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Rechercher : Le monde des hommes

  • Bistrots

    meganck,marc,bruxelles disparu,patrimoine,urbanisation,ville,démolitions,transformations,culture,photos anciennes,histoire« Combien de bars fermés seulement au cours du vingtième siècle ? Le Repos de la Montagne, A la Jambe de Bois, Au coin du diable, Chez Jeannine, Le Bossu, Au vieux Château d’Or… Ou, plus récemment, The Bank, Blues Corner, PP Café, Le Mont Chauve, L’Epsom, Chez Marcel, Le Klashkop, L’Aqueduc… Quand un bistrot ferme définitivement ses portes, les habitués sont jetés à la rue, à nouveau livrés à eux-mêmes. Ils évoluent hagards dans une ville qui leur paraît très agressive comparée à la chaleur qui régnait autour du zinc. Ces hommes et ces femmes sont souvent des gens du quartier, parfois des voisins. Un microcosme gentiment imbibé. Un club très fermé. Car on en est ou on n’en est pas. Le bistrot de quartier a toujours été le lieu de rassemblement d’une famille recomposée, une fratrie forgée dans le liquide et l’immobilisme. Alors, quand tout s’arrête, c’est un petit monde qui s’effondre, un groupe qui se disloque à jamais. »

    Marc Meganck, Bruxelles disparu

    (Source de l'illustration)

  • Au vent

    « La face du monde bouleversée ! J’ai toujours trouvé un peu risible l’importance que la plupart des humains attachent à ces choses. Selon que la terre est à eux ou à d’autres, ils ont une façon toute différente de la regarder et même de s’y mouvoir. Et pourtant, dans les faits, à qui est-elle vraiment ? Si on me le demandait, je dirais : au vent, qui brasse bien plus d’arpents que n’en possédèrent jamais les Radziwill ou les Zamoyski, courbe les blés en longues ondes dans la plaine, renverse des arbres, prélève sa dîme d’ardoises. Qui, de tout homme, fait un manant obligé de se découvrir sur son passage, de toute femme une serve dont il dénude les jambes et fouit les cheveux à son caprice. »

     

    Diane Meur, Les Vivants et les Ombres 

    Olga Boznanska, vers 1900.jpg
  • Plaisirs secrets

    « Certains d’entre nous sont destinés à vivre dans une case dont il n’est de libération que temporaire. Nous autres aux esprits endigués, aux sentiments entravés, aux cœurs arrêtés et aux pensées réprimées, nous qui aspirons à exploser, à déborder en un torrent de rage ou de joie ou même de folie, nous n’avons nulle part où aller, nulle part au monde parce que nul de veut de nous tels que nous sommes, et il n’y a rien d’autre à faire qu’embrasser les plaisirs secrets de nos sublimations, l’arc d’une phrase, le baiser d’une rime, l’image qui prend forme sur le papier ou la toile, la cantate intérieure, la broderie cloîtrée, le travail d’aiguille sombre ou rêveur venu de l’enfer ou du ciel ou du purgatoire ou d’aucun des trois, mais il faut que viennent de nous quelque bruit et quelque fureur, quelques éclats de cymbales dans le vide. Qui nous priverait de la simple pantomime de la frénésie ? Nous, les acteurs qui allons et venons sur une scène sans spectateurs, entrailles palpitantes et poings levés ? » 

    Siri Hustvedt, Un été sans les hommes 

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  • Simplicité

    « Tout bien considéré, je me dis que la grande majorité de l’humanité vous exhorte au mal. On dirait que pour les gens, il est impossible de réussir dans la société à moins d’être malhonnête. S’ils rencontrent un homme droit et sincère, ils le méprisent en le traitant de « jeunot » ou même de « gosse ». Ne vaudrait-il pas mieux que les professeurs de morale des écoles et des collèges n’enseignent pas à leurs élèves à ne pas mentir et à être honnêtes ? Ils devraient oser résolument exposer à l’école les méthodes du bien mentir, les techniques de la méfiance, les moyens de posséder les autres, et ce non seulement dans l’intérêt général, mais pour le bien des individus. Le grand rire Ho ho ho ho ! de Chemise-Rouge, c’était un rire contre ma simplicité. Que faire dans un monde où l’on rit de la simplicité et de la franchise ? »

     

    Natsumé Sôseki, Botchan

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  • A leur insu

    Benameur escalier.jpg« Le tapis épais absorbe les pas. Ils grimpent. Quatre mondes l’un à la suite de l’autre, silencieux. Ce matin même, ils ignoraient tout de leurs existences respectives. Désormais ils ont en commun cette maison où ils viendront chaque jour, c’est le contrat, et cet homme qui les attendra, chacun à son heure. Est-ce qu’on choisit les liens qui vont se tisser lorsqu’on va travailler dans un bureau, une usine, une école ? On va se parler, forcément, et même finir par deviner à la façon de se dire bonjour le matin comment chacun va. On se connaîtra… un peu. On n’aura pas choisi. Ces quatre-là maintenant auront un lien encore plus fort. Ils toucheront les mêmes objets, monteront et descendront le même escalier. Chacun laissera son empreinte dans la maison. Peut-être prendront-ils ainsi une connaissance plus fine les uns des autres, sans même se rencontrer. A leur insu. »

    Jeanne Benameur, Profanes