Les rois ne touchent pas aux portes.
Ils ne connaissent pas ce bonheur : pousser devant soi avec douceur ou rudesse l’un de ces grands panneaux familiers, se retourner vers lui pour le remettre en place, – tenir dans ses bras une porte.
… Le bonheur d’empoigner au ventre par son nœud de porcelaine l’un de ces hauts obstacles d’une pièce ; ce corps à corps rapide par lequel un instant la marche retenue, l’œil s’ouvre et le corps tout entier s’accommode à son nouvel appartement.
D’une main amicale il la retient encore, avant de la repousser décidément et s’enclore, – ce dont le déclic du ressort puissant mais bien huilé agréablement l’assure.
Francis Ponge, Les plaisirs de la porte in Le parti pris des choses, Poésie/Gallimard, 1975.
Commentaires
J'aime infiniment ce poème, auquel souvent je pense en poussant une porte...
Plaisir de sortir, de rentrer aussi. Bon week-end, Anne.
Regard aigu et fraternel de F.Ponge sur les choses les plus ordinaires , celles qu'on cotoie chaque jour et qui font partie de notre rapport au monde , rapport "amical " , dit son poème .
Moi je suis plûtôt intéressée par le symbolisme de la porte , ouverture sur ..., seuil à franchir , étape initiatique ...j'avais oublié qu'on peut tout simplement l'aimer ...
Oui, cette poésie des choses nous ramène à l'ordinaire, d'un point de vue original, au corps, au concret de la vie.
Je ne connaissais pas... Les portes sont un étrange monde, finalement... J'avais été fascinée par cette présentation d'il y a quelques années :
http://www.auxerretv.com/content/index.php?post/2012/12/03/La-Porte-!-SVP-!
Merci pour le lien, Edmée, j'irai écouter cette "ethnologie de la porte" un de ces jours. Bonne soirée.
Que c'est beau, je ne connaissais pas du tout, grand merci!
Moi j'aime les portes ouvertes, j'en ferme rarement une. Ici dans le sud, même les portes d'entrée restent souvent ouvertes...mais il y en a de si belles, si différentes.
Avec plaisir, Colo. Je regarde souvent les portes de maison quand je me promène, elles me font parfois rêver.
Les rois ....et les prisonniers.
J'ai été impressionnée par cette phrase du magnifique livre de Ahmet Altan" dont tu avais parlé. "Je ne reverrai plus le monde" : Je la cite de mémoire surement imparfaitement..... "Je n'ouvrirai et ne fermerai plus jamais une porte moi-même " .
Ouvrir et fermer une porte n'est pas si anodin que cela, c'est le privilège des hommes libres. Le roi est sur certains points comme le prisonnier, un être empêché.
Belle fin d'année Tania et à tout bientôt en 2020. Je t'embrasse. Claudie.
Merci, Claudie. Je n'ai pas encore lu Ahmet Altan, mais ta remarque sur les prisonniers est très juste.
Bon passage à l'an neuf en douceur, bises.
Ah ! ce regard porté sur les choses.... que c'est merveilleux ! Merci de m'inciter à aller sur les étagères rechercher ce volume de Ponge.
Bon dimanche ! Et volontiers pour le prêt du livre de Virginia en février !
Bon dimanche, Marie. Ce sera plutôt vers le milieu du printemps que nous descendrons dans ta belle région.
J'aime Ponge, et ce choix de texte, et pousser la porte pour entrer ici ...
Tendresse.
Bonne journée.
C'est très gentil, bonne journée, Nikole.
Je photographie souvent les portes. Il y en a de très belles au Maroc par exemple. Merci pour ce poème et meilleurs vœux Tania
La porte d'entrée, c'est parfois une invitation, parfois un mystère. Les portes intérieures d'aujourd'hui manquent souvent de ces charmes d'antan.
Merci pour tes vœux, Zoë, autant pour toi.
J'adore Ponge. MErci de citer ce poème, qui n'est pas le plus connu ( en tout cas, je ne me souviens pas de l'avoir lu...)
Du plaisir de rouvrir un recueil… On n'est jamais déçu avec Francis Ponge.