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Belgique

  • Antica Brussels 2024

    C’est un grand plaisir de retrouver Antica Brussels (ex-Eurantica) sur le site de Tour & Taxis, cadre de la Brafa autrefois. Environ 70 exposants, plus de peintures que de sculptures et peu de mobilier, des vases, beaucoup de bijoux scintillant sous les spots, de la très belle vaisselle – il y en a pour tous les goûts.

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    Hans Wilt, Sous un ciel d'argent, Tempera sur carton, 1916, 78,5 x 93,5 cm

    Connaissez-vous Hans Wilt (1867-1917) ? Sous un ciel d’argent est le premier tableau qui me retient. Un peintre autrichien connu « pour ses marines et ses paysages, mais également pour ses scènes de ville, représentant des marchés, des places viennoises, des parcs […] », peut-on lire sur le site de la galerie Ary Jan. Elle montre entre autres de très belles vues nocturnes de Paris par Edouard Cortès et des élégantes de Toussaint (1873-1956) au charme suranné.

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    Franz Unterberger, Castellamare – Golfe de Naples, s.d., huile sur toile, 75,5 x 144,5 cm

    Une grande toile, Castellamare – Golfe de Naples, est signée d’un autre Autrichien, Franz Unterberger (1838-1902). Presque deux fois plus large que haute, elle représente un bord de mer lumineux et très animé : près des barques de pêche, sur la plage, de nombreux personnages composent une scène très vivante, formidablement fouillée.

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    Paire de vases gourdes en émaux cloisonnés (galerie Lamy)

    Sans transition, j’observe un stand d’antiquités orientales dont les vitrines contiennent de petits objets précieux : bijoux, flacons, boîtes, éventails… J’y admire surtout une paire impressionnante de grands vases gourdes en émaux cloisonnés : Chine, XIXe, j’imagine, ils ont leur col en forme de bulbe et des anses dragons. Un magnifique oiseau bleu et blanc y déploie ses ailes sur un fond turquoise orné de pivoines, dressé sur un sol jaune pâle. Quelles merveilles !

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    © Anto Carte, La dame au chapeau, 1914, huile sur toile, 70,5 x 54 cm

    Remarkable Paintings présente surtout des peintures belges du XIXe siècle. Je craquerais volontiers pour des Vases fleuris de Jehan Frison. Voici une toile d’Anto Carte qui m’étonne, datée de 1914, La dame au chapeau. Ce beau portrait n’est pas encore dans la veine à la fois symboliste et expressionniste qui a fait sa renommée, mais la pureté du visage montre déjà la grande humanité de cet artiste resté attaché à la figuration. Parmi les fondateurs du groupe Nervia en 1928, il en est aujourd’hui le membre le plus coté.

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    © Hervé t’Sterstevens, Ecureuil au seuil…, bronze

    Parmi les bronzes animaliers d’un sculpteur contemporain, Hervé t’Sterstevens, un écureuil en mouvement attire mon attention. Je ne connaissais pas cet artiste au parcours étonnant, d’après sur son site. Un reportage récent du Jardin extraordinaire m’a appris que l’écureuil était cousin avec la marmotte. J’aime cette forme circulaire qui le montre en plein bond, pas vous ?

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    Charles Schneider, Vase aux coprins, Le Verre français, 1923-1926

    L’Art nouveau et l’Art déco restent des valeurs sûres dans les foires. J’ai d’abord cru que le col de ce vase pansu, posé dans le bas d’une vitrine, formait le cœur d’une fleur, quand l’exposant (Antiques Emporium) s’est approché pour corriger mon impression : c’est un vase aux coprins de Charles Schneider (Le verre français). Il m’a montré de près ce vase joliment moucheté de bleu cyan pour que je voie mieux l’herbe (couleur prune) d’où émergent les champignons d’un beau rouge écarlate. Superbe.

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    Paravent Les heures du jour, lithographies de Mucha

    Chez un autre antiquaire néerlandais, Het Ware Huis, un délicieux paravent orné de quatre lithographies de Mucha illustre Les heures du jour (1899) : Éveil du matin, Éclat du jour, Rêverie du soir, Repos de la nuit. Il vous plaît ? Cliquez ici pour en apprécier les détails.

