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Un texte sur Barceló

Lorsqu’après avoir visité une exposition, on en découvre le catalogue, aller de ses souvenirs aux mots, puis des mots aux images, donne souvent envie de retourner devant les œuvres, pour mieux les regarder. Lire Miquel Barceló – Le triomphe de la nature morte, un texte d’une trentaine de pages (suivi de quelques illustrations) de Joëlle Busca (La lettre volée, 2000), c’est entrer par le discours, de biais, dans lunivers dun artiste que je connais peu – dessins, peintures, sculptures – et qui est surtout matière. Je pense à la fameuse chapelle décorée par le peintre catalan dans la cathédrale de Palma de Majorque.

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Chapelle Sant Père (cathédrale de Palma de Majorque) 

« Il serait l’un des artistes les plus importants de la scène contemporaine »« il arrive avec la vague néo-expressionniste dans les années quatre-vingts », écrit la critique d’art pour le situer d’abord. Né aux Baléares en 1957, Barceló, nomade, se partage entre plusieurs ateliers à Paris, New York, Majorque, quand il n’est pas ailleurs, en Europe ou en Afrique, au Mali en particulier. L’artiste se veut « sous le joug de la nature », affronte les éléments naturels, pour lui-même comme pour ses œuvres.

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Miquel Barceló devant une œuvre (2010) © CaixaForum Madrid

Un thème permanent : la mort, « muette ou proclamée, toujours présente ». Busca décèle dans ses peintures « de piété mélancolique, de désolation paysagère, de ruine dévote »  des « in situ de natures mortes ». Barceló aime inclure l’objet dans l’œuvre, incorporé ou moulé, travailler la surface où il intègre « carcasses, branchages, poissons séchés piqués au formol, choux, papayes… » Si les caractéristiques classiques de la nature morte sont absentes de sa peinture, elle se relie pourtant aux maîtres espagnols de la vanité par « la précision inouïe des détails », « l’isolement spectaculaire des objets et des fruits », « la rigueur de la spatialisation ».

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Livre sur Il Cristo della Vucciria

Les plus grands peintres ont illustré le genre de la nature morte, considéré comme mineur : Chardin, Cézanne, Picasso, ou encore Warhol et ses Peach Halves en boîte. « Rien n’est plus trompeur que ces épithètes de mort (nature morte) ou de tranquille (still life), le genre est au contraire bavard et remuant : il y demeure un souffle de vie qui se débat pour être encore et que sauve la peinture. » Barceló peint l’instant, fasciné par le « spectacle de la désintégration toujours triomphante ». Peindre la vie « jusqu’à la mort et au-delà, jusqu’à la décomposition », comme il l’a fait dans une église abandonnée de Palerme avec Il Cristo della Vucciria.

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Vers 1987, Barceló choisit l’Afrique pour se régénérer, renouveler son imaginaire, se mettre en danger. C’est l’expérience du désert, de la sécheresse, du vide, de l’inconfort. « Il montre tout de ses périodes africaines, les lieux communs, les brouillons d’esquisses, les petits croquis, les aquarelles noyées, il entend ne rien jeter, à la manière africaine. » Il en ressort « une sorte de maniérisme qui se superpose à un matiérisme ». Depuis l’Afrique, Joëlle Busca voit dans le travail de l’artiste « un aspect d’inachevé, d’esquisse qui domine toute autre considération. »

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Sous le plafond de la salle des Droits de l’homme (Palais des Nations, Genève, 2009)

Si comme dans toute œuvre, il y a dans celle de Barceló des hauts et des bas, Joëlle Busca constate que l’artiste catalan ne cesse de mettre le spectateur « dans une position instable » et s’interroge : « Où cela va-t-il s’arrêter ? » Miquel Barceló – Le triomphe de la nature morte donne à penser sur l’art contemporain et l’engagement de l’artiste, dans son corps à corps avec la matière, avec le temps.

Commentaires

  • T. Tranströmer :
    - "C'était un enterrement
    Et je sentais que la mort
    Devinait mes pensées mieux
    Que moi-même..."

  • COHESION

    "Voyez cet arbre gris. Le ciel a pénétré
    par ses fibres jusque dans le sol -
    il ne reste qu'un nuage ridé quand
    la terre a fini de boire. L'espace dérobé
    se tord dans les tresses des racines, s'entortille
    en verdure. - De courts instants
    de liberté viennent éclore dans nos corps, tourbillonnent
    dans le sang des Parques et plus loin encore."

    Tomas Tranströmer, "Baltique"

  • Super intéressant ton billet et ses multiples liens, merci!

    Travailleur infatigable, Miquel Barceló vient de publier "Cuadernos del Himalaya" (cahiers de..) qui réunit des aquarelles, dessins, réflexions écrites sur le "toit du monde". "Contre la mort de la peinture" dit la critique del País.

  • Merci de prendre le relais - douze ans ont passé depuis l'essai de Joëlle Busca. Des textes aussi dans les Cahiers de voyage de Barceló ?

  • Pas encore acheté ni feuilleté ici, mais je vois qu'il existe en français, voici un texte-blog:
    http://www.thierry-guinhut-litteratures.com/article-miquel-barcelo-cahiers-d-himalaya-105491984.html
    Belle soirée amie.

  • Sortant d'un billet sur un ouvrage noir, ce peintre prolonge ma réflexion. Toujours intéressé par les artistes sombres tels Bosch, Spilliaert,... (mais aussi Barbara, Ferré, Poe), je découvre celui-ci avec bonheur.

  • @ Colo : Lien très intéressant, pour les Cahiers de Barceló et pour le blog. Bonne fin de journée, Colo.

    @ Christw : Heureuse que vous en fassiez votre miel. A bientôt.

  • Miquel Barcelo = un géant de la peinture.
    Grand merci pour ce billet !

  • Grand merci à toi, MH, grâce à qui j'ai lu ce texte qui m'a permis d'approcher le géant d'un peu plus près.

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