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Belgique

  • A la Réserve

    Au début du mois, c’est le jaune des champs de colza qui m’avait enchantée près des bois de Monstreux. A la mi-mai, c’est le jaune des boutons d’or qui accueille les promeneurs près de la Lasne à Rixensart. Cette commune du Brabant wallon veille sur ses espaces naturels et en particulier sur les « derniers témoins des vastes ensembles de prairies marécageuses qui occupaient jadis les vallées brabançonnes » (site de Rixensart). 

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    Depuis notre dernière balade à cet endroit, le paysage a bien changé : à présent une Réserve gérée par Natagora, « organisation non gouvernementale qui défend et protège les espèces et les paysages menacés en Wallonie et à Bruxelles », ce site accueille des castors qui remodèlent les lieux et rendent à l’eau sa place naturelle.

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    Des passerelles en bois permettent de se promener au-dessus du sol marécageux et d’observer comment la faune et la flore en profitent, avec le coassement des grenouilles en bande sonore. Enfant ou adulte, c’est toujours gai de les repérer et de les voir sauter ici et là.

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    Plus loin, des tiges des roseaux secs se dressent entre les plantes et arbustes aquatiques, certaines sont dépouillées, d’autres encore plumeuses. Leur beige doré contraste avec le vert des feuillages au printemps et les épis flottants agrémentent le tableau.

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    De jour, on a peu de chance d’observer le castor, qui joue un rôle important dans la protection d’autres espèces. A défaut, on photographie les arbres et tout ce qui se reflète dans l’eau. On aperçoit des branches qui y sont tombées, des troncs entamés durant l’hiver. « Les saules peuvent représenter jusqu’à 90% de son alimentation, mais il s’adapte aussi aux ressources de son territoire » (Dossier Natagora).

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    « Grâce à lui et ses ingénieuses constructions de barrages et de chenaux, le castor fait apparaître des milieux aquatiques et humides, permettant ainsi l’apparition d’une végétation variée. Ce qui entraîne alors la venue de toutes sortes de batraciens, d’insectes, d’oiseaux, de poissons… qui peuvent trouver des zones de quiétude pour se reproduire, nicher ou tout simplement se nourrir. » (site de Rixensart)

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    Une cane juchée sur un piquet semble elle aussi absorbée par ce riche environnement tout de vert et d’or. En remontant vers les maisons, j’observe avec plaisir près du sentier l’eau vive qui se fraie un chemin dans tout ce jaune printanier et y ajoute son glouglou et sa clarté. Merci aux Rixensartois qui nous ont emmenés à la Réserve.

  • Qui je suis

    Bary Isabelle.jpg« Allongée sur le dos, les bras repliés sur le ventre, je fixe le plafond de ma petite chambre dans le noir. Qu’est-ce que j’ai dans la tête, après trente ans d’amour vivace avec un seul homme, à fantasmer sur une aventure avec le premier éphèbe venu, en pleine possession de ses moyens et dépossession de ses vêtements. Je joue à cache-cache avec le sommeil, m’assoupis dans les bras d’un inconnu pour me réveiller quelques minutes plus tard en sursaut au creux de Julien.
    Je pourrais cesser cette folie, rentrer dès demain à Bruxelles et ne plus jamais faire allusion à cette escapade. Imaginer qu’il ne s’agissait que d’un égarement né de ma perturbation hormonale. Un dérèglement que tous me pardonneraient. Julien le premier. Après quelques semaines de réarrimage, tout rentrerait dans l’ordre. Leur ordre.
    Et je ne saurais jamais qui je suis vraiment, isolée de mon clan.
    Les yeux à nouveau collés au plafond, je me promets solennellement de persévérer sur cette voie étrange où mon corps ressemble à un messager et les gens à des miroirs. »

    Isabelle Bary, Le second printemps

    Photo : Isabelle Bary / Séance de dédicace à Schaerbook ce samedi 17 mai (16.30-18h)

  • Le second printemps

    D’Isabelle Bary, j’ai beaucoup aimé lire Zebraska et j’ai apprécié qu’on m’offre Le second printemps, son dernier roman, gentiment dédicacé : « Puisse Le second printemps vous emporter sur le chemin d’Adèle et d’Emma. » Leur histoire est dédiée « aux femmes de Kaboul ».