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    © Konstantina, Negative Space : Djurali Mullumbimby Pink, 2023,
    Pigments naturels & acrylique sur toile

    Sur le stand des Arts d’Australie, j’admirais Negative Space : Djurali Mullumbimby Pink (2023) quand le galeriste est venu me présenter cette toile de Konstantina. L’œuvre fait partie d’une série de diptyques où elle explore son identité aborigène. Dans une vidéo, elle parle de sa peau très blanche, ce qui la rend fière et la trouble à la fois, depuis qu’elle se sait descendante du peuple Gadigal. Djurali rend hommage au Bangalow Palm Tree, un palmier dont les aborigènes utilisent l’écorce. « A la manière d’une ombre chinoise, la silhouette végétale de l’espèce représentée s’incarne par un assemblage de pointillés finement apposés ou se soustrait à son environnement, laissant derrière elle l’empreinte de son absence révélée par ses contours de points. » (Arts d’Australie)

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    Antica Brussels 2024

    Que de choses à voir ! Un bel ensemble de gravures de Delvaux accrochées un peu trop haut pour le regard. Un grand Claustra de cuivre étamé et sculpté au chalumeau par Pierre Sabatier. Bien encadrées, des aquarelles d’Alexandre Graverol (le père de Jane G.) – en ligne une variante de Verlaine, la muse absinthe – à rapprocher de celle de Privat Livemont. Des éditions originales de Banksy vendues pour des motifs humanitaires… On espère qu’Antica, en plus du salon de Namur en automne, a trouvé pour de bon ses marques à Bruxelles et y reviendra à chaque printemps.

  • Le soleil blond

    Bonnard Etude pour le printemps.jpgAllongé près de la fenêtre
    Par où l’air du printemps pénètre,
    Le chat, de soleil imprégné,
    Ferme à demi ses yeux striés.

    Un merle tout reluisant lisse
    Du bec la lumière que glisse
    A ses plumes, dans l’air tiédi,
    L’or tout jeune de ce midi.

    Tu t’en vas, enfant, boucles libres,
    Par les prés où la brise vibre,
    Des rayons se posent, heureux,
    Aux détours blonds de tes cheveux.

    Et moi, je recueille en mon âme
    L’azur, les longs nuages pâles,
    Et ce doux soleil enfantin
    Marchant dans l’herbe de satin.

    Marie Gevers, « Brabançonnes » à travers les arbres

    Pierre Bonnard, Etude pour "Le Printemps", 1912, Huile sur toile, 70,3 x 64,6 cm
    © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Sylvie Chan-Liat

  • Je n'ai pas dit

    Je n’ai pas dit ce que tu dis,
    Tu n’as pas dit ce que je dis.
    Et pourtant nous avons souri
    Comme si on s’était compris.

    Parc Josaphat 10 avril (5).jpg

    Je ne sais pas ce que tu sais,
    Tu ne sais pas ce que je sais.
    Et nous savons bien cependant
    Ce que chacun pense en dedans.

    Je ne fais pas ce que tu fais,
    Tu ne fais pas ce que je fais.
    Mais ce que nous faisons à deux
    Touche toujours au merveilleux.

    Parfois j’ai soif quand tu as faim
    Et, parfois, faim quand tu as soif.
    Mais nous partageons, chaque soir,
    Le même vin, le même pain.

    Je ne lis pas ce que tu lis,
    Tu ne lis pas ce que je lis.
    Mais l’amour peut lire, à toute heure,
    La même chose dans nos cœurs.

    Maurice Carême, Figures

    (Photo : Parc Josaphat, 10 avril 2024)

  • Plus et plus fort

    zebraska,isabelle bary,roman,littérature française de belgique,surdoué,haut potentiel,différence,famille,culture,éducation,mèreLa psychologue à la mère de Martin :
    « Ce que ça implique concrètement ? Eh bien, son esprit atypique est notamment habité d’une sensibilité extrême qui rend insupportable pour lui un dixième de ce qui le serait par toute personne normo-pensante. Je parle ici du bruit, des odeurs, mais aussi des comportements. C’est ce qu’on appelle l’hyperesthésie. De plus, son esprit ne fonctionne pas de manière séquentielle, il ne voit pas les choses les unes après les autres, mais de façon globale, ce qui lui donne du mal à se concentrer sur une seule réalité à la fois. Cela engendre souvent de gros soucis d’apprentissage. Son quotient émotionnel est démesuré : tout le touche, l’ébranle et le blesse. Il capte plus et plus fort ce que les autres ressentent à peine. Il aime concevoir et non restituer. Son rythme mental est accéléré, il ne cesse de penser, ce qui est épuisant et le met en décalage par rapport aux autres. Sa pensée est vive et omniprésente, un peu comme un bavardage incessant dans sa tête. »

    Isabelle Bary, Zebraska

    Assiette décorée par Folon

  • Zebraska

    La lecture de Zebraska (2014) est mon premier contact avec l’œuvre d’Isabelle Bary, une autrice belge publiée depuis une vingtaine d’années. Les éditions J’ai lu l’ont publié en poche dans une nouvelle version « revue et augmentée » en 2020.

