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  • Il y a...

    Il y a toujours quelque chose :
    Les veines battent, le cœur
    Est nouveau,
    Et nous nous étonnons de nos naissances.

    vivier,robert,poésie,littérature française de belgique,il y a,cultureSais-tu quels peuples fabuleux
    Bougent en toi ? L’heure venue
    Tous écartent les brouillards,
    Les uns armés de trompettes,
    D’autres à pas de loup…
    De vieux soleils qui s’étouffaient dans la mémoire
    Approchent délivrés par le printemps
    Et les joies soudain t’environnent,
    Paysages de prairies.

    La merveille éparse du monde
    Sans fin cède et se recompose,
    Mais c’est toi qui, t’éveillant
    Toujours nouveau, multiplies
    Le visage éternel.

     

    Robert Vivier, Poésie 1924-1959, Editions universitaires, Paris, 1964

    © Geeraerts M.J., Soleil levant

    * * *

    Bonne & heureuse année 2020 !    

    Tania     

  • Sept extraits d'elles

    Deux Anglaises, deux Américaines, une Russe, une Française, une Autrichienne : Sept femmes de Lydie Salvayre parle d’elles – et d’elle. Ce sont des femmes qui lisent et qui écrivent. Les voici à travers sept extraits.

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    https://www.midisdelapoesie.be/72e-saison/7-femmes-et-plus/

    « Parfois, le livre grand ouvert sur sa poitrine, elle [Emily Brontë] s’interrompt de lire comme le font tous les lecteurs du monde et parcourt el mundo por de dentro, comme aurait dit Quevedo, à la poursuite d’un songe, ou d’une image, ou de rien, ou d’une histoire pleine de bruits et de rebonds qui ira grossir les Gondal Chronicles.
    Si vide d’espoir est le monde du dehors
    Que deux fois précieux m’est le monde du dedans. »

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    « C’était Djuna Barnes, dans ses chasses nocturnes.
    A la traque, à l’affût.
    L’angoisse au cœur.
    Gorge nouée.
    Folle.
    Et que je me figure telle qu’elle se dépeignit sous les traits de Nora dans
    Le Bois de la nuit, pressant le pas comme pour accélérer le temps et faire revenir son amante plus vite, son amante Thelma qu’elle cherchait derrière chaque silhouette et chaque couple croisé, tout en évitant de passer devant les bars où elle la savait être, afin que nul ne soupçonnât le désarroi qui la jetait dehors à ces heures nocturnes. »

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    « C’est après l’une de ses chutes au fond du gouffre que Sylvia Plath réalise qu’il y a en elle un moi assassin avec lequel elle devra, toute sa vie, composer.
    Un moi assassin qui, comme pour Virginia Woolf, obéit au rythme des bêtes qui hibernent, qui peut sommeiller des mois, se tenir coi, disparaître, laisser perfidement le calme et la sérénité s’installer, puis resurgir soudain sans crier gare, avec son goût de mort, sa violence de mort et ses armes de mort.
    Ce moi assassin, elle dit qu’elle veut à présent lui faire honte. Elle dit qu’elle veut lui faire entrer le nez dans la figure, et elle est polie. »

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    « Je relis aujourd’hui ce récit [le début de La Naissance du jour de Colette] que je découvris à quinze ans, assoiffée que j’étais d’audaces impertinentes et prête à dévorer le monde par tous les bouts. Il conféra à mes désirs d’adolescente une ratification irrécusable et sans doute une forme d’encouragement. Mais il me révéla surtout qu’il existait un plaisir d’une nature particulière, un plaisir lié à la tournure gracieuse d’une phrase, à l’usage insolite d’un mot, au chic d’une expression dont je n’aurais jamais eu l’idée, et qui marqua le début d’une longue histoire entre moi et ce qu’on appelle le verbe. »

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    « Cette correspondance [de Marina Tsvetaeva avec Pasternak] commencée en 1922 se continuera jusqu’en 1936.
    A travers les calamités d’une époque où tout n’est
    que rouille et rance, et malgré la distance qui les sépare ou peut-être grâce à elle, ces deux écrivains vont s’écrire et écrire à quatre mains ce que je considère comme une œuvre littéraire à part entière, une œuvre qui échappe à tout classement dûment étiqueté : long poème d’amour, roman épistolaire, journal intime, témoignage sur le vif d’une période qui changea la couleur du monde, tout cela à la fois, et bien plus que cela. »

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    « Un écrivain, comme le cœur et les marées, pour le dire autrement, un écrivain a son rythme intérieur. Et s’il n’entend pas son rythme intérieur, il n’est pas écrivain. C’est aussi simple, et aussi implacable. Le rythme est l’écrivain. Il faudrait, pour bien faire, citer ce qu’en dit Hölderlin, rapporté par Sinclair, y consacrer des pages et des pages, mais ce n’est pas ici le lieu.
    Woolf, comme Plath, comme Tsvetaeva, comme tous les écrivains que j’admire, Woolf, c’est un rythme, c’est-à-dire la voix inimitable d’un sujet, sa voix innée, sa voix singulière, laquelle résiste à toutes les métriques sociales. »