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    Adèle Carlier, cinquante-deux ans, ressent soudain « une fatigue immense », celle des rôles qu’elle a joués jusqu’alors, « la femme, la mère, l’épouse » : « sur le fil tendu de ma vie, le curseur a laissé plus de place à hier qu’à demain. » Sa vie ressemblait au « perpétuel printemps » d’une femme « forte et courageuse, jolie, bien dans sa peau et dans son temps ».

    Libre, mais « sous influence ». Attirée par la littérature, elle avait choisi des études de biologie comme en rêvait son père, puis elle était « tombée dans les bras de Julien » et avait laissé sa vie tourner autour de cet amour. En plus de leurs deux fils, Jules et Sacha, elle « appartenait » à son mari, à ses parents, à ses amis, à son travail en laboratoire. Comme elle tenait un blog sur ses « enthousiasmes littéraires », un directeur de radio, Jean, l’avait contactée : il lui donnait carte blanche pour animer une émission littéraire trois fois par semaine. Elle avait quitté le labo. Elle écrivait aussi, sans arriver pour autant à écrire un roman digne d’être publié.

    Adèle se considérait comme une femme libre. Mais le conseil d’administration venait de décider l’arrêt de son émission et lui proposait de gérer un nouveau service culturel de la chaîne. Privée d’antenne, elle se sent désormais appartenir au passé. Dans un entretien à la RTBF, la romancière explique qu’au Japon, la ménopause est appelée « le second printemps ». Adèle : « Je suis alors loin d’imaginer qu’à Paris, au même moment exactement, une jeune femme chavire, elle aussi. Je ne connais pas son nom et j’ignore qu’un jour nos destins seront liés. Je ne sais même pas qu’elle existe. »

    C’est ainsi qu’Isabelle Bary introduit le personnage d’Emma, une jeune prof de philo qui vient d’apprendre le suicide d’une de ses élèves après avoir partagé un défi collectif risqué. Révoltée, Emma se décide alors à faire quelque chose à quoi elle pense depuis tout un temps : elle sort d’un tiroir un tissu bleu azur et s’en couvre la tête en le pliant dans les règles, « comme s’il exhalait un goût de liberté. » Le second printemps raconte comment ces deux femmes se révoltent, chacune à leur manière.

    Emma, née en Ouganda, adoptée par des parents américains, a grandi à New York puis à Paris. A quinze ans, elle avait été choquée d’apprendre le démantèlement d’un réseau d’escroquerie à l’adoption en Ouganda et s’était rebellée contre son éducation catholique en se jetant dans la lecture du Coran. A trente ans, elle accomplit un rituel secret pour se retrouver. Un personnage surprenant.

    Le récit passe de l’une à l’autre : à la première personne pour Adèle, à la troisième pour Emma. Le chemin qu’empruntera la première en prenant des vacances en solo pour la première fois de sa vie lui vaudra plusieurs rencontres importantes, celle de Jeanne, une femme plus âgée, indépendante et sereine, puis celle d’Emma. Le second printemps a pour thème la recherche d’un second souffle, dans une démarche plutôt féministe mais sans rupture avec les hommes pour autant. Ils ont leur place dans leur vie. Comment la vivre plus librement, c’est ce qu’Adèle et Emma cherchent à réaliser à un moment de bascule dans leur existence.

    Isabelle Bary brasse dans ce dernier roman des thèmes actuels, avec une grande curiosité pour les autres, abordés sans jugement a priori. Où la recherche d’une nouvelle façon d’être soi va mener ses personnages, c’est ce qui m’a poussée à lire le récit jusqu’au bout. La traversée de la cinquantaine par Adèle est assez banale, j’ai été davantage surprise par sa fascination pour Emma, aux réactions souvent inattendues. Jeanne incarne une autre façon de vieillir.

    Il me semble qu’un trop-plein d’explications alourdit le style, plutôt prosaïque. Montrer les situations, les rencontres, les gestes, sans pour autant tous les commenter, laisserait plus de place à l’imagination des lectrices et lecteurs. Fallait-il ajouter un épilogue ? Si vous lisez Le second printemps d’Isabelle Bary, n’hésitez pas à donner votre avis.

