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Belgique - Page 34

  • Représentation

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    Vue du livre-guide du visiteur, avec des cartes postales détachables

    « La représentation de l’Homme est devenue une préoccupation pratiquement obsessionnelle dans l’histoire de la peinture occidentale. Contrairement à d’autres cultures, l’art européen et nord-américain a mis l’humain à l’avant-plan de manière proéminente. »

    Guide de la « Biënnale van de schilderkunst 2012. De mens in beeld »

  • L'homme en image

    « De mens* in beeld / L’homme en image » (*l’être humain, en néerlandais). C’est le thème de la troisième « biennale de la peinture » des Musées Dhondt-Dhaenens (Deurle) et Roger Raveel (Machelen-Zulte), dans la région des peintres de Laethem-Saint-Martin. Un parcours sur la figure humaine vue par des artistes contemporains, en dialogue avec quelques peintres de leurs collections permanentes. A visiter jusqu’au 30 septembre 2012.

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    Vue du Musée Dhont-Dhaenens

    Qu’il est agréable de déambuler dans ces musées modernes à taille humaine où la lumière circule si bien ! Le premier, destiné d’abord à abriter la collection des époux Dhont-Dhaenens et à la rendre accessible – une manière aussi de valoriser cette belle région de la Lys en Flandre, se consacre à l’art du XXe siècle et contemporain. Depuis 1999, le musée Roger Raveel – quelle consécration pour un artiste d’avoir de son vivant, dans son village, son propre musée – présente un ensemble considérable d’œuvres de l’artiste et des expositions contemporaines. 

    Au musée DD entouré de verdure, dix artistes en dialogue avec Constant Permeke et Frits Van den Berghe. Surprenante entrée en matière, à gauche de l’entrée, avec les Autruches dansantes de la portugaise Paula Rego : en tutu noir, Lila Nunes, mannequin, a posé dans des attitudes grotesques inspirées du film Fantasia de Walt Disney.

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    Sans titre (Musical chair) © Francis Alÿs

    Tout en finesse et légèreté, plus loin, des peintures et dessins sur calque de Francis Alÿs. Ce Belge de réputation internationale réside à Mexico City. Des œuvres de petit format sur le mouvement et la répétition attirent ici l’attention sur les pieds. Soulier ciré (études pour une animation sur DVD visible à l’exposition, Shoe Shine Blues) ; personnages en marche ; soulier soulevant un tapis rouge ; couple autour d’une chaise, en deux scènes inversées. 

    Dans le couloir central, une série de petits cadres révèlent un artiste qui m’a fait forte impression, avec ses bonshommes tristes – du bleu surtout, du noir, du doré. Trait acéré, dates incisives à l’encre de Chine qui sont à la fois titres et motifs, lames menaçantes, l’univers de Florin Mitroi (1938-2002) évoque l’impuissance, l’angoisse, le désespoir. « Only one trait, only one colour, only one truth » (un seul trait, une seule couleur, une seule vérité) écrit Erwin Kessler à propos de ce professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bucarest. Sa peinture éloignée du réalisme social imposé par le régime communiste n’a guère exposée de son vivant. Après sa mort, des centaines d’œuvres sur toile, bois, verre et papier ont été retrouvées dans son atelier. C’est terrible et intense, inoubliable.

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    Technique mixte sur verre © Florin Mitroi

    Les personnages d’Elizabeth Peyton, une Américaine née en 1965, appartiennent à un univers très différent, eux sont dans le monde, mondains même. Gens célèbres ou familiers, elle les représente dans leur solitude, rêveurs, fragiles, incertains. Parmi ses portraits, ceux de Martin Creed les yeux dans le vague, d’Elizabeth (Arden) et Georgia (O’Keeffe) en noir et blanc, ou d’une femme seule devant un verre de vin (belle aquarelle exposée au musée Raveel). 

    Le Rêve (La Création) de Frits Van den Berghe représente un homme couché, les yeux clos, la tête appuyée sur une main. De son corps émergent de petits personnages colorés – l’imaginaire prend possession de l’artiste. Les figures solides peintes par Van den Berghe (1883-1939) appartiennent à sa région, les formes sont généreuses, les couleurs chaudes. Les œuvres présentées ici font la part belle à l’imagination et certaines illustrent les fantasmes sexuels de l’artiste, non sans humour (La pédicure, Fertilité, L’impudique). 

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    Le rêve (La Création) de Frits Van den Berghe

    Après une pause en terrasse – plaisir d’une belle journée d’été – et quelques pas dans Laethem-Saint-Martin où les anciennes maisons restaurées et les belles résidences rivalisent de chic, et aussi leurs jardins, non loin des champs et de la Lys où les bateaux de plaisance défilent en ce chaud dimanche d’août, nous prenons la route en direction du musée Roger Raveel. 

