peintres, « reconnus ou méconnus ». Sept balades dans l’espace et dans le temps. Chacune s’ouvre sur un rappel historique pour présenter les quartiers traversés et un plan numéroté (avec l’indication précise des transports en commun). Chaque numéro correspond à un tableau. Une double page raconte l’histoire du lieu et met à notre disposition texte, illustration et photographie. Le temps de lire et de regarder.

    La première, « Du Botanique à la place Saint-Josse », comporte sept arrêts sur image. « Victor Hugo avait affirmé : « Bruxelles possède deux merveilles uniques au monde : la Grand-Place et le panorama du Jardin Botanique. » Pierre-François Gineste (Paris, 1769 – Evere, 1850) a peint le Jardin Botanique à Bruxelles vers 1840. Sous l’illustration, une photo de l’endroit tel qu’il se présente aujourd’hui, sous le même angle de vue, permet la comparaison, dans ce cas-ci, peu flatteuse. Le magnifique panorama montré par Gineste à l’époque où se construisait la Gare du Nord n’a pas résisté aux pressions immobilières et au développement urbain. Le beau bâtiment néo-classique a été sauvé, mais les jardins, « désertés suite au transfert des collections botaniques à Bouchout en 1939, commencent leur descente aux enfers. » Puis viendront les tours de bureaux. Reste un patrimoine architectural préservé, et Le Bota, très vivant centre culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, avec son Orangerie.

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    Carte postale, vers 1910

    C’est très gai de se promener ainsi, qu’on connaisse bien le quartier ou qu’on n’y ait jamais mis les pieds. Le familier des lieux découvre qu’il est loin d’y avoir tout vu, il les redécouvre à travers le texte et l’œil du peintre. Les nouveaux venus font connaissance avec un coin de Bruxelles d’une manière originale. Les amateurs de peinture iront de l’image au paysage en de multiples et excitants allers-retours.

    La ville aux quatre saisons, ses fêtes – Kermesse Saint-Corneille, le soir, place de la Reine (Liévin Herremans), ses événements – Matinée d’élection (Clément Brems), L’Hôtel communal en ruines (Paul Leduc). Ses monuments et ses avenues pittoresques. Mais c’est surtout la ville au quotidien, animée ou non. Bruxelles la secrète aussi avec ses beautés qui ne sont pas forcément visibles de la rue – il faut franchir une porte cochère pour accéder à La maison des Arts (Agnès Bogaert) – et ses légendes. Bruxelles la verte inspire les peintres de paysages – Le potager du Rouge-Cloître (Adolphe Keller) – et d’atmosphères, parfois surréalistes – Le peintre ou image de la brièveté de la vie (André Poffé).

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    Auguste Oleffe, En août (1909) - Terrasse de la maison du peintre, chaussée de Wavre

    Certains seront peut-être étonnés de découvrir dans la capitale de l’Europe des fermes et des moulins. Je leur en laisse la surprise, la couverture donne le ton avec Le moulin de Lindekemale à Woluwé-Saint-Pierre (aujourd’hui un bon restaurant). Fabien De Roose fournit à la fin de l’ouvrage un plan des transports en commun – le tram bruxellois figure évidemment sur les toiles contemporaines, comme Le tram vert, place Keym (Anne-Pierre-de-Kat) –, ainsi qu’une table des illustrations et une liste des peintres représentés.

    J’espère que vous vous laisserez tenter par ces balades particulièrement inspirées. Pour ma part, je compte bien emporter ce livre et emboîter le pas au guide in situ, à la première occasion. Au plaisir de marcher dans Bruxelles.

  • Deux aspects

    « Les villes ont deux aspects. Le premier est celui que peuvent voir les touristes ou les nouveaux arrivants à travers les constructions, les monuments, les avenues et l’apparence extérieure. Il y a aussi les paysages intérieurs, constitués par les chambres où nous dormons, les salles de classe, les couloirs, les cinémas, les souvenirs personnels, les odeurs, les lumières et les couleurs. Bien plus que les ressemblances apparentes entre les quartiers, l’âme d’une ville, enfouie au plus profond de la mémoire collective, reste l’aspect intérieur et caché de la ville, et ses ruines en sont le témoignage le plus éloquent. »

     

    Orhan Pamuk, Incendies et ruines (D’autres couleurs)

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    P. S. Vous pouvez suivre les demi-finales du Concours Reine Elisabeth, consacré cette année au violon, en direct à la radio, sur le net et en différé à la télévision sur la Trois. Hier soir, déjà de superbes moments avec le violoniste tchèque Josef Spacek.
    podcast


     

