Jeanne Benameur, dans Profanes, sème ici et là les éléments qui éclairent le titre de son roman. « Ils sont là, derrière la porte. Il ne faut pas que je rate mon entrée. Maintenant que je les ai trouvés, tous les quatre, que je les ai rassemblés, il va falloir que je les réunisse. » Ces premiers mots du texte sont d’Octave Lassalle, l’ancien chirurgien qui, à quatre-vingt-dix ans, a besoin à nouveau « d’une équipe ». Comme un auteur de théâtre – comme l’auteure – qui convoque ses personnages.
Octave Lassalle a soigneusement choisi les quatre personnes à qui il va donner les clés de sa maison – chacune y aura sa propre chambre pour y dormir à l’occasion – pour vivre encore. « Pas en attendant. Pleinement. » Il lui a fallu presque un an pour les trouver, parmi ceux qui ont répondu à sa « drôle d’annonce » : trois femmes, « la petite Béatrice », Yolande, Hélène et un homme, Marc.
Ça ne plaît pas trop à son notaire, qu’il ouvre ainsi sa maison pleine de choses précieuses, ni à sa gouvernante, Mme Lemaire, qui s’en occupe depuis des années. Vu son grand âge, même s’ils viendront chez lui à des heures différentes, il a voulu les rassembler pour qu’ils se connaissent un peu ; ils se croiseront, un jour peut-être ils devront communiquer entre eux sur la meilleure façon de prendre soin de lui, s’il perd le contrôle.
La journée commencera avec Marc, dès sept heures, qui le rasera à l’ancienne et s’occupera du jardin. Hélène arrivera à quatorze heures, elle est peintre et il lui a passé une commande, elle lui lira aussi les journaux. Yolande lui préparera le dîner et mettra de l’ordre dans les placards de la maison, Béatrice, étudiante infirmière, restera pour la nuit.
Ainsi s’enclenche l’intrigue de Profanes qui va lentement dévoiler la personnalité d’Octave Lassalle et celle des autres protagonistes : leurs motivations, leur vie privée, leurs réactions au contact de la maison et du propriétaire. Chacun a un passé, des blessures, chacun vit ses propres démêlés avec le présent et leur relation particulière avec le vieil homme agira comme un révélateur.
« Le roman est tissé de ces vies qui se cherchent et se touchent, des vies trébuchantes, traversées d’élans et de doutes qui trouvent parfois, magnifiquement, la justesse. » (Jeanne Benameur, sur le site de l’éditeur). La vie, l’amour, la mort, la romancière aborde ces grands thèmes d’une façon originale dans ce beau roman (prix RTL Lire 2013) qui offre aussi, comme l’annonce le titre, une réflexion sur le sens du sacré et du profane pour chacun des personnages.
Octave Lassalle sait qu’en ouvrant sa maison à d’autres, il prend des risques, mais c’est justement cela, la vie. « J’ai écrit ce roman, comme Hélène, la femme peintre, en passant par les ombres de chacun pour qu’ils apparaissent peu à peu, dans la lumière. » (Jeanne Benameur)
Commentaires
Je garde un beau souvenir de cette lecture, faite il y a déjà 5 ans. http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2013/05/18/27184262.html
Merci, Aifelle. je n'ai pas pris le temps de chercher des liens pour ce billet. J'y retournerai.
pas de lien chez moi mais j'ai lu ce roman qui m'avait bien plu
C'est une belle manière de faire face pour le vieil homme. (Hélas peu de personnes disposent d'une telle aisance financière.)
le sujet est intéressant (et très actuel, apparemment, le même genre d'intrigue/point de départ a déjà fait l'objet de films)
Jeanne Benameur l'aborde d'une manière originale, ses personnages sont attachants. Tu penses à un film en particulier ?
cela m'a l'air très beau
Ce roman mérite qu'on s'y arrête.
Une belle alternative à la solitude et combien de personnalités différentes, entrecroisées. tentant!
J'espère que tu le trouveras (un emprunt à la biblio).
Un beau sujet. je n'ai pas lu le livre mais ce que tu en dis me plaît.
Heureuse d'avoir éveillé ta curiosité. A bientôt, Claudialucia.