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    Vue du Musée Roger Raveel

    Comment présenter cet artiste inclassable, né en 1921 ? Ce qui frappe dans ses toiles, c’est le jeu des structures, des couleurs. Beaucoup de blanc – sa devise est « Wit bewaar steeds je geheim » (Le blanc conserve toujours ton secret). Du jaune, du bleu, des couleurs vives, des rayures. Raveel ne dessine pas les visages en général, mais des silhouettes, des formes. Homme ou femme à ses occupations quotidiennes, de face, de dos, à une fenêtre ; parfois un paysage. Raveel mêle les motifs abstraits et figuratifs. Des miroirs sont intégrés dans de nombreuses toiles, et d’autres objets : grillage, tissu, cage à oiseau… 

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    Les visiteurs sont invités à entrer dans L’illusion, un ensemble d’éléments placés en enfilade : à travers le torse découpé d’un personnage, il faut regarder plus loin, à travers un autre cadre. Tout au bout, sur une toile au mur, l’image d’un homme, de dos, à sa fenêtre – l’artiste à son chevalet ? A l’étage, pas loin d’un tapis mural représentant la procession des images, une étonnante Charrette à accrocher le ciel, soit un cube sur roues dont la face supérieure est un miroir ; toutes les faces sont peintes, il faut tourner autour de cet objet astucieux. 

    Par une passerelle, on accède à l’étage réservé à la biennale 2012 (on peut y aller un autre jour, si l’on veut, avec le billet combiné). De Jan Van Imschoot, une série de portraits peints en 2001 à l’occasion d’une exposition dans un hôpital psychiatrique – le regard de Felix ! Une autre peintre dont je retiendrai le nom, Ellen de Meutter : autour de ses personnages en mouvement, le paysage bouge, les couleurs tourbillonnent.

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    Don’t run away from life © Ellen de Meutter

    Parmi les peintres « anciens », j’ai admiré Rachel par Spilliart, et aussi Seule : une petite fille sur le plancher d’un grenier – une scène de théâtre. Un hommage de Van Rysselberghe à la nuque d’Alice Sethe. Coquillages, croupes et mollusques du sarcastique Ensor. A voir aussi, dans une salle de photographies, l’album mural Genesis : des textes d’Hugo Claus illustrés par Raveel.

    Si vous aimez flâner en peinture, ne ratez pas cette biennale. N’imaginez pas revoir en même temps la collection permanente du Dhont-Daenens, elle est en voyage, mais ce serait bien le diable si vous ne vous arrêtiez pas, complètement happé, devant l’une ou l’autre œuvre de ces artistes (plus de trente) qui, de façon parfois si déroutante, ou émouvante, parlent d’eux et de nous.

  • Mon ami le paysage

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    L'Escaut à Saint-Amand

     

    J'ai pour voisin et compagnon

    Un vaste et puissant paysage

    Qui change et luit comme un visage

    Devant le seuil de ma maison.

     

    (...)

     

    Emile Verhaeren, Mon ami, le paysage
    (
    Les Flammes hautes, 1917)

     

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  • Verhaeren au Caillou

    Un article enthousiaste de Guy Duplat m’a fait prendre il y a peu la route de Saint-Amand (Sint-Amands) : c’est juste à côté de la maison natale de Verhaeren que le Musée provincial, au premier étage de la bibliothèque communale, propose une exposition sur « Emile Verhaeren & Le Caillou-qui-bique », « lieu mythique lié à Verhaeren comme Combray à Proust ou les Marquises à Gauguin » (Duplat). Le nom du hameau vient d’un rocher saillant « à la silhouette d’un diable, (…) sujet d’innombrables contes et légendes » (Petit guide bilingue de l’exposition).

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    Sur la rive de l’Escaut, Saint-Amand vaut d’abord la visite pour ce site exceptionnel : la tombe de Verhaeren, où la dépouille de son épouse est venue le rejoindre, domine le fleuve. Tout près, l’église et une brasserie, De Veerman (Le Passeur), et l’embarcadère où un bac transporte promeneurs et cyclistes (très nombreux) d’une rive à l’autre toutes les demi-heures pendant l’été).

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    Sous les noms d’Emile et Marthe Verhaeren, cette inscription : « Ceux qui vivent d’amour vivent d’éternité. »

    Tableaux, sculptures, livres, manuscrits, photos, gravures, textes et lettres font revivre ces années 1899 à 1914 où les Verhaeren aimaient passer le printemps et l’automne dans leur résidence secondaire. La muséographie est chaleureuse : tables en bois de différentes hauteurs et dans tous les sens, avec des tiroirs à ouvrir par les visiteurs, comme y invite aimablement le conservateur du musée, tentures aux motifs végétaux, mur sous-bois (photographie). Toutes les légendes sont en français et en flamand.

