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Premières paroles

C’est le premier matin du monde.
Comme une fleur confuse exhalée de la nuit,
Au souffle nouveau qui se lève des ondes,
Un jardin bleu s’évanouit.
 

Avril terrasse (1).JPG

Tout s’y confond encore et tout s’y mêle,
Frissons de feuilles, chants d'oiseaux, 
Glissements d'ailes,
Sources qui sourdent, voix des airs, voix des eaux, 
Murmure immense ;
Et qui pourtant est du silence.
 

Avril terrasse (2).JPG

Ouvrant à la clarté ses doux et vagues yeux, 
La jeune et divine Ève 
S'est éveillée de Dieu.
Et le monde à ses pieds s'étend comme un beau rêve.
 

Avril terrasse (3).JPG

Or Dieu lui dit : Va, fille humaine,
Et donne à tous les êtres
Que j'ai créés, une parole de tes lèvres,
Un son pour les connaître.
 

Avril terrasse (4).JPG

Et Eve s'en alla, docile à son seigneur,
En son bosquet de roses,
Donnant à toutes choses
Une parole, un son de ses lèvres de fleur :

Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole... 

Avril terrasse (5).JPG

Cependant le jour passe, et vague, comme à l'aube,
Au crépuscule, peu à peu, 
L'Eden s'endort et se dérobe
Dans le silence d'un songe bleu.
 

Avril terrasse (6).JPG

La voix s'est tue, mais tout l'écoute encore,
Tout demeure en attente ;
Lorsque avec le lever de l'étoile du soir,
Eve chante.
 

Avril terrasse 12.jpg

Très doucement, et comme on prie,
Lents, extasiés, un à un,
Dans le silence, dans les parfums
Des fleurs assoupies,
Elle évoque les mots divins qu'elle a créés ;
Elle redit du son de sa bouche tremblante :
Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole...
Elle assemble devant Dieu 
Ses premières paroles, 
En sa première chanson.


Charles Van Lerberghe, La chanson d'Eve (1904)

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Pour accompagner ce poème,
quelques signes du printemps
sur la terrasse.

Tania

Commentaires

  • je suis prête à fêter avec toi ce premier matin du monde, ces petites pousses printanières mettent le coeur en joie

  • Chanter sur ta terrasse?, excellent, les plantes aiment la musique, vas-y à tue-tête!
    (la première photo m'intrigue...)
    Belle après-midi, ciel bien gris ici.

  • @ Dominique : N'est-ce pas ? Bonne après-midi, Dominique.

    @ Fifi : Simples clichés à côté de tes belles captures printanières, merci pour ton passage.

    @ Colo : Ce paysage en miniature ? Le réveil des mousses qui tapissent un pot de plantes grasses.
    Des éclaircies cet après-midi, mais il fait froid même au soleil, le vent est piquant. Un baiser pour toi.

  • Une chanson de premier matin du monde que nous avons envie de dire quand les cieux se font cléments et lumineux, comme une prière.

    Je constate que le printemps de votre terrasse vous a offert l'occasion de belles images bien contrastées: tous mes compliments.

  • Je suis scotchée par la première photo, j'ai cru que c'était une oeuvre d'art en modelage ! Celle du Créateur, oui, pour rester dans l'esprit du poème !

  • Au risque de casser l'ambiance , surtout dans un pays où les anti-mariage pour tous défilent en criant avec les fachos de service qu'ils ne veulent pas les mêmes droits pour tou(te)s, je me suis demandé ce que voulait bien dire : "La jeune et divine Ève s'est éveillée de Dieu." .
    Oui je sais, je fais un peu l'imbécile ou plutôt "l'âne pour avoir du son". Mais pas ce qui reste de la mouture du blé, plutôt celui du chant des oiseaux qui piaillent, heureux de retrouver enfin un peu de soleil et de couleurs.
    Et par ailleurs je trouve ce poème très beau et surtout très bien illustré comme vous savez si bien le faire.
    Merci beaucoup Tania pour cette fraîcheur (pré)printannière.

  • Bonsoir, Gérard. Ah que la poésie ouvre des chemins d'interprétation, c'est sa spécialité, de garder le(s) sens ouvert(s) ! J'aime cette Eve qui donne son nom aux choses, vous vous en doutez.
    Vous serez peut-être intéressé par la présentation de Van Lerberghe lui-même : "Ma Chanson n'est, après tout, qu'un poème tout à fait subjectif et lyrique, auquel Ève et quelques beaux motifs de sa légende servent de thèmes et de symboles. Aussi l'unité n'est-elle qu'apparente, et jusqu'à un certain point artificielle. Vous vous en apercevrez. C'est quelquefois une qualité, quelquefois un défaut. Cela manque de transitions, de concordance. (...) Elle est ma pensée, Psyché si l'on veut, la Muse comme on disait jadis : moi et un certain idéal que j'ai non seulement de la jeune fille et de ses songeries, mais d'une âme féminine, très douce et pure, très tendre et rêveuse, très sage et en même temps très voluptueuse, très capricieuse, très fantasque. L'âme que j'ai dû avoir dans une autre existence, lorsque l'homme n'existait pas encore et que tout le monde avait encore un peu une âme de jeune Ève."
    (Contexte : http://www.miscellanees.com/v/vanler01.htm )

  • Bien contente d'apprendre que les noms des plantes viennent d'Eve. C'est peut-être pour cela que j'essaie de les connaître toutes.
    Moi aussi j'aime les petites lanternes toutes serrées avec leur tige rouge qui se dressent sur la mousse. C'est très joli !

  • Nous sommes d'accord ;-) J'aime regarder ce qui pousse tout seul dans les pots un peu laissés à eux-mêmes, beautés minuscules parfois.

  • je me sens un peu moins seul à me souvenir de Van Lerberghe, et de ma Poési gréco-latine, à Ixelles, en un temps que les moins de vingt ans...

  • Se souvenir de "sa" poésie, de "sa" rhétorique, oui, cela donne un certain âge mais que c'est doux. Bonne journée, monsieur H.

  • Il faut vivre en faisant de chaque matin le premier des matins.
    Merci pour les belles photos et le magnifique poème.
    Bonne journée.

  • Quelle belle idée que de mêler ainsi un beau texte à vos photos, pleines d'élan !

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