Je n'ai lu qu'un roman de cette auteure (ou peut-être deux à la réflexion) et il y a quelque chose dans le style qui n'est pas pour moi.
Ce que tu écris de ce roman est bien tentant ! Je vais garder son titre en mémoire.
Contente de voir que votre blog est reparti sur de nouveaux rails et un site visiblement très agréable de présentation et de visibilité. J'ai lu récemment un livre de Jeanne Benameur "L'enfant qui" que j'ai aimé mais dont le final était raté et c'était d'autant plus dommage que l'auteure a une écriture au charme évident et un monde imaginaire très personnel.Je souhaite beaucoup de visiteurs à votre blogSpirit, dont moi-même, qui suis ravie de vous retrouver. Bel automne.
@ Valérie : Je la lis pour la première fois et j'ai apprécié son style ici.
@ Annie : Ce titre hors du commun est facile à retenir, je l'avais noté depuis un moment et je n'ai pas hésité quand je l'ai vu à la bibliothèque.
@ Armelle : En deux mois, après bien des émotions lors du déménagement, j'ai trouvé mes marques sur blogSpirit, découvert les "pages" qui permettent d'enregistrer les listes indexées, bref, j'ai retrouvé mon rythme de croisière. Merci, Armelle. Je n'ai rien lu d'autre de cette romancière, ce roman-ci tient sa note jusqu'à la fin. Bel automne à vous aussi, à bientôt.
Une réflexion sur le profane et le sacré m'intéresse. Je parcours ces derniers jours "Le nouveau Magazine littéraire" (juin-juillet) consacré au thème "Vivre sans Dieu". Je pense que le sacré, c'est autre chose, Dieu ou pas.
La conclusion (femme peintre, ombres lumières) est séduisante, elle doit vous tenir à cœur.
Bonne semaine Tania.
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La 4e de couverture conclut sur cette phrase: "Contre une galopante toute-puissance du dogme, "Profanes" fait le choix déterminé de la seule foi qui vaille: celle de l'homme en l'homme."
J'ai découvert le "nouveau ML" dans le numéro de septembre, donnerez-vous des échos du précédent ? Est-il à la hauteur d'un tel sujet ?
S'il faut abonder dans le sens de la phrase de la 4e de couverture que vous citez, oui ce numéro du NML est à la hauteur du sujet.
La position du magazine tient dans le parti pris de l'éditorialiste R. Glucksmann : "Alors que pour sa plus large part, le monde contemporain devient agnostique, le grand retour du religieux seulement est mis en valeur. Nous faisons le pari inverse."
Et l'on trouve des titres d'articles "Qu'il existe ou pas, Dieu est nul", "Les athées n'ont rien à vendre", etc...
Néanmoins, j'aime la nuance et sait me placer du point de vue du croyant (indépendamment de toute conviction personnelle). Il faut savoir prendre ce qui nous convient, dans la presse, dans les livres, dans l'information. La nuance importe.
Au départ le "Vivre sans Dieu" en couverture m'a intéressé : je mesure les excès commis au nom des soit-disant religions.
Peut-être un billet, je en sais pas encore, je n'ai pas tout lu.
Merci pour votre réponse détaillée. "La seule foi qui vaille" est une formule qui me déplaît autant que "hors de l'Eglise, point de salut". De même, je tique en lisant "Alors que pour sa plus large part, le monde contemporain devient agnostique", alors qu'une majorité de gens sur la terre sont croyants (cf. Le monde des religions : http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/84-de-la-population-mondiale-est-religieuse-18-01-2013-2925_118.php )
Je me demandais justement ce que recouvrait ce titre du NML et comment ce numéro aborde la question de la liberté religieuse.
Une très jolie histoire, bien construite et pleine d'une belle humanité, j'avais aussi fait un billet à l'époque. Fait amusant, j'étais hier au soir chez Monalisait sur le port de Toulon et j'ai failli racheter ce livre, je n'avais malheureusement pas d'argent sur moi. Je pense que je vais y retourner pour relire avec autant de plaisir j'en suis certaine ce Profanes. Merci Tania, je t'embrasse. brigitte
Je n'ai pas retrouvé ton billet, j'aurais aimé le relire. Je t'imagine à la librairie du port où j'ai souvent trouvé de bonnes choses à lire. Bon après-midi, Brigitte.