  • L'anti-mai

    « Nous sommes tentés de tout passer à des jours rayonnants et bleus ; mais le manque d’eau sous un ciel gris, que l’anti-mai nous inflige parfois, est impardonnable, alors que la terre et les plantes ont tant besoin de sucs et de soleil.
    En de tels moments, Baptiste, le jardinier, devient amer et ironique :
    « Ils ont de l’eau tant qu’ils veulent, là-haut, dit-il, mais, soyez tranquille, elle n’est pas pour nous ! Par exemple ! ce qu’
    ils en font, je me le demande ! »
    Baptiste assure aussi que ce temps fait entrer les pousses des jeunes légumes sous terre et se replier les fleurs de pois dans leurs calices.

    Pluie de mai.jpg

    Enfin, l’anti-mai cède à l’ondée tant désirée :
    « Il pleut, dit alors Baptiste, ce n’est pas trop tôt ! Vous croyez qu’il tombe des gouttes d’eau ? Non. Il pleut des petits pois et des pommes de terre. »
    La vieille Julie, du fond de sa cuisine, crie : « Qu’est-ce que vous dites, qu’il pleut ? »
    Baptiste, la face ruisselante et réjouie, indique d’un geste triomphant la pluie tiède, douce, continue, qui chante dans la jeune verdure, et répète :
    « Je dis qu’il pleut des pommes de terre nouvelles et des petits pois !
    – Oh ! soupire Julie d’un ton déçu, je croyais que vous aviez dit : de jeunes carottes ! »

    Marie Gevers, Plaisir des météores (Les réserves de mai)

  • Promenons-nous

    Du temps estival pour le premier mai de cette année et une invitation à la promenade : voilà de quoi se sentir renaître avec le printemps. Dans la région de Nivelles, en Brabant wallon, l’église du village de Monstreux était le point de repère pour se mettre en marche.

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    Il faut d’abord longer la route pour monter vers les bois. Sur la gauche, une allée mène au portail d’une belle ferme brabançonne qui donne envie de prendre une première photo. Vous en aurez une vue plus complète et même une vue du ciel en regardant ce reportage paru dans L’Avenir il y a un an, avec les photographies du journaliste « reporter d’images » Mathieu Golinvaux.

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    Les grands champs de colza en fleur sont un régal pour les yeux, de grandes flaques de soleil sur terre. « Miroitement du colza en fleur » (Haïkus de printemps) Je me souviens de maman qui aimait arrêter la voiture sur le bord de la route pour s’imprégner d’un paysage habillé de jaune et qui avait tenté d’en rendre la couleur sur la toile ; ce n’était pas aussi simple qu’elle l’avait imaginé.

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    Au bout d’un champ de colza, on entre dans le bois. Double sensation d’un coup : la fraîcheur de l’ombrage, la lumière du sous-bois. Des deux côtés du chemin, la floraison de l’ail des ours bat son plein au pied des arbres et le long du ruisseau. C’est un enchantement. Le sol tacheté d’ombre et de lumière sous les jeunes feuillages et les tapis d’étoiles blanches fêtent l’inauguration du mois de Marie.

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    Cà et là les jacinthes des bois, fleurs d’avril si appréciées qu’il faut à certains endroits les protéger de la cueillette sauvage, posent encore leur bleu délicat dans l’une ou l’autre clairière. Quel chemin moelleux sous nos pas, une vraie moquette naturelle de feuilles et d’humus !

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    Bien sûr il faut aussi lever les yeux, tenter d’apercevoir l’oiseau qui chante si joliment au-dessus de nous. En allant vers la vallée de la Thisnes, on ne manque pas de saluer quelques magnifiques chênes. Leur grand âge donne le vertige du temps.

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    « Jamais le mois de mai ne parvient à épuiser toutes les beautés dont il dispose. » (Marie Gevers, Plaisir des météores) La boucle de la promenade nous fait descendre en douceur du monde des arbres vers les prairies ouvertes sous l’azur. Voici bientôt l’église Saint Michel et les maisons, le monde des hommes dans la chaleur de midi.