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    De Degouve de Nuncques, deux peintures de l’auberge du Caillou-qui-bique. La maison des Verhaeren (installés alors dans un appartement de Saint-Cloud près de Paris), Marthe Verhaeren (Massin) la représente avec les poules devant une barrière en bois verte. Au départ, ce n’étaient que des étables. Léon Laurent, le propriétaire de la Crémerie, les a réaménagées pour eux. D’anciennes cartes postales et photos rappellent l’atmosphère de l’endroit, à l’époque fort fréquenté pour un bain de nature (vers 1900). « Je ne distingue plus le monde de moi-même, je suis le sol (…) et l’herbe des fossés où soudain je m’affale… » (Verhaeren, La multiple splendeur)

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    Marthe Verhaeren, La ferme du Caillou-qui-bique (détail)

    Stefan Zweig a souvent séjourné au Caillou et y appréciait la vie simple et naturelle de ses hôtes : « Est-ce bien une maison ? Pas même une maisonnette, ce n’est qu’une grange en briques, sans autre décor que les guirlandes de verdure et de roses qui s’accrochent sur le rouge brunâtre de la brique. C’est un ouvrier qui se tient sous les arbres : veston de velours gris, culotte bouffante, sans col ni cravate, des sabots aux pieds, plutôt laboureur, fermier d’Amérique que bourgeois bourgeoisant. » (Stefan Zweig, Souvenirs sur Emile Verhaeren)

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    Zweig entre Emile et Marthe Verhaeren sur le banc
    devant leur maison (Photo sur le site du musée)

    De Montald, autre visiteur régulier, les dessins à l’encre de Chine sont autant de portraits vivants. En 1907, dans une lettre à Charles Bernier, ami graveur et aquafortiste, Verhaeren confie avec humour ne pas toujours goûter le calme souhaité dans sa maison de campagne : on lui rend visite, beaucoup d’artistes, d’écrivains, de traducteurs ; on le sollicite – « Mon Dieu, que c’est embêtant d’être quelque chose ! »

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    Les poèmes de Verhaeren abondent dans l’exposition, on peut aussi en écouter dans une vidéo, comme « Toute la mer va vers la ville » (Le port) et « Je ne puis voir la mer sans rêver de voyage… » (Le voyage). La nature inspire le grand promeneur qu’était Verhaeren – « Je t’apporte, ce soir, comme offrande, ma joie / D’avoir plongé mon corps dans l’or et dans la soie / Du vent joyeux et franc et du soleil superbe… » (Les Heures d’après-midi) – et aussi les hommes « Il n’importe d’où qu’il me vienne / S’il est quelqu’un qui aime et croit / Et qu’il élève et qu’il soutienne / La même ardeur qui règne en moi » (strophe ajoutée à la main par le poète au tapuscrit de Flammes hautes).

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    Parmi les portraits, en voici deux de Verhaeren avec sa grande cape, son chapeau et sa canne, le plus petit, de dos, inspiré par celui de Montald, comme en recto verso ; ils sont l’un à côté de l’autre, non loin d’un tableau de Marthe Verhaeren montrant son époux à son bureau. Marthe Massin, que le poète considérait comme son « Saint Georges », est très présente dans l’exposition : oeuvres, photos, portraits, textes qui lui sont dédiés. Plusieurs artistes ont sculpté le buste de Verhaeren : César Schroevens (une copie en bronze près de l’accueil), Buleslaw Biegas (ci-dessous), Zadkine (à gauche sur la vue d'ensemble)…

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    On accède au petit salon adjacent par un palier où l’on peut lire près d’un haut relief cette phrase de Zweig : « Par-dessus la terre de ses pères son amour allait vers l’Europe, vers le monde tout entier, plus que le passé il aimait l’avenir ». On y voit un Portrait en redingote rouge de 1907 par Georges Henri Tribout, une belle illustration de Van Rysselberghe pour « Les errants », entre autres.

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    Lettre de L. Laurent à Verhaeren

    J’ai d’abord cru que cette exposition (jusqu’au 11 novembre 2012) se tenait au Caillou-qui-bique à Roisin (Honnelles), près de la frontière française. Après avoir visité l’exposition de Saint-Amand (un village dont je vous reparlerai bientôt), je suis bien sûr toute prête à prendre la route en direction de ce coin du Hainaut où le grand poète francophone de Flandre, le Belge, l’Européen, qui aurait pu décrocher le Nobel en 1911 à la place de Maeterlinck, se sentait vivre « double et triple ». Là aussi, nul doute, je sentirai la présence de celle qui m’a fait apprendre par cœur, et pour la vie, « Au passant d’un soir ».

  • L'écart

    Pause / Terre d’écarts / 4    

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    Rik Wouters, Le masque qui rit (Nel)

    La terre a tourné sans nous
    Elle continuera de tourner après nous
    mais quand nous y sommes
                                           quelle différence !

     

    Liliane Wouters, Vies et morts de mademoiselle Shakespeare

     

    (Terre d’écarts – Ecrivains français de Belgique, Editions Universitaires, Bruxelles, 1980.)