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La ville d'hiver

Du balcon, elle regardait le palmier et, au loin, l’ombre violette des dunes. Tout autour, invisible dans la nuit, s’étendait la ville morte.

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En se penchant, elle aurait pu apercevoir la mer. Un petit bout de mer, entre le belvédère et les fûts sombres des cyprès. Mais elle ne bougeait pas. Incapable de détacher son regard du bel arbre à l’allure de gardien de phare, que la lune éclairait comme un projecteur, elle laissait le froid l’envahir. Le calme et le silence, si inhabituels à ses sens de citadine, l’enveloppaient entièrement. Un mouvement lui aurait paru offenser le paysage, troubler le mirage d’un bonheur parfait. L’air avait un parfum de citron ; il lui donnait envie de boire.

Ce palmier qui la fascinait, dont l’ombre généreuse évoquait l’été, la sieste et les hamacs, il lui semblait l’avoir toujours connu. Ses palmes retombaient jusqu’à terre en de grands bras protecteurs. A lui seul il était un monde : il lui parlait du Sud. Un Sud sans frontières hostiles, où le Maroc, les plages de Cadaquès et les îles de la Méditerranée composaient son paradis terrestre. Après des années, elle le retrouvait intact dans cet hiver nocturne. L’arbre familier, presque familial, réveillait l’odeur acide et tenace de son enfance.

Pas un bruit ne montait vers elle, pas un frisson de vent. La nuit se retirait, le matin se levait. Attirée par le demi-jour qui créait dans la chambre, à travers les voilages, une atmosphère irréelle et changeante, elle était venue jeter un coup d’œil au jardin. Et c’étaient des images incendiées de soleil qu’elle voyait surgir, ramenées de très loin, d’une autre nuit et d’un autre décor vide, tout semblable à ce jardin désert.

 

Dominique Bona, La Ville d’hiver, Grasset / Livre de poche, 2007 (incipit).

Commentaires

  • Magnifique extrait, plein de lumières, d'odeurs, de sensations. Grand merci!
    Je vis au milieu des palmiers, comme des ambassadeurs du mouvement lent, de la lumière qui se filtre entre les palmes...

  • L'intrigue de ce roman se déroule à Arcachon, ville d'hiver que je n'ai jamais visitée - j'imagine bien que tu puisses y retrouver des ambiances de ton île. Bonne fin de semaine, Colo.

  • J'aime tout ce qu'écrit Dominique Bona , 'c'est élegant et féminin. Tout le charme d'une belle écriture sensible .

  • Une belle plume, je suis d'accord.

  • J'ai prévu de le relire un de ces jours.

  • Nous sommes d'accord.

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