« Certains d’entre nous sont destinés à vivre dans une case dont il n’est de libération que temporaire. Nous autres aux esprits endigués, aux sentiments entravés, aux cœurs arrêtés et aux pensées réprimées, nous qui aspirons à exploser, à déborder en un torrent de rage ou de joie ou même de folie, nous n’avons nulle part où aller, nulle part au monde parce que nul de veut de nous tels que nous sommes, et il n’y a rien d’autre à faire qu’embrasser les plaisirs secrets de nos sublimations, l’arc d’une phrase, le baiser d’une rime, l’image qui prend forme sur le papier ou la toile, la cantate intérieure, la broderie cloîtrée, le travail d’aiguille sombre ou rêveur venu de l’enfer ou du ciel ou du purgatoire ou d’aucun des trois, mais il faut que viennent de nous quelque bruit et quelque fureur, quelques éclats de cymbales dans le vide. Qui nous priverait de la simple pantomime de la frénésie ? Nous, les acteurs qui allons et venons sur une scène sans spectateurs, entrailles palpitantes et poings levés ? »
Siri Hustvedt, Un été sans les hommes
Commentaires
Très beau passage... qui ne concerne pas vraiment disons le couple Auster-Hustvedt ! Quioque, pour l'anonyme (ou le pseudo chère Tania) qui nous dit que les cymbales de ses plaisirs secrets ne résonnent pas ailleurs que dans le vide ? Et puis d'abord c'est quio le vide ? le contraire du plein ?
Ce livre a l'air proprement enchanteur. J'aime beaucoup les extraits choisis. Je m'y reconnais mais peut-être parce qu'ils sont adressés à l'aspect universel de l'âme humaine. Merci beaucoup Tania. Encore un livre à ne pas rater !
@ MH : Tiens, ma réponse n'y est pas... Je reprends. Le contexte : c'est "M. Personne" qui s'exprime ici, en réponse à la narratrice qui lui a confié le secret des travaux d'aiguille de la vieille Abigail. Une belle explosion verbale, non ? De temps à autre, un éclat de cymbales fait du bien.
@ Euterpe : Plein de réflexions vont vous intéresser dans ce roman, il me semble.
Ce passage est vraiment brillant!
Je me demande si on ne pourrait pas remplacer "certains d'entre nous" par "la plupart d'entre nous", du moins dans les grandes lignes...combien d'entre nous sortent facilement, régulièrement, de la case plus ou moins dessinée par tant de facteurs indépendants de nos choix?
Juste une réflexion en passant....il est minuit dix, l'oreiller me donnera-t-il une réponse?
@ Colo : A lire à minuit aux chandelles ?
C'est un extrait magnifique, je sens qu'il va me plaire ce roman. J'aime aussi sa couverture (je retrouve enfin tous tes billets, je te croyais repartie un peu en voyage !!)
@ Aifelle : Merci pour ta patience, j'espère que tout fonctionne bien à présent. Amusant, le jeu entre la couverture originale et celle de la traduction, n'est-ce pas ?