  • Pamuk en couleurs

    L’année de son prix Nobel de littérature, en 2006, Orhan Pamuk a publié D’autres couleurs, un livre « fait d’idées, d’images et de fragments de vie » qui n’avaient pas encore trouvé place dans ses romans. La vie quotidienne est riche de petites scènes qu’on a envie de partager – voyez, par ailleurs, ce village en fleurs – et l’écrivain d’Istanbul écrit « avec puissance et joie, à chaque occasion d’enchantement », lui qui considère le travail littéraire « moins comme une narration du monde qu’une « perception du monde avec les mots ». »

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    Gentile Bellini,  Un scribe assis

    Les courts essais de Pamuk se rapportent tantôt à « la vie et ses soucis », tantôt aux livres qu’il lit ou à ses propres romans, mais ils abordent aussi la politique, les rapports difficiles entre la Turquie et l’Europe, les problèmes d’identité. Le recueil comporte des entretiens, des textes pour des revues, des postfaces. Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, il se termine par la fameuse conférence du 7 décembre 2006 à Stockholm, « La valise de mon papa » (traduite par Gilles Authier).

    C’est un livre à lire dans l’ordre ou le désordre, selon son humeur ou sa curiosité, à laisser et à reprendre ; il est doté d’une table des matières et d’un index d’une douzaine de pages très utiles pour se promener dans ces quelque sept cents pages aux sujets très variés. Trente ans d’écriture ont permis à l’auteur de mieux comprendre pourquoi son bonheur dépend de sa « dose de littérature quotidienne ». Orhan Pamuk voulait devenir peintre. A dix-neuf ans, il décide de devenir écrivain, pour la littérature, sans doute, mais surtout par besoin d’une pièce où s’isoler avec ses pensées. Cette solitude, comparée à celle de quelqu'un qui contemple une fête de loin, revient dans D’autres couleurs comme un leitmotiv.

     

    Mille questions se posent dans la vie d’un homme : comment être heureux, comment arrêter de fumer, comment faire pour dormir « quand les objets parlent »… L’inspiration peut venir aussi d’un chien de rencontre, d’une mouette sous la pluie, de la montre qu’on pose à côté de soi avant d’aller dormir, d’un souvenir – « Je n’irai pas à l’école ». Pamuk ponctue certains textes de petits dessins de sa main, par exemple pour évoquer un paysage qui l’a marqué (« A cet endroit-là, il y a longtemps ») : un ruban d’asphalte, un toit entre les branches des arbres, « le doux serpentin de la route, les buissons qui la bordaient, et les premières feuilles mortes de l’automne. »

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    Istanbul est sa ville. Ses maisons, ses immeubles « de rapport » qui trop souvent ne résistent pas aux tremblements de terre – « L’histoire d’Istanbul est une histoire de ruines et d’incendies » –, ses barbiers spécialistes en ragots, ses vendeurs de sandwichs, l’été sur les îles, la circulation routière, tout est prétexte à décrire la vie des Stambouliotes. Dans « Les bateaux du Bosphore », un très beau texte, Orhan Pamuk raconte et le spectacle de la ville vue du pont d’un « vapur » et le spectacle des bateaux vus de la fenêtre, au loin. Son père et ses oncles avaient chacun leur bateau favori « qu’ils considéraient comme le leur » et son frère et lui les avaient imités, guettant leur passage, leur faisant signe de la main. Son père « feu follet » et sa mère, son frère, éternel rival, sont les figures familiales les plus présentes, et aussi sa fille Rüja, dont il ne sait pas toujours déjouer la tristesse.

     

    La lecture, pour Orhan Pamuk, reste irremplaçable malgré la télévision et les autres médias, « parce que les mots (et les œuvres littéraires qu’ils tissent) sont comme l’eau ou les fourmis : rien n’est capable de s’immiscer aussi vite dans les failles, les creux et les fissures invisibles de la vie que les mots. C’est d’abord dans ces brèches qu’apparaissent les choses essentielles – celles à propos desquelles nous nous questionnons – et la bonne littérature est la première à les révéler. » (« Sur la lecture : mots ou images ») Il évoque, entre autres, La Chartreuse de Parme, Tristram Shandy, Les carnets du sous-sol de Dostoïevski qui « contiennent en germe tous les grands romans qui suivront », Nabokov, Camus, Thomas Bernhard, Vargas Llosa, Salman Rushdie, Gide…

     

    Une allocution sur la liberté d’expression prononcée au Pen Club ouvre la section intitulée « Politique, Europe et autres problèmes pour être soi ». Pamuk y exprime ses préoccupations sociales, réagit à l’actualité, commente les réactions aux attentats du 11 septembre à New York – « Ce n’est pas l’islam, ni même la pauvreté, qui entraîne l’adhésion à la cause des terroristes, d’une cruauté et d’une ingéniosité sans précédent dans l’histoire de l’humanité, c’est plutôt l’écrasante humiliation dont souffrent tous les pays du Tiers Monde. »  

