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van lerberghe

  • De la clarté

    De mon mystérieux voyage
    Je ne t’ai gardé qu’une image,
    Et qu’une chanson, les voici :
    Je ne t’apporte pas de roses,
    Car je n’ai pas touché aux choses,
    Elles aiment à vivre aussi.

    Le Ventoux au loin.JPG

    Mais pour toi, de mes yeux ardents,
    J’ai regardé dans l’air et l’onde,
    Dans le feu clair et dans le vent,
    Dans toutes les splendeurs du monde,
    Afin d’apprendre à mieux te voir
    Dans toutes les ombres du soir.

    Le troupeau rassemblé.jpg

    Afin d’apprendre à mieux t’entendre
    J’ai mis l’oreille à tous les sons,
    Ecouté toutes les chansons,
    Tous les murmures, et la danse
    De la clarté dans le silence.

    La Drôme à Crest.jpg

    Afin d’apprendre comme on touche
    Ton sein qui frissonne ou ta bouche,
    Comme en un rêve, j’ai posé
    Sur l’eau qui brille, et la lumière,
    Ma main légère, et mon baiser.

     

    Charles Van Lerberghe (1861-1907)

    Le Ventoux au loin / Le troupeau rassemblé / La Drôme à Crest
    (septembre 2019)

  • Premières paroles

    C’est le premier matin du monde.
    Comme une fleur confuse exhalée de la nuit,
    Au souffle nouveau qui se lève des ondes,
    Un jardin bleu s’évanouit.
     

    Avril terrasse (1).JPG

    Tout s’y confond encore et tout s’y mêle,
    Frissons de feuilles, chants d'oiseaux, 
    Glissements d'ailes,
    Sources qui sourdent, voix des airs, voix des eaux, 
    Murmure immense ;
    Et qui pourtant est du silence.
     

    Avril terrasse (2).JPG

    Ouvrant à la clarté ses doux et vagues yeux, 
    La jeune et divine Ève 
    S'est éveillée de Dieu.
    Et le monde à ses pieds s'étend comme un beau rêve.
     

    Avril terrasse (3).JPG

    Or Dieu lui dit : Va, fille humaine,
    Et donne à tous les êtres
    Que j'ai créés, une parole de tes lèvres,
    Un son pour les connaître.
     

    Avril terrasse (4).JPG

    Et Eve s'en alla, docile à son seigneur,
    En son bosquet de roses,
    Donnant à toutes choses
    Une parole, un son de ses lèvres de fleur :

    Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole... 

    Avril terrasse (5).JPG

    Cependant le jour passe, et vague, comme à l'aube,
    Au crépuscule, peu à peu, 
    L'Eden s'endort et se dérobe
    Dans le silence d'un songe bleu.
     

    Avril terrasse (6).JPG

    La voix s'est tue, mais tout l'écoute encore,
    Tout demeure en attente ;
    Lorsque avec le lever de l'étoile du soir,
    Eve chante.
     

    Avril terrasse 12.jpg

    Très doucement, et comme on prie,
    Lents, extasiés, un à un,
    Dans le silence, dans les parfums
    Des fleurs assoupies,
    Elle évoque les mots divins qu'elle a créés ;
    Elle redit du son de sa bouche tremblante :
    Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole...
    Elle assemble devant Dieu 
    Ses premières paroles, 
    En sa première chanson.


    Charles Van Lerberghe, La chanson d'Eve (1904)

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    Pour accompagner ce poème,
    quelques signes du printemps
    sur la terrasse.

    Tania