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    Martin, son jeune narrateur, quinze ans en 2055 quand son récit commence, a tendance à voir les choses en couleurs – « Il paraît que la majorité des gens ne voient pas le monde comme moi. » A la sortie du lycée, la plupart des élèves ont leurs lunettes holographiques sur le bout du nez. Lui se sent énervé, ses amis sont en retard. Louna est sa petite amie depuis ses huit ans. Scott, son « seul grand ami », est un « crâneur », contrairement à lui avec ses peurs, sa susceptibilité.

    Quand il se décide à leur dire qu’il est en train de lire un livre de papier qui le « met à l’envers », Scott le traite de « Barjot ». Martin les plante là. Ce « bouquin » le hante depuis des semaines, il est impatient de le retrouver. Sous sa couverture rouge, Zebraska porte une dédicace : « A mon petit zèbron Marty » [sic]. C’est un cadeau de sa grand-mère, Mamiléa, partie rejoindre son grand-père en Afrique. Martin est un « surdoué » ou plutôt un garçon « HP (haut potentiel) ». Ça ne dérange personne dans sa classe d’enfants intellectuellement précoces.

    Ce livre allait l’emporter « dans une autre dimension », avait dit son père en le lui remettant la veille de Noël. Martin vénère sa grand-mère, qui n’ignore pas que « plus personne ne lit de livres depuis des décennies » – les gens ont leurs lunettes pour s’informer et se distraire. Curieuse de ce qu’elle y raconte, dès qu’il le peut, son petit-fils fonce dans sa chambre pour en continuer la lecture, même s’il lui est difficile au début de se concentrer sur des pages sans images.

    Sa grand-mère a intitulé son récit Zebraska, « le monde qui refuse d’abandonner l’imaginaire au profit de la réalité », « peuplé de zèbres impertinents qui s’interdisent de ne plus croire en rien ». Mamiléa y raconte sa propre histoire autour de la question qu’elle se posait quand elle avait quarante ans : « comment être une bonne mère ? » Son histoire allait intéresser son petit-fils, elle en était sûre, puisqu’elle y parle de ses deux fils, Thomas et Mattéo (le père et l’oncle de Martin) et d’elle-même qui se voulait une mère idéale pour eux.

    Jusqu’alors, Martin ne s’est pas fort intéressé au passé de ses parents. L’histoire de Mamiléa lui fait découvrir que son père était un enfant « différent », avec de terribles exigences, souvent au détriment de son frère Mattéo avec qui tout était plus facile. Le livre l’obsède, son comportement change. « Ces pages me rendent fou. » En plus, son amie Louna flirte avec un « grand macho », il en est mortifié.

    Mamiléa raconte sa hantise : « La journée de Thomas s’est-elle bien passée ? » Elle se sent heureuse quand il rit, malheureuse quand il exprime sa frustration avec violence. Après l’heure du couvre-feu, bravant l’interdit, Martin n’a qu’un désir, reprendre sa lecture, comme sous le regard de sa grand-mère. « Celle qui toujours m’a apporté la paix se met à me faire réfléchir. » Elle a écrit : « Toi, Marty, tu es né après la Grande Bascule de 2027. » Quelle vie menait-on avant cette « révolution », le seul événement du passé encore enseigné ?

    Peu à peu lui vient l’idée de « jouer avec elle », de noter ses propres impressions, de participer à Zebraska en écrivant son propre récit, ses observations sur sa mère, infirmière, sur son père, architecte, sur ses compagnons de classe et sur June, la nouvelle, une jolie Canadienne irrésistible. Les chapitres du récit de Martin alternent avec le texte de Mamiléa en italiques.

    A travers la double histoire à la première personne de Martin lisant et écrivant, de sa grand-mère essayant toutes les manières d’être « une bonne mère », Isabelle Bary décrit leur façon d’être au monde et propose plusieurs points de vue sur la « différence ». On suit Martin dans sa vie de lycéen et à la maison. La vie de famille est si imprévisible pour les parents d’un enfant qui ne réagit pas comme les autres, si périlleuse pour l’enfant confronté sans cesse à de nouveaux défis et aux autres qui ne ressentent pas les choses comme lui.

    Pour Martin, que nous suivrons pendant quelques années, découvrir le passé de son père sera libérateur. Elle-même impliquée dans cette aventure maternelle compliquée, Isabelle Bary décrit par un biais intéressant, sautant une génération, la richesse d’une personnalité hors norme – « chaque revers a sa médaille ». C’est sa grand-mère qui transmet à Martin son histoire, celle de son père, son « héritage ». Zebraska nous raconte le vécu d’une famille avec un enfant « HP » et nous invite à une meilleure compréhension des uns et des autres.