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  • Un et double

    parc josaphat,schaerbeek,hêtres pourpres,printemps,nature,couleurs,arbres,ginkgo biloba,poésie,goetheLa feuille de cet arbre, qui, de l’Orient,
    Est confiée à mon jardin,
    Offre un sens caché
    Qui charme l’initié.

    Est-ce un être vivant,
    Qui s’est scindé en lui-même,
    Sont-ils deux qui se choisissent,
    Si bien qu’on les prend pour un seul ?

    Pour répondre à ces questions,
    Je crois avoir la vraie manière :
    Ne sens-tu pas, à mes chants,
    Que je suis à la fois un et double ?

    Johann Wolfgang von Goethe, Le Divan oriental-occidental

    (traduction de Henri Lichtenberger)

    Ginkgo biloba devant un "géant" pourpre du parc Josaphat

  • Nuances de pourpre

    Ils ne figurent pas dans la liste des arbres remarquables du parc Josaphat et pourtant, dimanche, en remontant de la place du Kiosque, je suis restée bouche bée devant les nouvelles parures des hêtres pourpres, qui donnent au parc un charme supplémentaire. Il s’y tenait un marché aux plantes avec quelques stands d’artisans (dont celui de Kriekebiche, que je suis bien contente de retrouver depuis que le magasin a dû fermer, bien que sa boutique en ligne soit ouverte à toute heure).

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    En début d’après-midi, le ciel était encore menaçant, mais c’était surtout le vent qui soufflait fort, ce qui ne se voit guère sur cette photo prise d’en bas de la plaine du Tir à l’arc. On y distingue à peine au sommet des arbres quelques mèches balayées vers la gauche au niveau du boulevard. De près, de loin, j'apprécie la variété des feuillages et des couleurs.

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    Peu de promeneurs dans le haut du parc en ce dimanche à la météo incertaine, mais beaucoup de monde dans son creux, à la terrasse de la Laiterie, aux tables qui entouraient le marché sur la place devant le Kiosque. Et là, plus aucun vent, un cadre accueillant pour ce rendez-vous printanier au cœur de l’ancienne vallée du Roodebeek, où le parc a été aménagé il y a un peu plus d’un siècle.

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    Le hêtre pourpre est la « vedette classique des grands parcs paysagés », selon Wikipedia : « Ses feuilles sont lisses à bord ondulé et présentent une couleur pourpre à cause d’une teneur élevée en anthocyanidine, mais selon les saisons elles peuvent varier avec du rose ou une forme de pourpre brillant qui masque la teinte verte de la chlorophylle. »

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    Voilà exactement ce qui m’a émerveillée en remontant vers le boulevard : ce brouillard coloré à travers lequel la ramure des grands hêtres reste visible en ce moment de l’année. Rien de tel qu’une silhouette humaine pour nous permettre d’apprécier leur taille. Voyez celui-ci au pied duquel un homme était assis dans l’ombre en compagnie de son chien.

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    Ou cet autre au feuillage plus rouge, vraiment royal, couronné lui aussi d’une trouée de ciel bleu. Ne dirait-on pas qu’autour de lui, de jeunes arbres reverdis de frais lui font la cour ?

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    Couleurs changeantes du temps, couleurs changeantes des arbres. Sous un autre angle, le feuillage des hêtres arborait encore d’autres teintes indéfinissables. A un distrait, ces nuances de pourpre pourraient évoquer l’automne, autre grande saison des hêtres, mais nul tapis de feuilles à présent sous les arbres dont l’ombre s’étend sur le velours vert des pelouses.

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    Au parc Josaphat, Schaerbeek, dimanche 28 avril 2024.

    C’est à regret que j’ai laissé derrière moi cette toile vivante du parc Josaphat que j’imaginais bien en touches vibrantes sur le chevalet d’un peintre. Le lendemain, la lumière avait changé, les hêtres pourpres ne portaient plus leurs habits brillants du dimanche. Ils n’avaient rien perdu de leur majesté.

  • Commencement

    « C’était l’été où l’homme a pour la première fois posé le pied sur la Lune. J’étais très jeune en ce temps-là, mais je n’avais aucune foi dans l’avenir. Je voulais vivre dangereusement, me pousser aussi loin que je pourrais aller, et voir ce qui se passerait une fois que j’y serais parvenu. En réalité, j’ai bien failli ne pas y parvenir. Petit à petit, j’ai vu diminuer mes ressources jusqu’à zéro ; j’ai perdu mon appartement ; je me suis retrouvé à la rue. Sans une jeune fille du nom de Kitty Wu, je serais sans doute mort de faim. Je l’avais rencontrée par hasard peu de temps auparavant, mais j’ai fini par m’apercevoir qu’il s’était moins agi de hasard que d’une forme de disponibilité, une façon de chercher mon salut dans la conscience d’autrui. Ce fut la première période. A partir de là, il m’est arrivé des choses étranges. J’ai trouvé cet emploi auprès du vieil homme en chaise roulante. J’ai découvert qui était mon père. J’ai parcouru le désert, de l’Utah à la Californie. Il y a longtemps, certes, que cela s’est passé, mais je me souviens bien de cette époque, je m’en souviens comme du commencement de ma vie. »

    Paul Auster, Moon Palace (1989, traduit de l’américain par Christine Le Bœuf, 1990)

    * * *

    Premier paragraphe du premier roman que j’aie lu de Paul Auster, en février 1991.
    En ce premier mai où j’apprends qu’il n’est plus de ce monde depuis hier, émue, je me souviens de cette première lecture qui ouvrait un long compagnonnage dans ma vie de lectrice. Son dernier roman, Baumgartner, vient de paraître – je me réjouis d’aller le chercher en librairie.
    Je pense à Siri Hustvedt.