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    Orhan Pamuk - Photo : Murat Türemiş (Site de l’écrivain)

    Dans « C’est où, l’Europe ? », l’écrivain décrit la nouvelle boutique d’un bouquiniste de Beyoglu, proprette et ordonnée, très différente et sans le charme des échoppes anciennes, une « librairie d’antiquités » en quelque sorte. « Pour les gens comme moi, qui vivent aux frontières de l’Europe, dans un sentiment d’entre-deux et essentiellement dans la compagnie des livres, l’Europe a toujours été un rêve, une promesse d’avenir ; une image souhaitée ou redoutée, un but à atteindre ou un danger. »

    Mais le rêve d’Europe s’est mué en « ressentiment envers l’Occident », il constate la montée du nationalisme et du sentiment antieuropéen, même chez ceux qui « leur vie durant, avaient fait leur shopping en Europe et s’étaient servis de tout ce que la culture occidentale pouvait leur offrir, de l’art aux vêtements, pour se distinguer des classes inférieures et justifier leur supériorité » (« La colère des damnés »). Parmi ses réflexions sur la Turquie et l’Europe, on trouve un texte d’Orhan Pamuk sur son procès (dans un entretien pour un journal suisse, il avait déploré les tabous turcs sur la question arménienne).

     

    « Mes livres sont ma vie » rassemble des commentaires à propos de ses œuvres romanesques. Mon nom est Rouge a eu pour premier titre L’Amour à la seule vue d’un portrait, en référence à Hüsrev et Sirin, « l’histoire la plus connue et la plus fréquemment illustrée de la littérature islamique » qui a inspiré son roman « classique » sur « la cruauté de l’Histoire et la beauté d’un monde désormais disparu ».

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    Page d’écriture d’Orhan Pamuk - Photo : Erzade Ertem (Site de l’écrivain)

    Un beau texte sur « Bellini et l’Orient » évoque une exposition à la National Gallery de Londres. Pamuk s’attarde sur le célèbre Portrait de Mehmed II, « devenu l’image générique du sultan ottoman », et sur une merveilleuse aquarelle, Un scribe assis, où un jeune enlumineur ou calligraphe se tient assis en tailleur, le visage penché, le regard concentré vers son papier. 

    D’autres couleurs se termine sur des impressions de voyage aux Etats-Unis, une interview sur sa vie d’écrivain. Cela mène à deux textes très forts, pour finir : « Regarder par la fenêtre », très personnel, et la conférence du Nobel, où Orhan Pamuk évoque le destin d’écrivain, son travail, à partir d’une petite valise où son père conservait ses propres écrits et qu’il lui a confiée deux ans avant de mourir.

     

    Mots et images, les trésors d’Orhan Pamuk, ont trouvé il y a quelques jours une forme inédite, avec l’ouverture à Istanbul d’une exposition d'objets, une vitrine par chapitre, en lien avec son dernier roman, Le Musée de l’innocence.

  • Une phrase de plus

    « Hommes et femmes souhaitent-ils autre chose qu’être écoutés, compris et par-dessus tout aimés ? Si la femme d’aujourd’hui veille davantage à son propre épanouissement qu’autrefois, l’homme aurait tort d’y voir un signe de rejet. Chaque sexe gagnerait à comprendre que ce que l’autre cherche n’est pas radicalement différent. Encore faut-il, pour que cette vérité soit comprise, que chacun s’ouvre à l’autre. Les intentions ou les projets peuvent être parfaitement identiques de part et d’autre mais leur expression émotionnelle totalement opposée. Les différences portent moins sur le fond que sur la forme. Mais combien la forme est importante ! Alors, que faire ? Toujours donner une phrase d’explication de plus. Consacrer une minute supplémentaire à se faire comprendre permet parfois d’éviter plusieurs heures d’affrontement. »

     

    Alain Braconnier, Le Sexe des émotions

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    LUDOVIC BAUËS 1864 - 1937
    Conversation dans les dunes

     

     

     

  • Du sexe des émotions

    « L’homme et la femme se prennent, se déprennent, s’entreprennent, se reprennent et de surprennent, mais se comprennent-ils ? » C’est la question soulevée par Alain Braconnier dans Le Sexe des émotions (1996-2000). Ce psychiatre et professeur d’université plaide pour une meilleure lecture de nos émotions réciproques afin de mieux nous comprendre. Plutôt qu’aux capacités intellectuelles des hommes et des femmes, il s’intéresse ici à leurs échanges affectifs.