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    « Thomas Bernhard, qui me conduit vers elle [Ingeborg Bachmann] (car un auteur aimé vous amène vers ses livres aimés, lesquels vous amènent vers d’autres livres aimés, et ainsi infiniment jusqu’à la fin des jours, formant ce livre immense, inépuisable, toujours inachevé, qui est en nous comme un cœur vivant, immatériel mais vivant), Thomas Bernhard, disais-je, dit d’elle qu’elle est un événement. Il l’admire. »

    Sept femmes que Lydie Salvayre aime « sans mesure » pour la puissance de leur écriture, « leur pouvoir de conjuguer l’œuvre avec l’existence » et, avec le bouleversement à les lire, « le surcroît de vie » qu’elles lui insufflent.

     

    Les billets de Colo, Claude, Dominique (2013), Aifelle, Niki (2017) qui ai-je oublié ?

  • Plaisirs de la porte

    ponge,les plaisirs de la porte,le parti pris des choses,poésie,littérature française,porte,cultureLes rois ne touchent pas aux portes.

    Ils ne connaissent pas ce bonheur : pousser devant soi avec douceur ou rudesse l’un de ces grands panneaux familiers, se retourner vers lui pour le remettre en place, – tenir dans ses bras une porte.

    … Le bonheur d’empoigner au ventre par son nœud de porcelaine l’un de ces hauts obstacles d’une pièce ; ce corps à corps rapide par lequel un instant la marche retenue, l’œil s’ouvre et le corps tout entier s’accommode à son nouvel appartement.

    D’une main amicale il la retient encore, avant de la repousser décidément et s’enclore, – ce dont le déclic du ressort puissant mais bien huilé agréablement l’assure.

     

    Francis Ponge, Les plaisirs de la porte in Le parti pris des choses, Poésie/Gallimard, 1975.

  • La ville d'hiver

    Du balcon, elle regardait le palmier et, au loin, l’ombre violette des dunes. Tout autour, invisible dans la nuit, s’étendait la ville morte.

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    En se penchant, elle aurait pu apercevoir la mer. Un petit bout de mer, entre le belvédère et les fûts sombres des cyprès. Mais elle ne bougeait pas. Incapable de détacher son regard du bel arbre à l’allure de gardien de phare, que la lune éclairait comme un projecteur, elle laissait le froid l’envahir. Le calme et le silence, si inhabituels à ses sens de citadine, l’enveloppaient entièrement. Un mouvement lui aurait paru offenser le paysage, troubler le mirage d’un bonheur parfait. L’air avait un parfum de citron ; il lui donnait envie de boire.

    Ce palmier qui la fascinait, dont l’ombre généreuse évoquait l’été, la sieste et les hamacs, il lui semblait l’avoir toujours connu. Ses palmes retombaient jusqu’à terre en de grands bras protecteurs. A lui seul il était un monde : il lui parlait du Sud. Un Sud sans frontières hostiles, où le Maroc, les plages de Cadaquès et les îles de la Méditerranée composaient son paradis terrestre. Après des années, elle le retrouvait intact dans cet hiver nocturne. L’arbre familier, presque familial, réveillait l’odeur acide et tenace de son enfance.

    Pas un bruit ne montait vers elle, pas un frisson de vent. La nuit se retirait, le matin se levait. Attirée par le demi-jour qui créait dans la chambre, à travers les voilages, une atmosphère irréelle et changeante, elle était venue jeter un coup d’œil au jardin. Et c’étaient des images incendiées de soleil qu’elle voyait surgir, ramenées de très loin, d’une autre nuit et d’un autre décor vide, tout semblable à ce jardin désert.

     

    Dominique Bona, La Ville d’hiver, Grasset / Livre de poche, 2007 (incipit).

  • Noël au coeur

    noël,maison de soins,décor de noël,présenceCe sont deux petits personnages de Noël, qui chantent à gorge déployée en regardant le ciel. Ils se tiennent pas loin de la crèche, sur une cheminée de briques en papier, avec de vraies branches dans l’âtre. Au-dessus, la couronne de boules dorées attire le regard, et sa cloche rouge.

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    La semaine dernière, des résidents de la maison de soins ont mis la main à la pâte pour confectionner les décorations de Noël, attacher des boules aux couronnes d’osier, plier, découper, assembler : les bougies sur la cheminée sont en papier aussi, pas de danger. Des couronnes, des étoiles sont accrochées un peu partout dans la cafétéria.

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    D’habitude, c’est le coin des enfants qui viennent en visite. Maintenant, des hommes et des femmes qui ne peuvent plus vivre seuls vont y regarder la cheminée, les coussins aux couleurs de Noël dans le petit canapé tout près, un petit ours avec son bonnet. Et le plus précieux, c’est de tenir une main dans la sienne, c’est la présence d’un être cher, c’est Noël au cœur.


    Bonne fête de Noël !    

    Tania