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    http://www.chinatoday.com.cn/ctfrench/se/2010-10/26/content_306375.htm

    Trop d’inégalités persistent entre les femmes et les hommes, au travail ou à la maison. Leurs goûts diffèrent souvent dans les loisirs, par exemple pour le choix d’un programme télévisé. Mais que ressentent-ils en commun ? Selon Braconnier, les émotions positives sont mieux partagées entre homme et femme que les émotions négatives, en particulier l’angoisse. Trop de malentendus et de conflits viennent d’une méconnaissance de l’autre. « Les hommes acceptent difficilement de montrer leurs faiblesses ». Les femmes se sentent maltraitées quand elles ne peuvent partager ce qu’elles éprouvent avec eux.

    Des « histoires brèves » illustrent ces constats, inspirées à l'auteur par sa pratique de thérapeute. Quand ils lui racontent une séparation ou un divorce, un homme et une femme le font différemment, explique-t-il. Au féminin, c’est souvent une tragédie, qui culmine dans une crise ; au masculin, elle survient comme un drame, dans un « coup de tonnerre » soudain. Quand une femme rompt, sa décision longuement mûrie est irrévocable ; un homme peut partir sur un coup de tête, et revenir après.

     

    Femmes et hommes ne parleraient-ils pas la même langue ? Elles privilégient le rapport humain, à égalité entre interlocuteurs ; ils privilégient un statut, une position sociale. Par ailleurs, « les hommes supportent mal les problèmes en attente, ils cherchent et proposent rapidement des solutions à tout. » Les femmes affrontent les difficultés autrement, elles en parlent d’abord pour être comprises. Mais nous avons tous et toutes le pouvoir de « modifier notre comportement sous l’influence de nos émotions », d’agir sur elles, de les exprimer davantage ou de réprimer leurs manifestations dévastatrices. (Comment ? Ce sera peut-être le sujet d'un autre livre.)

     

    Filles et garçons éprouvent les mêmes émotions primaires : joie, colère, peur, tristesse, dégoût, surprise. L’observation des bébés permet de savoir vers quel mois telle ou telle expression émotionnelle apparaît. A trois ans, l’enfant possède « tout l’éventail des émotions humaines ». Filles et garçons crient et pleurent autant les uns que les autres dans leur première année. Les garçons, d’humeur changeante, sont plus difficiles à consoler ; les filles se montrent plus communicatives et réceptives. On échappe rarement aux stéréotypes culturels : devant la photo d’un bébé de neuf mois qui pleure, si l’on pose la question de savoir pourquoi ce garçon pleure, ce sera de colère, cette fille… de chagrin.

     

    Le contexte familial est essentiel. Les parents réagissent différemment avec un garçon ou une fille, leur parlent en d’autres termes : « sois gentille » – « défends-toi ». Leurs jeux ne sont pas pareils, ni même les histoires qu’on leur raconte. Les filles sont encouragées à la compréhension, les garçons à la compétition. Alain Braconnier les suit à chaque étape – enfance, adolescence, âge adulte – et observe la manière dont se constitue « l’identité de genre ».

     

    S’il préconise l’école mixte pour apprendre à mieux se connaître et se comprendre, il constate pourtant qu’au bout d’un apprentissage scolaire commun, les projets des unes et des autres se conforment aux stéréotypes : les filles veulent généralement informer, communiquer, aider, soigner, s’occuper des autres ; les garçons fabriquer, réaliser, rechercher, inventer, étudier.

     

    Les femmes se montrent généralement plus émotives et plus expressives, les hommes plus agressifs et impulsifs. En public, elles font preuve de plus de retenue qu’eux. Braconnier explique ces différences par des facteurs culturels, psychologiques et sociaux. Il interroge aussi la biologie : l’étude du cerveau montrerait une répartition différente entre les hémisphères droit et gauche selon le sexe lors de l’expression des émotions. L’anxiété, la dépression, touchent davantage les femmes ; les obsessions, les hommes.

     

    L’auteur remonte l’histoire des femmes et des hommes, retrace l’évolution du discours psychanalytique, reprend les tendances indiquées par les études statistiques. S’il décrit bien les différences de comportement, l’essai n’éclaire pas forcément la problématique des émotions, si difficiles à partager parfois. A lire donc avec recul et humour, comme Braconnier nous y invite, cette « réalité toujours mouvante » d’être homme ou d’être femme, et de l’être ensemble.

     

    Le Sexe des émotions n’apprend pas grand-chose à qui vit en couple, mais permet de vérifier des impressions personnelles. Oui, les stratégies diffèrent souvent entre les femmes et les hommes. Oui, chacun, chacune, comme le rappelle l’auteur, a droit à la fragilité. Faire preuve d’empathie est essentiel, de bienveillance – des deux côtés. L’essai d’Alain Braconnier appelle à un nouvel art du dialogue entre les sexes qui rende la vie plus excitante et moins conflictuelle. Pour contrer les méfaits des préjugés, il revendique pour chaque être humain la liberté d’exprimer toutes ses émotions.